• Cinq blessés au cours de la Révolution seront soignés en Allemagne, huit autres au Qatar • Le ministère et un guichet unique pour les Droits de l'Homme et la Justice transitionnelle • L'expulsion de l'ambassadeur de Syrie est une décision souveraine Lors de sa première conférence de presse en tant que ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou, faisait hier salle comble. A –t-il convaincu ? Cela reste à vérifier, surtout qu'il maîtrise l'art de ne pas trop révéler, même s'il a le verbe facile. Ceux qui ont fait le déplacement à la recherche de beaucoup de scoops, n'en ont pas eu pour leur peine. Il devait faire connaître son département, ses dernières initiatives et répondre à quelques questions se rapportant à l'actualité. Il rappelle que la création de son ministère avait soulevé beaucoup d'interrogations. Quel traitement des droits de l'homme après la Révolution ? Les droits humains intéressent ceux qui n'en bénéficient pas, la société civile et le Gouvernement. Avant la Révolution, le gouvernement procédait par négationnisme. Après la Révolution, le Gouvernement a changé, mais pour certains la création d'un ministère des Droits de l'Homme sert à améliorer l'image de marque du Gouvernement. Etant dans une période transitoire de passage de la dictature vers la démocratie et non encore sous un régime démocratique, le ministre concède et admet que les violations des Droits de l'Homme peuvent ne pas s'arrêter. Il faut changer les mentalités, pour que puissent changer le comportement des agents de sécurité ou ceux qui travaillent dans les centres pénitenciers. « Nous n'avons pas besoin de torture pour arracher des informations », dit le ministre. Il promet que l'attitude vis-à-vis des violations des droits de l'Homme répondra à une nouvelle vision. Il ne s'agira pas de nier la réalité, mais de travailler avec les différents intervenants dans un esprit de partenariat. La loi devra être appliquée. L'aspect formation est à mettre en relief. Le partenariat intéressera aussi le ministère de l'Education et le ministère de l'Enseignement supérieur pour diffuser la culture des droits de l'Homme. Le deuxième volet dans l'activité du ministère est celui de la Justice transitionnelle. L'expérience vécue par d'autres pays du monde, montre que la justice transitionnelle se fonde sur un cadre légal avec la mise à disposition de l'Etat des conditions matérielles pour l'exercice de cette justice. Des appréhensions existent. « La justice transitionnelle se base sur la réconciliation d'une société avec son passé », dira le ministre. Si c'est l'Etat qui s'en occupe, il y a une peur légitime que le parti au pouvoir mette la main dessus. « Le ministère jouera le rôle de guichet unique pour les questions de droits de l'homme et de justice transitionnelle », affirme Samir Dilou. Le ministère joue son rôle dans certaines questions urgentes. Il en est ainsi de l'activation de l'amnistie générale. La loi N°1 du19 février 2011 a institué le dédommagement, contrairement au texte précédent. Un texte d'application devra être promulgué. Il attend toujours. Seuls 8700 personnes ont bénéficié d'attestations d'amnistie générale. Les problèmes de reconstitution de carrière se posent aussi bien pour des civils que des militaires. Des représentants d'anciens prisonniers civils et militaires ont contacté le ministère. Ils ont des revendications claires touchant à la fois le dédommagement et le côté professionnel. Les réparations n'intéressent pas uniquement les fonctionnaires. Sont aussi concernés d'anciens élèves et étudiants qui n'avaient pas travaillé avant d'entrer en prison. La question du financement des dédommagements reste posée. « Un conseil ministériel restreint se penchera, prochainement sur ce problème », annonce le ministre. Concernant les blessés de la Révolution, qui avaient fait un sit-in depuis deux mois, leurs revendications avaient été satisfaites avant qu'ils n'expriment leur mécontentement. Il y avait un problème de manque de communication. Selon les données disponibles, le nombre des blessés s'élève à 3652, celui des martyrs à 322. La liste n'est pas définitive. La question du dédommagement est régie par une décision gouvernementale datant du 26 février 2011. Une avance de 20.000 dinars a été accordée aux familles des martyrs et 3000 dinars aux blessés. Un texte de loi daté du 24 octobre 2011, précisera qu'il s'agit de dédommagements au profit des martyrs de la Révolution du 14 janvier. Le Gouvernement actuel travaille sur la base de la liste arrêtée par le gouvernement Ghannouchi. La liste définitive devra être établie par la Commission d'investigation présidée par Me Taoufik Bouderbala. Dans la liste des martyrs, deux ou trois cas, ne sont pas de vrais martyrs. La comparaison des listes des blessés de la Révolution fait ressortir une marge de quelques centaines. Certains vont bénéficier de soins à l'étranger. Des commissions ont été créées à Tunis, Sousse et Sfax pour en fixer la liste. Déjà 13 vont suivre des thérapies à l'étranger, cinq en Allemagne et huit à Qatar. La liste n'est pas définitive. D'autres suivront. Concernant la justice transitionnelle des contacts ont été pris avec la société civile. Le mois de février est consacré pour achever les consultations avec la société civile, les partis politiques et plusieurs personnalités nationales. Il faudra préciser jusqu'où pourra aller la justice transitionnelle ? Les 23 dernières années ou remonter jusqu'à l'indépendance ? « La date de départ doit être fixée en concertation avec la société civile. Cette concertation concerne la conception et la mise en pratique de la justice transitionnelle », précisera le ministre. Concernant les Tunisiens prisonniers à l'étranger, des démarches sont effectuées pour les rapatrier en Tunisie. Quant aux Tunisiens égarés en Italie, des pas importants ont été franchis pour les retrouver ou retrouver leurs traces. Une délégation de familles de ces Tunisiens est en mission sur le sol italien pour essayer de connaître leur sort. Concernant l'expulsion de l'ambassadeur syrien, le ministre dira que la « décision a été prise de façon souveraine, pour des raisons de principe. La Tunisie qui a fait sa Révolution, ne puisse admettre le massacre du peuple syrien par le pouvoir de Bachar El Assad ». A propos des 460 hommes d'affaires interdits de voyage, le ministre promet une solution dans le cadre de la justice transitionnelle. Il n'y aura pas de favoritisme ni de solution au cas par cas. Hassine BOUAZRA