Le réalisateur d'"American History X" crée dans le film «Detachment» un personnage dont l'espace mental en souffrance fuit la réalité. Henry Barthes (Adrian Brody) est un professeur remplaçant dans un collège difficile. Il doit maitriser durant deux mois des élèves indisciplinés, en attendant le nouveau professeur titulaire. Pour réussir sa mission, il doit se munir de beaucoup de patience et de sang-froid. La première altercation est avec un élève qui lui projette sa mallette dans la classe et le menace de lui décoller les dents à coup de cutter. Le film nous projette aussi à coup de flash-back dans le passé difficile de Barthes dont la mère est morte et le grand-père sénile attend la mort dans un hôpital. Sa vie n'est donc pas de toute gaieté. Dans son appartement froid et sans âme, il accueille une jeune prostituée violentée qu'il protège. Au lycée, une jeune obèse désespérée s'accroche à lui et lui demande de lui venir en aide mais finira par se suicider. Les personnages sont un peu comme lui isolés, séparés par un voile invisible, celui du détachement. Ils vivent dans un monde réel mais y sont complètement détachés. La force du film est de donner à cette notion de détachement un sens profond qui l'investit d'une certaine consistance. On n'est pas dans les descriptions comportementales d'une jeunesse en mal d'être. Le réalisateur approfondit la question du mal être en allant fouiner du côté familial, des névroses qu'ils ont eu à subir. Pour ce faire, il adopte une structure narrative non linéaire utilisant une quantité d'ellipses, un peu chaotique à l'image de l'histoire des personnages. Cette forme pour le moins déconcertante est un exercice intéressant dont se caractérisent de plus en plus les films d'aujourd'hui. Pourtant, l'histoire est des plus classiques. Un homme n'arrive pas à prendre soin de lui-même donne toute son attention aux autres. Le choix de l'école et de l'enseignement comme lieu d'éducation et de connaissances n'est plus ici qu'un lieu de perdition. Un lieu de confrontation avec ceux que l'on pense responsables de la faillite sociale. Tony Kaye a réussi un film touchant sur les relations humaines et ses conséquences sur l'individu. Une certaine poésie se dégage de cette œuvre dont les personnages sont dans une mélancolie existentielle permanente. Le film se termine sur une note pessimiste : dans le couloir de l'école une bourrasque emporte les papiers de la mallette de Barthes qu'un élève avait jetée au début de l'histoire. Une vision triste qui n'augure rien de bon. Elle est appuyée par un texte évoquant une référence littéraire «La chute maison de Usher» d'Edgar Poe dont sans doute le réalisateur s'en est inspiré.