Kaïs Saïed : il n'y a absolument aucune confrontation avec les avocats !    Saïed convoque des ambassadeurs pour protester contre les ingérences extérieures    Tunisie : Fermeté présidentielle face à l'ingérence dans les affaires internes    Tunisie : Le Président Kais Saied souligne l'importance du respect de la loi pour la sécurité nationale    Tunisie : Le président Kais Saied discute des enjeux financiers avec la ministre des Finances    Trifi : le bâtonnier et moi-même avons constaté les traces de torture sur Mehdi Zagrouba    Nakba 1948, Nakba 2024 : Amnesty International dénonce la répétition de l'histoire    Balance commerciale positive : L'industrie redynamise l'économie tunisienne    L'audition de Mehdi Zagrouba interrompue pour constater des traces de torture qu'il aurait subie    France : L'islam, deuxième religion du pays, continue de croître    France-Palestine : le bureau du Parlement tombe le masque en votant contre la création d'un groupe d'amitié    Diffusion inappropriée : La Télévision tunisienne s'excuse    Ligue 1 pro – LNFP : l'Espérance sort du silence et l'USMO fera appel (vidéos)    Sanctions de la LNFP : 3 clubs Tunisiens à l'amende    Urgent : Une secousse sismique secoue le sud-ouest de la Tunisie    Pour la énième fois, les boulangers appellent l'Etat au décaissement de leurs dus    L'UBCI adhère officiellement au programme «ADAPT» et devient partenaire stratégique de l'Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS)    Le roi Charles III dévoile son premier portrait officiel    Les pâtisseries traditionnelles libérées du fardeau des taxes    Carthago Delenda Est : la locution imprimée sur le T-shirt de Zuckerberg qui a offensé les Tunisiens    Affaire El Fouladh : Mandats de dépôt contre 7 personnes    Siliana: Un mort et cinq blessés dans un accident de la route    Festival de Carthage: Les préparatifs avancent à grands pas    Sécurité et souveraineté alimentaires en Tunisie | L'objectif : répondre aux besoins du citoyen par nos propres ressources    Coupe Arabe : Le Qatar accueillera les 3 prochaines éditions    La société Ciments de Bizerte arrête la production de clinker    Barreau : Une réunion d'urgence pour prendre des mesures    Barrages : Le taux de remplissage ne dépasse pas 34%    Célébrez la fête des mères avec Ooredoo et gagnez 10 000 DT !    Mark Zuckerberg : Carthage doit être détruite !    Tunisie: Le t-shirt de Mark Zuckerberg enflamme les réseaux sociaux    À la Galerie Selma-Feriani : Image, récit et représentation    Vient de paraître – «Kef Al Ajayeb » de Bahri Rahali : Le mont des merveilles !    «Revival», nouvel album de Gultrah Sound System : Une authenticité renouvelée    Le gouvernement présente de nouvelles législations sur les congés parentaux    Aujourd'hui, coupure d'eau dans ces zones    Aéroport Tunis-Carthage : Un passager arrêté avec un pistolet cachée dans sa valise    Abdelaziz Kacem: De «Genocide Joe» à Meyer Habib, dit «Le Phacochère»    Au 10 mai, le service de la dette cumulé a plus que doublé    Météo de ce mercredi: Des températures jusqu'à 44°C dans certaines régions    Tunisie : l'AMA retire les sanctions, le sport reprend son souffle    Le conseil de la concurrence inflige une amende de 20 millions de dinars à la SFBT    USA : Un milliard de dollars d'armes destinées à Israël en cours d'approbation du Congrès    Le Drapeau Tunisie de retour à l'intérnational avec la fin de l'affaire Antidopage    L'Agence mondiale antidopage lève les sanctions infligées à la Tunisie    Des artistes Tunisiens au Québec en Tunisie dans une exposition conjointe à Montréal    Tunisie : enquête ouverte sur l'incident du drapeau national    De la ligne de but à la ligne de conduite : Entraîneur de gardiens, un poste à part entière    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Les Figues rouges de Mazâr», chroniques afghanes de M. H. Mohammadi
Littérature Afghane
Publié dans Le Temps le 22 - 06 - 2012


