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«Ceux qui ont contribué à la dégénérescence de Bourguiba en font aujourd'hui un fonds de commerce politique!»
L'impromptu du Dimanche : Ahmed Ben Salah, ancien homme fort du régime de Bourguiba
Publié dans Le Temps le 01 - 05 - 2012

«Wassila et ses sbires ont commencé à droguer Bourguiba à partir de 1967»
«J'appelle les pseudo-bourguibistes à laisser Bourguiba tranquille ; le vrai destourien est celui qui se contente d'aider ceux qui reconstruisent le pays»
«J'étais l'artisan de l'article 1er de la Constitution de 1959»
«J'ai averti Rached Ghannouchi que la Tunisie n'a pas besoin d'un parti islamiste et que rien n'empêchera demain les Amazighs ou les juifs tunisiens de créer leurs partis
«Béji Caïd Essebsi a longtemps chômé et il n'a plus rien à donner. Je préfère m'occuper des vrais chômeurs»
Ancien secrétaire général de l'UGTT et homme fort du régime de Bourguiba jusqu'à sa mise à l'écart en 1969, Ahmed Ben Salah, 86 ans, appelle les destouriens et les «pseudo-bourguibistes» à cesser d'utiliser le père de l'indépendance comme cheval de Troie pour reconquérir le pouvoir. Entretien…
Le Temps: après avoir plaidé pour l'inscription de la Chariâa dans la future Constitution, le mouvement islamiste Ennahdha a finalement opté pour la reconduction de l'article 1er de la Constitution de 1959. Pouvez-vous nous relater les péripéties de la rédaction de cet article «magique» en tant que témoin de la première Constitution de la Tunisie indépendante ?
Ahmed Ben Salah : tout a commencé en 1955, bien avant l'élection de la première Assemblée nationale Constituante (ANC). A cette époque, un bras de fer opposait les deux leaders nationalistes Habib Bourguiba et Salah ben Youssef au sujet des accords d'autonomie. Bourguiba considérait ces accords comme étant une première étape sur la voie de l'indépendance totale de la Tunisie alors que Ben Youssef estimait que les conventions d'autonomie constituaient un pas en arrière. Dans le cadre de cette confrontation tendue entre deux visions diamétralement contradictoires, Ben Youssef a tenu une réunion chez lui pour sonder les principaux acteurs de la vie économique et sociale à ce sujet. Des représentants de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), de l'Union Tunisienne de l'Agriculture et de la Pêche (UTAP) et de l'organisation des scouts ont notamment pris part à cette réunion. J'étais présent en tant que secrétaire général de l'UGTT, l'unique syndicat ouvrier. Après avoir donné la parole à tous les intervenants, Ben Youssef m'a demandé expressément. « Vous n'avez rien à dire ? ». Je lui répondis : «je ne suis pas un homme politique et il est vrai que les accords d'autonomie représentaient des habits trop serrés pour la Tunisie qui aspirait à se libérer définitivement du joug du colonialisme. Mais il existe dans les accords d'autonomie une brèche par laquelle on peut s'engouffrer pour mettre la France devant le fait accompli. Les accords d'autonomie stipulent clairement que la Tunisie a le droit d'élire une Assemblée constituante ayant pour tâche de rédiger la Constitution du pays. Mais qu'est ce qui nous empêchera dès la première réunion de cette Assemblée de rédiger une Constitution dont l'article 1er stipule que «la Tunisie un Etat libre, indépendant et souverain: sa religion est l'islam, sa langue l'arabe et son régime la république».
Salah Ben Youssef répéta trois fois : «si c'est ainsi si Ahmed, je partage votre point de vue». Peu après Lasfer Jerad, représentant de l'UTICA, s'écria : « vous nous avez sauvés».
Tout le monde a cru que la question avait été ainsi tranchée. Mais le lendemain et alors que je participais à une réunion de l'Internationale syndicale à Bruxelles, j'ai appris que Ben Youssef a changé de fusil d'épaule lors d'une réunion imposante tenue à la mosquée Ezzeïtouna. En fait, ce sont les bourguibistes qui ne souhaitaient pas une réconciliation entre les deux leaders nationalistes qui ont participé massivement à cette réunion, poussant ainsi Ben Youssef à faire machine arrière. Ce sont là les circonstances de la rédaction de l'article 1er de la Constitution de 1959. J'en étais l'artisan dans le cadre d'une tentative de réconciliation entre Bourguiba et Ben Youssef.
