«La légitimité électorale ne suffit pas» lance-t-il • Le Mouvement ouvert à tous • Les possibilités d'alliance envisagées • La lutte contre la violence doit être inflexible
Ils étaient des milliers de citoyens au palais des Congrès à Tunis, venus de différentes régions du pays pour écouter Me Béji Caïd Essebsi, initiateur de l'Appel de Tunisie. Une méga rencontre où le principal orateur a comme d'habitude, réussi à retenir l'attention et certainement l'adhésion des présents par son discours bien ficelé, avec ses digressions, ses reprises de versets coraniques, ses anecdotes, de l'humour avec quelques passages invoquant le passé et retraçant le présent. C'est un homme qui fédère et projette dans l'avenir sans douloureuse rupture ou négationnisme. L'Heure est grave. La Tunisie vient de vivre des évènements douloureux, des attaques contre des édifices publics, incendies provoqués, vols...Huit mois après les élections, le couvre-feu a repris, chose qui ne peut que nuire à l'image de marque du pays et à son économie. Béji Caïd Essebsi, déplore la réaction officielle du Gouvernement face aux évènements. Ce qui nuit à la crédibilité et au prestige de l'Etat. On a parlé de tableaux portant atteinte au sacré. Il s'est avéré, par la suite qu'il n'en était rien. On aurait dû s'excuser auprès du peuple tunisien. On a commencé par parler d'atteintes à la sacralité, comme si les choses sacrées étaient l'apanage d'une seule partie. « Nous condamnons tous ceux qui portent atteinte au sacré. Le peuple tunisien est musulman et n'accepte pas qu'on lui dicte son islam. Nous appelons à l'union et non aux divisions », dit-il. Qui était derrière la vague de violence ? « Ceux qui ne croient pas à l'Etat tunisien, ceux qui n'ont pas digéré les acquis du peuple tunisien durant 50 ans réalisés avec le Parti Libre Destourien sous la conduite de Habib Bourguiba », répond Béji Caïd Essebsi. Un des premiers acquis de la Tunisie est l'Etat tunisien. Ceux qui ont exercé la violence ne croient ni à l'Etat tunisien, ni au drapeau, ni à l'hymne national. « Ceux qui exercent la violence contre leurs frères musulmans ont cessé d'être des musulmans », dit-il. L'Etat a la principale fonction d'assurer la sécurité des citoyens. Béji Caïd Essebsi constate que le Gouvernement est dans une impasse. Il ne peut s'en sortir seul. Le peuple doit s'unir autour du Gouvernement. Le mouvement Appel de Tunisie, n'est ni contre Ennahdha, ni les autres. Les résultats des urnes sont respectés. Toutefois, le Gouvernement doit dialoguer avec l'opposition et les autres partis politiques. Il doit accepter les critiques et ne pas considérer ennemis tous ceux qui lui font des reproches. La lutte contre la violence doit être sans équivoque. Béji Caïd Essebsi, appelle tous les intervenants politiques, économiques et sociaux comme l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) qui a un rôle fondamental à jouer, à adhérer à l'initiative de dialogue national. C'est au Gouvernement de prendre l'initiative et d'engager ce dialogue, sinon l'initiative de la Centrale syndicale mérite d'être soutenue. Dans cette deuxième période transitoire, en plus de la légitimité électorale, il faut avoir la légitimité consensuelle et celle de la compétence. Béji Caïd Essebsi, insiste que du moment qu'il n'est plus question de revenir au parti unique, il n'y a plus de raison de subir l'hégémonie d'un parti unique « Aucune réforme ne peut se faire sans Ennahdha, mais ce parti doit s'acclimater et accepter l'avis contraire et le dialogue ». Les élections du 23 octobre ont, entre autres, révélé que le parti Ennahdha a obtenu le même nombre de voix que ceux qui n'ont eu aucun représentant au sein de l'assemblée Nationale Constituante (ANC), à cause de l'effritement des voix. La possibilité d'alternance est au cœur même de la Démocratie. Donc, un rééquilibrage du paysage politique est nécessaire. Des partis politiques ont essayé de s'unir. Ce n'était pas suffisant. Après une période d'attente, la majorité des membres du comité supervisant l'initiative de Béji Caïd Essebsi, a décidé de créer un mouvement, devenu un parti par obligation légale, pour pouvoir exercer conformément à la loi sur les partis. « C'est un parti ouvert à tous, y compris les anciens Destouriens. On ne peut exclure personne, sauf ceux qui ont des empêchements légaux. . Nous sommes ouverts à tous les autres partis, disponibles aux rencontres et à la possibilité de travailler de concert y compris avec Ennahdha », dit-il. Sur quelle base ? Béji Caïd Essebsi, énumère des principes fondateurs, comme l'attachement à l'Etat qui doit être au dessus des partis, au premier article de la Constitution de 1959, au drapeau du pays et son hymne national, la défense des acquis modernistes de 50 ans d'indépendance du pays et à leur tête le Code de Statut Personnel (CSP), de la citoyenneté, la Démocratie selon les normes internationales, la justice sociale et le droit au développement de toutes les régions et tous les citoyens, le refus de la violence et la non exclusion. En résumé, le pays traverse une période très délicate. La légitimité électorale ne suffit pas à elle seule pour extirper le pays du bourbier dans lequel il s'enlise. Il faut la consolider par la légitimité du bon exercice du pouvoir accompagnée du consensus. Il ne faut pas oublier que les élections avaient eu lieu pour une année. « Seuls les membres de la Constituante ont la légitimité électorale. Les membres du gouvernement et le président sont choisis par la Constituante. La légitimité du consensus, le pays étant dans une deuxième étape provisoire, nécessite la consultation et l'implication de toutes les forces politiques du pays. Béji Caïd Essebsi, lance un appel à tous, y compris Ennahdha, pour un consensus national autour d'une feuille de route claire et un programme de salut économique et social. Sans exclusion.