Variations sur la guerre, la mort et l'amour

Les Figues rouges de Mazâr parlent de l'Afghanistan. Les quatorze nouvelles de ce recueil de Mohammad Hossein Mohammadi sont des variations sur la guerre, la mort et l'amour en temps de turbulences. Un volume époustouflant de talent et de maîtrise.
La littérature moderne de l'Afghanistan est une littérature de l'exil. Ses principaux représentants, issus des 2,5 millions de réfugiés afghans dans le monde, ont pour noms Khaled Hosseini (auteur des Cerfs-volants de Kaboul), Atiq Rahimi (prix Goncourt 2008 pour son roman Syngué sabour), Spôjmaï Zariâb (auteur de deux recueils de nouvelles Ces murs qui nous écoutent et La Plaine de Caïn), Asef Soltanzadeh (auteur de pièces de théâtre et de recueil de nouvelles dont Perdus dans la fuite), pour ne citer que les plus connus.

Réfugiés en Occident, mais aussi pour certains en Iran ou au Pakistan, cette nouvelle génération d'écrivains afghans s'est fait connaître en publiant de mémorables récits de guerre, d'éloignement et de nostalgie du pays natal. Trente ans de guerre cataclysmique et d'atrocités, continuent de peser douloureusement sur l'imaginaire des écrivains, comme en atteste le remarquable recueil de nouvelles qui vient de paraître en traduction française, sous le beau titre des Figues rouges de Mazâr.

Mazâr sous les obus

Son auteur, Mohammad Hossein Mohammadi est journaliste de formation. Il dirige le département du journalisme de l'université populaire d'Avicenne à Kaboul. Né en 1975 à Mazar-e-Charif, la grande ville du nord de l'Afghanistan, il a grandi en Iran. A l'âge de six ans, avec toute sa famille, il avait fui son pays natal secoué alors par la guerre civile. Auteur de deux romans et d'un recueil de nouvelles, Mohammadi revisite dans son quatrième livre (le premier à paraître en traduction française) la ville de son enfance.

La nostalgie de la douceur de vivre d'un Afghanistan perdu à tout jamais est signifiée dès le titre (Les Figues rouges de Mazâr). Titre évidemment ironique car les 14 nouvelles qui constituent ce volume ont pris le parti de raconter la beauté et la magnificence du passé sur le mode de l'absence, mettant en lumière les terribles ravages perpétrés par la guerre. Sous la plume alerte et inventive du nouvelliste, les « figues rouges » deviennent le symbole du sang versé et de la tragédie afghane.

La nouvelle éponyme du volume est emblématique du chaos apocalyptique qui a pris

possession du quotidien dans le pays du commandant Massoud. Mohammadi donne à voir avec sobriété et une étonnante économie de moyens une ville sous les obus, ses rues désertes, ses hommes et femmes qui tentent de survivre, s'organiser, s'entraider, malgré le péril qui risque de s'abattre sur eux à n'importe quel instant. La vie défie la mort, tout comme le figuier en pleine floraison résiste contre les moineaux menaçant de se ruer sur ses fruits mûrs. Des figues rouges comme les joues de la petite Zara, l'héroïne de la nouvelle. Celle-ci s'attarde sous le figuier qui luit sous le soleil dans la cour de sa maison. La petite est à la recherche d'une figue mûre qu'elle aimerait offrir à sa grand-mère. « Parce que sa grand-mère raffole des figues. Quand elle met une figue dans sa bouche édentée, Zara ne la quitte plus de ses yeux. Dans ces moments-là, le visage de sa grand-mère lui semble agréable, très agréable. »

La petite fille finit par trouver exactement ce qu'elle cherchait. Mais, lorsqu'avec la figue rouge serrée dans sa main, elle arrive chez l'ancêtre, il est trop tard. La vieille dame s'en est allée. Aussi incongru que cela puisse paraître, on meurt aussi de vieillesse dans un pays en guerre !