Avez-vous essayé de convaincre Ennahdha de la nécessité de maintenir cet article inchangé dans la future Constitution ?
Lors d'une récente intervention devant l'Assemblée Constituante issue des élections du 23 octobre dernier, j'ai expliqué aux élus qu'ils doivent se contenter de reconduire cet article bien qu'il ne soit pas nécessaire de constitutionnaliser la religion. Le prophète de l'Islam a d'ailleurs répondu à l'un de ses compagnons qui se demandait où se trouvait Allah que Dieu se trouve dans les cœurs des croyants. Il en est de même pour l'Islam qui se trouve dans les cœurs des Tunisiens. J'ai d'ailleurs appelé depuis longtemps à ce qu'on n'accorde pas de visa à des partis ayant une idéologie à base religieuse, raciale ou linguistique. J'ai clairement dit à Rached Ghannouchi que la Tunisie n'a pas besoin d'un parti islamiste, en l'avertissant que rien n'empêchera demain les Amazighs ou les juifs tunisiens, qui étaient présents en Tunisie bien avant l'arrivée de l'Islam de créer leurs partis !
Vous étiez dès le départ contre l'élection d'une Assemblée Constituante et vous avez plaidé pour la mise en place d'un parlement populaire qui a pour mission de répondre aux urgences économiques et sociales. La révolution est-elle aujourd'hui sur la bonne voie ?
Peu de temps, après la chute de Ben Ali et alors que l'Etat était totalement absent, j'ai proposé, dans un texte que j'avais soumis en compagnie d' Ahmed Mestiri (ancien ministre de Bourguiba et fondateur du Mouvement des Démocrates Socialistes, NDLR) à Foued Mebazaâ, nommé président par intérim après la correction de la supercherie constitutionnelle de l'article 56, la création d'un parlement populaire. La création de ce genre de parlement était nécessaire puisqu'il fallait faire table rase des anciennes institutions comme cela a été le cas lors de toutes les révolutions.
Le texte mentionnait que le parlement populaire, dont la première mission est le lancement de projets et de chantiers de nature à réduire le chômage, doit compter des représentants des régions qui ont payé un lourd tribut durant la révolution, mais aussi des experts en droit constitutionnel chargés de rédiger une nouvelle Constitution. J'ai également précisé dans mon texte que des élections générales seront organisées, après l'enclenchement d'une dynamique de développement et l'adoption d'une nouvelle Constitution démocratique par voie référendaire .
Le texte en question est par la suite tombé entre les mains de Mustapha Filali (ancien ministre de Bourguiba, NDR) qui l'a complètement changé avant d'en publier une copie massacrée et dénaturée dans un quotidien de la place. Le lendemain, j'ai appris que Béji Caïd Essebsi a été nommé Premier ministre et qu'une sorte de parlement baptisé l'Instance Indépendante pour la réalisation des objectifs de la révolution. Le résultat de ce hold-up est catastrophique : aucun projet n'a été lancé dans les régions défavorisées qui étaient l'épicentre de la révolution. Des élections auxquelles n'ont participé que 50% des Tunisiens ont été organisées. Et des partis qui avaient émargé sur les largesses de Ben Ali siègent à l'Assemblée Constituante !
La légalisation de près de 140 partis politiques dont près d'une cinquantaine sont des formations issues du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) constitue, par ailleurs, une catastrophe.
Maintenant que les dés sont jetés, quel bilan faites-vous de l'action du gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahdha ?
Tout ce que je peux dire c'est que je souhaite que la Constitution soit adoptée le plus tôt possible et avec le minimum de faux débats et de dangereuses manœuvres politiciennes afin qu'on puisse lancer la reconstruction de toutes les structures de l'Etat et le grand chantier de développement des régions déshéritées. Le lancement de projets de développement dans ces régions doit être la priorité des priorités. L'intérêt du gouvernement doit, par ailleurs, se porter sur la réforme de l'enseignement et la libération des énergies créatrices dans le domaine de la culture.
