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« Nous nous critiquerons mutuellement, le chef du Parti fera l'évaluation mais ne vous attendez pas à une auto-flagellation de notre part »
9ème Congrès du mouvement Ennahdha le premier à découvert :
Publié dans Le Temps le 12 - 07 - 2012

Le 9ème congrès du mouvement islamiste Ennahdha, le premier depuis qu'il est au pouvoir et le premier qui ne soit pas clandestin, s'ouvre aujourd'hui au parc des expositions du Kram.
Placé sous le slogan « Notre avenir est entre nos mains », ce congrès, le premier depuis l'accession de ce parti est au pouvoir et le premier qui ne soit pas clandestin, revêt une importance cruciale dans la mesure où les quelque 1103 congressistes représentant près de 60.000 adhérents statueront sur les orientations futures et éliront les nouveaux dirigeants d'Ennahdha.

Le chef historique de ce parti passé de la clandestinité à l'exercice du pouvoir a d'ailleurs qualifié ce congrès, qui sera marqué par la présence de quelque 200 invités étrangers de marque, dont Khaled Mechaâl, l'un des leaders du mouvement Hamas, d'historique. « Ce congrès qui regroupera des milliers de membres d'Ennahdha constituera un évènement exceptionnel dans l'histoire du parti qui s'est trouvé au pouvoir grâce à une révolution bénie et du pays en général », a notamment affirmé le cheikh Rached Ghannouchi. Et d'ajouter: «le congrès d'Ennahdha représentera un moment historique dans l'histoire de l'Islam moderne dans la mesure où il doit définir un nouveau modèle démocratique enraciné dans les valeurs islamiques et capable d'apporter des solutions aux problèmes dont souffrent toutes les couches socio-professionnelles».

En termes plus clairs, le président de l'instance préparatoire du congrès, Riadh Chaîbi, a précisé que le congrès vise essentiellement, à «élaborer les choix politiques et les alternatives» que proposera le mouvement Ennahdha à la société tunisienne, et à fixer les priorités pour la prochaine étape. Autant dire que le parti qui domine actuellement le gouvernement sera appelé à dévoiler, entre autres, ses choix liés au système politique, au modèle économique et au projet de société qu'il prône. Des choix qui feront certainement l'objet d'un débat chaud entre les diverses tendances qui traversent le parti. L'invitation des fondateurs du mouvement, qui s'étaient éloignés un temps du cercle de décision, comme Abdelfattah Mourou, Salah Karkar ou encore Ben Issa Eddemni, laisse croire qu'un large compromis est recherché sur les principales questions qui engagent l'avenir du parti et du pays. Quatre projets de motion, débattus lors des congrès régionaux, seront soumis aux discussions. Réservées aux militants, ces motions devraient révéler clairement les nouvelles orientations stratégiques d'Ennahdha.
Evaluation

Par ailleurs, les congressistes auront à faire le bilan des diverses étapes parcourues par Ennahdha depuis sa création afin d'en tirer les enseignements nécessaires. « Tirer enseignement des différentes expériences menée, oui, mais procéder à une auto-flagellation, non ! Nous regardons vers l'avenir », a souligné récemment Riadh Cheîbi, indiquant que c'est le chef du mouvement qui se chargera de l'évaluation dans son discours général ».

Les trois premières journées seront consacrées aux allocutions des invités, à la discussion des rapports moral et financier aura et à l'adoption des motions. La dernière journée verra l'élection des structures de direction, en l'occurrence, le nouveau président, le conseil de la Choura et le Bureau politique. Lors de ces élections, il sera question d'insuffler un sang nouveau à une direction de plus en plus vieillissante et lourdement affectée par plus de deux décennies de prison et d'exil. Qu'en sera-t-il du poste du président du parti ? Agé de 71 ans, Rached Ghannouchi a déjà annoncé qu'il compte passer le flambeau. «Je ne présenterai pas ma candidature au poste de président du mouvement lors du prochain congrès», a-t-il indiqué au cours d'une conférence de presse tenue fin février dernier, sans s'attarder sur ses projets futurs. Juste après la proclamation des résultats des élections de l'Assemblée constituante le fondateur d'Ennahdha avait, toutefois, laissé entendre, dans un entretien accordé au journal français «Le Monde » qu'il compte se consacrer aux sciences théologiques. « Je me trouve beaucoup mieux dans l'univers de la pensée que dans celui de la politique. Ce qui m'intéresse, c'est de voir la Tunisie développer une démocratie qui marie l'islam et la modernité. Je serai très heureux quand je verrai cela. Je suis vice-président de l'organisation mondiale des savants musulmans, et s'il ne me reste plus à rien à faire en Tunisie, le monde musulman est vaste », avait-il déclaré.