Des récits finement ciselés

La mort est le thème central de ce volume. Elle est racontée par les survivants des tueries, mais aussi parfois par les morts eux-mêmes, comme dans la nouvelle qui ouvre le recueil. Ses personnages sont des zombies, des morts-vivants qui reviennent sur les lieux où ils ont été abattus d'une rafale de kalachnikov. Un père, son fils et son frère sont ressuscités lorsque les leurs viennent retirer leurs cadavres du puits où leurs meurtriers les avaient jetés. Ils se remémorent entre eux les circonstances de leurs meurtres sanglants aux mains d'un jeune qui voulait venger les siens. Le fantastique se mêle au comique lorsque l'un des trios ressuscités éclate de rire en découvrant qu'il ne boîte plus comme il le faisait de son vivant !

Dans une autre nouvelle, à la stratégie narrative finement ciselée, un vieil homme est abattu par des soldats sous les yeux de ses petits-fils terrés dans la cave de la maison. Juché sur les épaules de son frère, le plus jeune des deux garçons raconte ce qu'il voit par la vitre de la petite fenêtre qui donne sur la cour. Il voit les soldats attacher son grand-père à leur Jeep avec une corde. Alors que retentit le cri du vieillard traîné dans la ville, le jeune Golow court vers la porte en sanglotant, mais est rattrapé à temps par son frère aîné qui, lui, sait ce qu'ils risquent s'ils sont découverts par les militaires. « Aucune lumière ne pénétrait de l'extérieur. » C'est sur ce constat à double entente que se clôt cette histoire dramatique et poignante.

Le désert des tulipes

Comme dans les contes traditionnels persans dont ces récits en dari (persan parlé en Afghanistan) sont héritiers, l'histoire et la politique ne sont jamais très loin. Notamment dans la nouvelle intitulée Le désert de Leyli qui s'inspire d'un drame survenu dans les premiers mois d'invasion américaine.

En 2001, suite à la prise de Mazar-e-Charif, plusieurs milliers de prisonniers talibans furent transférés vers l'intérieur du pays. Enfermés dans des conteneurs, beaucoup périrent asphyxiés pendant le transfert. D'autres furent capturés et exécutés par les troupes du puissant seigneur de guerre local lors du passage du convoi à travers la région désertique que les Afghans appellent le Dasht-e-Leili, la steppe ou le désert des tulipes. Les vivants et les morts furent jetés ensemble dans des fosses communes. C'est ce terrible massacre que raconte Hossein Mohammadi dans son texte construit au plus près de l'atroce où la voix du narrateur sonne comme un long et poignant appel au secours. « Je sens des coups contre les parois du conteneur. Les hommes frappent avec n'importe quelle partie du corps. Peu à peu, le dong dong des coups donnés par les pieds et les mains liés et les têtes restées libres résonne. Tous les hommes hurlent et le dong dong des têtes heurtant la paroi retentit de plus en plus fort. J'ai du mal à respirer. Je hurle. Je frappe ma tête contre la paroi du conteneur. Dong dong... Tous crient et frappent contre la paroi. Des coups de poing, des coups de pied, des coups de tête. Dong, dong. »

Chronique d'un conflit sans fin, les nouvelles de Mohammad Hossein Mohammadi frappent par leur force, leur lucidité et leur stupéfiante intensité. Le lecteur est saisi d'emblée par l'art narratif de ce jeune conteur qui mêle avec un époustouflant brio le souffle de Schéhérazade avec la sophistication des narrations modernes. Il est urgent de découvrir cet auteur talentueux et prometteur. (MFI)


Les figues rouges de Mazâr, par Mohammad Hossein Mohammadi. Traduit du persan par Azita Hempartian. Editions Actes Sud, 2012. 144 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.