Les destouriens tentent de se regrouper pour tenter de faire un contrepoids à Ennahdha. Etes-vous favorable au retour des destouriens au devant de la scène politique ?
Il est vraiment honteux de voir ceux qui ont contribué à la dégénérescence physique et politique de Bourguiba le vénérer aujourd'hui. Ceux qui se présentent aujourd'hui des ténors du Bourguibisme ont contribué à la déchéance de Bourguiba. Ils se sont, pour le moins, tus quand Wassila (l'épouse de Bourguiba, NDLR) et ses sbires droguaient le premier Président de la Tunisie indépendante en lui inoculant de la morphine depuis 1967. Ces mêmes personnes qui ont été témoins de ces drames et qui ont en profité instrumentalisent aujourd'hui Bourguiba et en font un fonds commerce ou encore un cheval de Troie pour reconquérir le pouvoir. C'est une aberration, un scandale, un affront à l'histoire !
S'ils ont du courage ces gens doivent d'abord organiser une conférence nationale pour déterminer leur contribution à la déchéance de Bourguiba au sens propre comme au figuré
J'appelle ces pseudo-bourguibistes à laisser Bourguiba tranquille et à ne pas écorner son image comme étant un leader libérateur et le premier président du pays. Le vrai destourien est celui qui se contente aujourd'hui d'aider ceux qui reconstruisent le pays.
Que pensez-vous de l'appel lancé récemment par l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi à l'ensemble des forces politiques pour un regroupement autour d'une alternative à l'actuelle troïka au pouvoir ?
Je ne veux pas parler des hommes politiques qui ont longtemps chômé et qui n'ont plus rien à donner. Je préfère plutôt m'intéresser aux vrais chômeurs ; c'est-à-dire aux demandeurs d'emploi.
Estimez-vous que le parti islamiste Ennahdha est un parti démocrate et modéré, à l'image de l'AKP turc ?
Certains responsables d'Ennahdha ont connu les affres de la prison. Ils ont souffert beaucoup plus que les Destouriens. Ce parti est aujourd'hui à l'épreuve du pouvoir. Il doit s'éloigner des faux débats. J'espère que la perspicacité des dirigeants sincères et pieux de ce parti va les conduire à construire un pays moderne et bien intégré dans son environnement maghrébin, arabe et africain.
Où se situe aujourd'hui le Mouvement de l'Unité Populaire (MUP) que vous avez créé en 1973 sur l'actuel échiquier politique ?
La création du MUP était une réaction au putsch opéré par des bandes de profiteurs sur le Parti Socialiste Destourien (PSD). Ces putschistes ont réussi à transformer le modèle développement équitable mis en place par les socialistes destouriens en un modèle ultra-libéral qui ne jure que par l'enrichissement insolent. Le MUP et ses militants n'ont pas participé à ce putsch dont le résultat fut l'apparition d'un régime despotique. Notre parti, qui tiendra son premier congrès le 12 mai prochain, saura se remettre debout.
Vous avez occupé plusieurs portefeuilles ministériels économiques sous le règne de Bourguiba. Comment peut-on, selon vous, remettre l'économie nationale à flot actuellement ?
Toutes les voies sont à explorer. Il ne faut pas, cependant, compter exclusivement sur les investisseurs étrangers. A mon sens, il faudrait aussi œuvrer à lancer des activités économiques mutualistes et des petits projets qui couvrent l'ensemble du territoire afin que le développement soit global. Les archives du ministère de l'agriculture contiennent des centaines d'études de développement inhérentes à chaque village qu'on peut encore et toujours exploiter. Ce sont les études relatives aux Unités régionales de développement (URD) que nous avons préparées pendant les années 60.
Etes-vous optimiste sur l'issue démocratique de la révolution tunisienne ?
Evidemment. Je suis de nature optimiste mais je crois aussi qu'une bonne dynamique s'est déclenchée même si on nous a laissé un legs nauséabond à l'échelle économique mais aussi sur le plan moral.
Entretien conduit par Walid KHEFIFI
Slaheddine
zoubeir
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lamjed
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