Certains observateurs estiment, cependant, que Rached Ghannouchi pourrait être reconduit à la tête du parti d'autant plus qu'il représente un homme de consensus capable de garantir la cohésion du parti. « Le cheikh Rached a déjà annoncé son intention de passer le flambeau, mais le congrès est souverain», a précisé récemment Abdelhamid Jelassi, membre du Bureau exécutif d'Ennahdha.
Rached Ghannouchi dans le moment de vérité
Un grand souci : désamorçage de toutes les tensions
Optimiste ! Rached Ghannouchi, l'est à la veille du IXe congrès de son mouvement : « Ce congrès, nous confie-t-il, devra consacrer Ennahdha en tant que mouvement islamiste modéré, ouvert avant tout sur les préoccupations des Tunisiens ». Suivant de près les détails de l'évolution de la situation en Tunisie, mais aussi dans la région, Cheikh Rached Ghnnaouchi cherche à prendre du recul par rapport à l'immédiat, tout en gardant sa sérénité. Les perspectives sont pour lui porteuses d'espoir et les difficultés rencontrées, passagères, finiront par être surmontées. Il considère que la Troïka a fait montre de solidité et le gouvernement d'efficacité, «malgré l'adversité». Quant aux salafistes, Ghannouchi persiste à croire qu'il ne faut guère leur opposer la violence et l'exclusion, mais engager avec eux « le dialogue et le débat », ayant la ferme conviction de pouvoir en convaincre une large partie. Quant aux irréductibles violents qui enfreignent la loi, il reconnaît la nécessité de faire appliquer la loi à leur égard. Au passage, il décoche quelques fléchettes à « une partie de l'opposition » qui n'aurait pas « digéré un gouvernement de coalition dirigé pas Ennahdha », aux médias qui « nourriraient la peur et la confrontation », avant d'invoquer la théorie du complot en s'en prenant à ceux qui « tirent sur les cordes sensibles du sentiment religieux et de la profanation du sacré ».

Mais, la grande préoccupation du chef d'Ennahdha, c'est aussi, d'un côté, le désamorçage de toutes les sources de tensions et, de l'autre, la relance de l'activité économique, afin d'accélérer la transition démocratique et la réalisation des objectifs de la révolution. Confiant dans le cheminement tracé pour l'élaboration de la Constitution et la tenue des prochaines élections, il appelle à l'apaisement et au soutien de ce processus. Cette interview a été recueillie avant l'éclatement de l'affaire Baghdadi Mahmoudi.

• Que faut-il attendre du prochain congrès d'Ennahdha ?

-Ses dimensions sont multiples. La plus importante est sans doute celle d'ancrer Ennahdha en tant que mouvement islamiste modéré, ouvert, porté sur les préoccupations des Tunisiens et des Tunisiennes, concentré sur la réalisation de leurs ambitions, porteur d'un projet islamiste nahdhaoui tunisien prometteur d'espoir et de prospérité. C'est là notre objectif. Ennahdha revient de loin, comme un corps meurtri par tant de longues années de braise, dispersé entre son organisation à l'intérieur du pays et celle en exil et qui se recomposent aujourd'hui. Nous nous sommes tous rapidement retrouvés à la faveur de la révolution et nous avons besoin de réussir cette reconstruction en véritable fusion pour fonder une stratégie islamiste ouvertes à tous les courants et toutes les aspirations de la nation.

• Allez-vous procéder lors du congrès à l'autocritique du mouvement durant ces dernières années ?

- L'évaluation du parcours fera partie du discours du chef d'Ennahdha.

• Quel bilan tirez-vous du premier semestre du gouvernement conduit par Ennahdha ?

