Les magistrats du Tribunal administratif ne cessent de défendre à bec et ongle, jalousement et orgueilleusement l'indépendance de leur institution. Ils viennent de tenir les travaux du premier congrès de l'Union des Magistrats Administratifs (UMA). La situation au sein de ce Tribunal, les activités entreprises et les revendications des juges administratifs ont marqué leurs débats. Ce congrès a vu l'élection d'un bureau exécutif composé de cinq membres : Zouhaier Ben Tanfous, Mohamed Ayadi, Slim Medani, Rafiî Ben Achour et Ezzeddine Hmidene. Auparavant les rapports moral et financier ont été discutés et approuvés. Ahmed Soueb, coordinateur du comité fondateur, a estimé qu'il était sage et opportun de passer le flambeau, convaincu qu'il est par le principe de l'alternance. Zouheier Ben Tanfous a été choisi comme président de l'UMA. L'aîné de ses collègues au sein du bureau exécutif la règle d'or, accordant les responsabilités au plus âgé, a été respectée. Les travaux de ce congrès ont eu lieu en présence d'invités d'honneur comme Brahim Bertagi, Professeur à la Faculté de Sciences Juridiques de Tunis2, Me Mohamed Hatfi, le président du Syndicat des magistrats et le président de l'ATIDE. Ce jeune syndicat a vu le jour le 1er octobre 2011, en réponse au remplacement de l'ancien 1er président du Tribunal administratif, Ghazi Jéribi décidé sans aucune consultation préalable. Depuis le syndicat n'a cessé de rencontrer des difficultés pour faire aboutir ses revendications. L'ambiance de travail continue à être tendue au sein du Tribunal administratif confie au Temps, Ahmed Soueb, président sortant. L'affichage pour annoncer la tenue du congrès a été fait de façon sauvage. La 1ère présidente du Tribunal administratif Raoudha Mechichi, interdit à l'UMA tout affichage ou action syndicale. En dépit du peu de moyens dont ils disposent et l'absence de local, en plus de leurs revendications pour la défense de l'indépendance du Tribunal administratif, les membres de l'UMA ont organisé ou co-organisé plusieurs rencontres scientifiques. Un séminaire a été organisé avec l'ATIDE, en décembre 2011, sur « le contentieux électoral». Un autre avec le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) sur « l'indépendance de la Justice ». Un séminaire a été organisé à l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) avec le Syndicat des conseillers des services publics sur « la neutralité des services publics ». Un séminaire a été organisé à Sfax sur « le pouvoir et le contre-pouvoir », en collaboration avec deux associations de la société civile. Un autre séminaire sur la Justice administrative a été organisé à l'école doctorale de la Faculté de Sfax. Les membres de l'UMA tiennent à la dissolution du Conseil Supérieur de la Magistrature Administrative, présidé par le Chef du Gouvernement. Ils tiennent à ce que tous ses membres soient élus et qu'ils soient entièrement indépendants du pouvoir exécutif. Parmi les paradoxes relevés est que certains juges proches de la 1ère présidente se trouvent en position de rejeter la dissolution de ce Conseil supérieur. « Tant que le principe de l'élection des membres du Conseil supérieur n'est pas adopté, la grogne persistera au sein du Tribunal administratif », assure Ahmed Soueb. Même si le rapport des forces ne penche pas du côté du syndicat et malgré la pression exercée sur les stagiaires, le taux de syndicalisation est relativement élevé. Il est de l'ordre de 40% alors qu'en France, il est de l'ordre de 30%. Sur une centaine de magistrats, 42 ont adhéré à l'UMA. Le 21 février dernier, neuf magistrats avaient boycotté la réunion du Conseil supérieur tenue sous la présidence du chef du Gouvernement, pour manifester leur souci d'indépendance. La 1ère présidence leur a envoyé des questionnaires. Cette mesure ne les a pas dissuadés. En respectant le principe de la graduation, l'UMA a envoyé plusieurs messages écrits. Le 17 avril dernier, un projet de réforme de la loi a été adressé au chef du Gouvernement accompagné d'une demande d'audience. Sans suite. Le 24 avril, le même projet a été, à son tour, envoyé au président de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) et à la présidente de la Commission de législation générale au sein de la Constituante. Le 4 mai, une missive a été envoyée au président de la République, en sa qualité de président du Conseil d'Etat. Une demande d'audience a été formulée et un exposé sur la crise au sein du Tribunal Administratif lui a été transmis. Le même jour, deux écrits ont été envoyés à la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) et au ministre des Droits de l'Homme et de la Justice Transitionnelle, pour revendiquer les droits syndicaux basiques, à savoir le droit d'affichage et la mise à la disposition du syndicat d'un bureau. Et si le mutisme se poursuivrait, que doit faire l'UMA ? Ils attendent le 14 mai, journée au cours de laquelle le syndicat des magistrats devrait se réunir. Une réunion aura lieu. Une action devra être décidée, conjointement avec le Syndicat des Magistrats ou en solitaire. Certains membres de l'UMA, s'étonnent comment est-ce que quelqu'un qui se prévaut de son amour pour la profession ne démissionne pas par respect des intérêts du tribunal administratif ? On se demande pourquoi, le 7 septembre dernier, on n'avait pas nommé Habib Jaballah comme 1er président ? Il est aîné de la 1ère présidente actuelle. Il a pris ses fonctions une année avant-elle. Il est président d'une Chambre de cassation alors qu'elle est présidente d'une Chambre d'appel. Une unanimité semble se dégager chez les membres de l'UMA autour de la personne de Habib JAballah.