Quarante trois œuvres dont une quinzaine en petits formats meublent les cimaises du Musée Municipal de la ville de Sidi Bou Saïd depuis le 25 juin. Il s'agit de l'exposition personnelle de Brahim Azzabi. Artiste plasticien tunisien, né à Mejez El Bab en 1949, il fit ses études à l'institut des Beaux-arts à Tunis de 1969 à 1975. Il fut secrétaire général de l'Union des Plasticiens Tunisiens de 1989 à 1995. Il réalisa plusieurs expositions personnelles et collectives. Il est actuellement président de la Fédération Tunisienne des Arts Plastiques, fondée en 2011 en collaboration avec Khélil Gouiâ et d'autres artistes plasticiens. L'exposition intitulée « Esthétique et politique » comporte des œuvres au ton contestataire, une approche que l'artiste a adoptée depuis 1976 dans des travaux qui traitent de la vie politique arabe, notamment le Liban, la Palestine et plus tard, l'Irak pour arriver au « Printemps arabe » depuis 2010. De même, l'artiste a toujours préféré travailler sur les mythes universels : « En 1995, j'ai interprété l'un des meilleurs poèmes de Chebbi « Ainsi chanta Prométhée » ou « l'Hymne de Titan », j'ai intégré alors un aigle royal et la statue de « la victoire de Samatrath » que je considère, avec modestie, mon œuvre la plus significative des vingt dernières années. » Ainsi, l'artiste semble être toujours en quête de figures et symboles exprimant mieux l'immortalité. En cette exposition, on trouve des œuvres anciennes et d'autres plus récentes, réalisées entre 2008 et 2012. « Je me suis abstenu d'exposer d'autres travaux sur le tchador, la violence et la liberté d'expression, vu que la conjoncture socio-politique n'est pas propice pour le moment », nous a confié l'artiste. N'empêche que l'exposition présente des travaux inspirés par la Révolution, des tableaux dédiés aux grands militants qui ont contribué à la lutte contre le colonialisme, tels que Mohamed Ali, Farhat Hached. Une grande toile a été dédiée à ce dernier, comme pour immortaliser ces prouesses politiques et syndicales et ses positions inébranlables contre l'occupant. Quant aux techniques utilisées, B. Azzabi associe figuration et abstraction pour mieux exprimer sa vision du monde. Sa peinture est riche en signes et symboles et se prête à diverses interprétations. « Je suis exigeant dans ma peinture, a-t-il affirmé, je ne lâche le tableau qu'après avoir abouti à un équilibre entre l'idée à laquelle j'aspire et la technique qui met en valeur cette idée. En art contemporain, il se peut que l'idée prime sur la technique, mais pour moi, le message esthétique est important. Il faut avoir les moyens nécessaires pour réaliser ou mettre en valeur mon idée! » Dans les toiles abstraites, on peut voir des formes ressemblant à des villes inconnues ou des espaces terrestres vus d'en haut. On est séduit par la manière de diviser l'espace et les collages de divers matériaux qui contribuent à la création de vibration et d'effets lumineux qui varient selon la lumière projetée. « Il n'est pas question qu'on revienne en arrière en matière de liberté d'expression »
Nous avons posé la question suivante à Brahim Azzabi, en tant que Président de la Fédération Tunisienne des Arts Plastiques : « Quelle est la position de votre fédération à propos des événements qui ont eu lieu récemment au Palais El Abdellia ? En voici sa réponse :
« Notre Fédération a condamné cette agression perpétrée contre les artistes et leurs œuvres au palais El Abdellia, dans un communiqué datant du 14 juin, dans lequel nous avons appelé tous les plasticiens et les artistes-peintres à s'opposer par les moyens qui conviennent contre les agresseurs et les obscurantistes pour préserver l'acquis principal de la Révolution, à savoir, la liberté d'expression. Pour nous, il n'est pas question qu'on revienne en arrière en matière de liberté d'expression. Nous refusons qu'on nous utilise comme un bouc émissaire pour des fins politiques et nous refusons également qu'on touche au Grand Prophète ou au Saint Coran. Les œuvres d'art incriminées à El Abdellia se prêtent à plusieurs interprétations, mais l'ignorance en matière d'art plastique qui sévit n'a pas facilité la lecture des œuvres en question. En effet, il s'agit de jeunes plasticiens qui nous offraient un regard critique sur la vie sociale et politique en Tunisie, empruntant une technique qui frôle la caricature, aucune atteinte au sacré n'a été repérée, à moins que la « Salafia » ou « Ennahdha » ne soient sacrés ! En attendant les instructions judiciaires, nous estimons que c'est un coup monté, sachant que les agresseurs ne se sont manifestés que le jour de la clôture de l'exposition, qui ne s'avère plus tard qu'un prétexte ou le point de départ à plusieurs perturbations dans le pays, coïncidant avec l'appel ou l'avertissement du chef d'Al Qaïda et son représentant en Tunisie. Un autre fait significatif : c'est les photos parues sur le réseau social Facebook pour confirmer l'implication du Printemps des Arts alors qu'elles n'ont pas été accrochées aux cimaises du Palais Al Abdellia. »