- Je crois que le premier constat, et il est majeur, c'est la solidité de la Troïka, issue de la première assemblée élue et formant le premier gouvernement légitime, et la résistance contre toutes les tentatives de déstabilisation. Un gouvernement de coalition, et qui plus est dans le contexte actuel d'une Tunisie en transition, n'est pas facile à conduire. Surtout face à l'urgence des multiples problèmes qui surgissent chaque jour et à l'ampleur de l'héritage légué par le gouvernement Béji Caïd Essebsi. Nous en pâtissons encore, comme cette indemnité accordée aux uns et refusée aux autres, ces augmentations servies en offrandes ou encore cette fameuse indemnité Amal octroyée aux demandeurs d'emploi qui a enraciné de très mauvaises habitudes. Comme s'il fallait acheter l'apaisement et la paix sociale à un prix très élevé et quitte à laisser s'installer de nouvelles pratiques préjudiciables. Un terrain très miné.

• L'indemnité Amal a posé problème ?

- Tout à fait ! Elle a constitué pour un grand nombre un acquis irréversible et a encouragé le relâchement, pour ne pas dire la paresse. Entre se suffire de cette indemnité et aller peiner au travail, certains ont préféré tourner le dos à l'emploi, alors que nous vivons ce grand problème de l'emploi à un double niveau. D'abord, celui de trouver du travail pour des centaines de milliers de chômeurs dont nombre de jeunes diplômés, mais aussi permettre aux employeurs de trouver les ressources humaines et les différentes qualifications dont ils ont besoin. Je ne vous cache pas que certains secteurs souffrent réellement d'un manque de main-d'œuvre. Je pense particulièrement aux entreprises de bâtiment, à certaines industries, à divers services et à l'agriculture. Nos agriculteurs ont beaucoup de mal à assurer la récolte. Des chefs d'entreprise ont été contraints d'aller chercher de la main-d'œuvre dans des pays subsahariens. D'autres multiplient les demandes auprès des services de la main- d'œuvre étrangère. Est-ce acceptable ?

• Mais ce n'est qu'un aspect du contexte général

- Oui, mais il est assez significatif. Il y a aussi, pour rester sur le registre de l'univers du travail, celui des sit-in, grèves et toute la surenchère des revendications sociales. Certaines demandes sont légitimes et méritent satisfaction, mais pas toutes. On a l'impression, dans nombre de cas, d'être face à des situations factices montées de toutes pièces. Le maintien de la sécurité n'était pas facile, surtout que sous le régime déchu, il était fondé sur l'oppression et non la liberté, la force et non le dialogue. Mais, le gouvernement sortant avait choisi de payer au prix fort la recherche de l'apaisement, ce qui a engendré une situation sociale bien difficile. D'autant plus que le pluralisme syndical, né après la révolution, ne pouvait que la compliquer davantage, avec tout le lot de surenchères qu'on imagine et les revendications qui dépassent tous les moyens. Et pourtant, le gouvernement a maintenu le dialogue social, veillant à ne jamais le rompre.

• L'UGTT ?

- Objectivement, l'UGTT n'a jamais rompu le fil de la concertation et la coopération avec le gouvernement. Elle n'a pas soutenu toutes les grèves, ni parrainé toutes les revendications. Mais, dans l'ensemble, sur le front social, d'une manière générale, l'attitude des divers acteurs n'était pas favorable au gouvernement.

• Et l'opposition ?

Elle n'a pas été toujours positive dans l'ensemble. Disons qu'une partie d'entre elle n'a pas digéré un gouvernement de coalition conduit par Ennhadha, s'employant beaucoup plus à le contester qu'à lui apporter propositions et contributions. Ennhadha n'est pas contesté pour son programme, mais pour ses référentiels intellectuels. La ligne générale était d'encourager les sit-in, voire de pousser à l'explosion de la situation, avec des médias, dans l'ensemble, alignés aux côtés de l'opposition, au lieu de faire prévaloir leur devoir de neutralité et d'indépendance. Ce qui est diffusé sur certaines chaînes, du matin au soir, ce sont les images d'une Tunisie embrasée, d'un gouvernement impuissant, d'un avenir sombre... Des médias qui nourrissent la peur et incitent à la confrontation. Le gouvernement légitime n'était même pas encore en place qu'on appelait déjà à sa déposition. Une opposition et des médias qui se nourrissent de la détresse des Tunisiens et de leurs souffrances. Même lorsque, pour la première fois, la plus grande vague d'investissements dans des projets de développement, particulièrement dans les régions les plus démunies, mobilisant pas moins de 6 milliards de dinars, a été mise en œuvre, on n'en trouve guère l'écho mérité dans les médias.

Pis encore, certains sont allés jusqu'au complot, en tirant les cordes sensibles du sentiment religieux et la profanation du sacré. Cela avait commencé avec le film de Nadia El Fani, puis la diffusion sur Nessma de Persepolis, la profanation des mosquées d'El Fath et de Ben Guerdane, les brûlots de Jamel Brik, jusqu'aux toutes récentes provocations des « œuvres » picturales. Tout cela s'inscrivait dans une nette escalade pour le pourrissement de la situation et son explosion. Mais, je crois que la publication de notre communiqué annonçant que nous renonçons à la manifestation que nous avions prévue a déjoué leurs manœuvres et fait échouer leurs plans.

• Qui sont d'après vous les véritables commanditaires de toute cette violence qui avait soudainement explosé début juin ?

Sans doute, les résidus de l'ancien régime et parmi eux des hommes d'affaires qui disposent d'importants moyens. Ce sont eux qui ont essayé d'utiliser certaines factions salafistes extrémistes pour en faire l'élément détonant qui a fourni l'explosion et ouvert la brèche aux repris de justice. Cela a failli fonctionner mais heureusement que les salafistes qu'on a voulu entraîner se sont finalement avisés du stratagème et ont compris les véritables enjeux de la situation.

• Votre attitude à l'égard des salafistes, jugée «très conciliante», n'est pas bien acceptée par une large frange de Tunisiens

- La véritable capacité qui doit être la nôtre est celle de pouvoir dialoguer avec ceux qui nous paraissent les plus éloignés de nos convictions, quitte à mener en leur faveur des efforts d'écoute, de dialogue et de débats soutenus pour mieux les éclairer et les amener à réviser leurs positions. L'essentiel, c'est d'éviter à tout prix d'en faire des démons et de les laisser utilisés comme des combustibles. Les courants salafistes commencent à s'en rendre compte. Ils sont conscients qu'une fois Ennahdha attaquée, ils constitueront la seconde cible qui le sera encore plus violemment. Du coup, ils n'entendent guère servir de ballon lancé d'un camp vers l'autre et se rapprochent davantage de la réalité tunisienne. J'y vois un signe positif car le simple fait de sortir de cette dichotomie entre le tout noir et le tout blanc, pour prendre en considération la notion de relativité, constitue une avancée vers le dialogue et la compréhension de l'autre. Ce n'est pas le salafisme que j'appréhende, mais ce que je crains le plus c'est de voir le pays poussé à l'affrontement et voué au blocage de toutes les ouvertures possibles au dialogue et au consensus. Les salafistes constituent une partie de la réalité du pays. Ou on parie sur leur retour parmi les rangs de la nation, ou on opte pour les anciennes méthodes de Ben Ali fondées sur l'oppression, la torture et l'emprisonnement. Nous devons nous dire qu'ils ne sont que le produit de notre propre société. Ils sont nourris de certaines pratiques qui sont en fait des réactions par rapport à un contexte donné. Ce ne sont en définitive que nos propres enfants. Les chasser et les pourchasser ne fera qu'augmenter leur exclusion et radicaliser leur engagement, alors que la bonne attitude consiste à maintenir le dialogue avec eux jusqu'à les faire revenir dans le giron, du moins la plus grande partie possible.

Même s'ils passent à la violence ?

Là ce serait inacceptable ! Vous avez vu que les forces tunisiennes n'ont pas hésité à aller jusqu'à faire usage des armes contre des terroristes qui attentaient à la stabilité nationale. Elles l'ont fait à contrecœur, car elles y ont été contraintes. Aujourd'hui, la position est claire, tant que l'expression est pacifique et légale, nous ne saurions nous y opposer. Mais, dès que la loi est bafouée, nous ne pouvons, non plus, laisser faire. Il y va de la sécurité du pays et de la souveraineté de la loi.

• Que pensez-vous de l'initiative de l'UGTT?

- Quelles qu'en soient les motivations, elle ne peut être que bonne. Personne ne peut refuser un appel au dialogue, et un parti au pouvoir ne peut qu'œuvrer en faveur de la concertation.

• Etes-vous confiant en la solidité et l'efficacité de la Troïka?

Absolument. D'ailleurs nous ne saurons apprécier l'importance de cette coalition qu'au vu des autres expériences dans les pays similaires. Un peu partout dans le monde, on nous regarde avec un réel intérêt et une haute appréciation. En Egypte, on est très attentif à l'expérience tunisienne et certains m'ont récemment dit qu'ils auraient tant souhaité avoir eux aussi un liant comme celui cimenté par Ennahdha. La Troïka fait preuve de cohérence et d'esprit d'entente, avec une coordination soutenue au plus haut niveau et des concertations continues. Depuis maintenant plusieurs semaines, ce dispositif a été renforcé par des réunions hebdomadaires qui regroupent, chaque vendredi, cinq dirigeants de chacun des trois partis pour, précisément, assurer la coordination au niveau du gouvernement et de l'Assemblée nationale constituante.

Il faut reconnaître que le gouvernement, en si peu de temps et malgré toutes les tentatives de déstabilisation et autres entraves, aligne un bilan éloquent en réalisations. Les deux grands groupes les plus influents, à savoir l'Union européenne et les Etats-Unis, tiennent à l'égard du gouvernement un discours de soutien nettement plus fort que celui de l'opposition tunisienne et nous apportent une contribution substantielle pour la relance de l'activité économique. La Tunisie a amélioré ses relations avec l'Occident, ce qui n'est guère aisé pour un gouvernement accusé d'être fondamentaliste. Comme il n'était pas facile d'ailleurs de renouer les relations avec les pays du Golfe et de reprendre notre place sur le continent africain. Nous avons aussi réalisé de réels progrès en matière de droits de l'Homme et amélioré l'image du pays. La vague des nouveaux investissements extérieurs est historique. Et à cela, il faut ajouter que les récoltes s'annoncent très bonnes et la saison touristique est prometteuse. Autant de facteurs de satisfaction et d'espoir.

Dieu merci !
Interview accordée à LEEDERS


L'histoire tumultueuse d'Ennahdha

La clandestinité, le procès de 84, le Pacte national signé en 88 avec Ben Ali, puis de nouveau

la clandestinité, jusqu'au 14 janvier... Puis le pouvoir

Signifiant Mouvement de la Renaissance (Nahda en arabe), est un parti politique tunisien islamiste.

Il est fondé le 6 juin 1981 sous le nom de Mouvement de la tendance islamique(MTI) avant de changer de nom en février 1989.

Longtemps interdit, il est légalisé le 1er mars 2011 par le gouvernement d'union nationale instauré après la fuite du président Zine el-Abidine Ben Ali. Il obtient 89 députés au sein de l'assemblée constituante de 2011, ce qui en fait la première force politique du pays.

Origines

L'islamisme politique en Tunisie émerge et s'affirme au sein de l'université tunisienne dans les années 1970, après une période de gestation au sein des mosquées, dans le contexte de la Révolution iranienne.

À l'époque, l'université est un espace fortement politisé : la confrontation et les débats avec les diverses tendances de la gauche tunisienne fortement structurée et rompue à la pratique politique permettent aux premiers partisans de l'islam politique en Tunisie de se former politiquement, de se doter de structures et d'une ligne idéologique leur permettant d'avoir un projet politique. Rached Ghannouchi, professeur de philosophie converti aux thèses des Frères musulmans lors de ses études au Caire, dirige une revue, Al-Ma'arifa, et prend la parole dans les mosquées avec des prêches de plus en plus suivis par les jeunes ; Abdelfattah Mourou, étudiant en théologie et en droit à l'Université de Tunis, anime de son côté de petits cercles de réflexion2. Ils fondent ensemble l'Association pour la sauvegarde du Coran, inspirée des Frères musulmans, puis, avec l'ouverture de l'espace politique tunisien en 1981, un parti politique, le Mouvement de la tendance islamique. La demande de légalisation est déposée le 6 juin mais elle est refusée par le ministère de l'Intérieur en juillet de la même année. Le parti acquiert nénamoins une large audience2 ; il s'ensuit une campagne d'arrestations de responsables du MTI.

107 d'entre eux sont traduits en justice et condamnés lors du grand procès du MTI à des peines de prison : Rached Ghannouchi écope d'une peine de onze ans de prison ferme. Tous les détenus sont amnistiés en 1984. Parallèlement à son activité politique, le MTI développe une importante activité sociale : il crée des comités de quartier et des associations de bienfaisance2.

Habib Mokni, son représentant en France, déclare en 1987 que le parti est attaché à la démocratie et au respect des droits de l'homme ; il rejette officiellement le recours à la violence. Cependant, Mokni met en avant qu'en périphérie du mouvement, certains groupuscules peuvent présenter des idées plus au moins radicales6. En septembre 1987, un deuxième procès se tient sous haute sécurité, à la caserne militaire de Bouchoucha, après des attentats à Sousse et Monastir imputés par le régime au mouvement. À l'issue de ce procès, Ghannouchi est condamné à la prison avec travaux forcés à perpétuité7. Ce procès se traduit par des peines de mort pour sept membres dont cinq par contumace ; Mehrez Boudagga et Boulbeba Dekhil, les deux seuls condamnés à mort en état d'arrestation, sont exécutés par pendaison le8 octobre.

Salah Karker, l'un des hauts dirigeants d'Ennahda, a reconnu que l'organisation avait commandé un coup d'Etat pour le 8 novembre 1987 en infiltrant l'armée :

« Les sympathisants du MTI au sein de l'armée préparaient un coup d'Etat, prévu pour le 8 novembre suivant. Cette décision a été adoptée par le bureau politique du mouvement islamiste [...] Nous n'avions pas d'autre issue [...] le régime nous avait déclaré la guerre. »

En 1994, Ghannouchi explique cette tentative de coup d'Etat de la manière suivante :

« Quant à la tentative [de coup d'Etat] militaire, elle n'était qu'une initiative pour faire face à un régime qui avait déclaré qu'il voulait éradiquer le mouvement [...] Ce plan [de tentative de coup d'Etat] s'est mis en route en-dehors du mouvement et en l'absence de la plupart de ses institutions, bien que certains éléments de la direction y aient pris part. »

Mouvement d'opposition des années 1980

Avec l'arrivée au pouvoir de Zine el-Abidine Ben Ali le 7 novembre 1987, des gages de libertés politiques sont donnés à l'opposition y compris islamiste. Les membres du MTI condamnés sont graciés et une certaine liberté d'action leur est accordée. Le parti signe le Pacte national, le 7 novembre 1988, afin de s'insérer dans le jeu politique. Le régime ne tarde pas à annoncer, dans la foulée de ce premier succès, de nouvelles mesures d'apaisement. Néanmoins, le parti voit ses demandes successives de légalisation refusées.

Pour respecter les clauses du Code électoral qui interdit les références à la religion dans les partis politiques, la fraction dite « modérée » du MTI décide de retirer toute allusion à l'islam dans le nom du mouvement et choisit de le rebaptiser Hezb Ennahda (Parti de la Renaissance). Sa demande de légalisation ayant été rejetée à nouveau, le mouvement présente ses candidats aux élections législatives du 2 avril 1989 sur des listes indépendantes. Toutefois, le Rassemblement constitutionnel démocratique (parti au pouvoir) rafle la totalité des sièges à la Chambre des députés. C'est ainsi que ces élections marquent le retour de la répression et la fin de l'état de grâce qui régnait depuis l'arrivée du président Ben Ali en 1987. Rached Ghannouchi s'exile en Algérie puis à Londres en 1989 mais laisse un parti dont la popularité est acquise. En effet, alors qu'il est crédité officiellement de 10 à 17 % des voix, les voix réellement gagnées par Ennahda à travers les listes indépendantes aurait été estimées aux environs de 30 %.

Disparition forcée dans les années 1990

À l'occasion de la première guerre du Golfe en 1991, les manifestations de soutien à l'Irak se multiplient en Tunisie et des militants d'Ennahda reprennent leur activité à cette occasion. Le régime de Ben Ali n'apprécie pas ces démonstrations de force et, à partir du printemps 1991, les arrestations se multiplient parmi les rangs d'Ennahda. Les peines prononcées au cours de deux grands procès qui se tiennent devant des juridictions militaires en 1991 et 1992, considérées comme très lourdes, vont jusqu'à vingt ans de prison voire l'emprisonnement à vie. Les procès sont considérés comme expéditifs et non conformes aux canons de la justice internationale selon les militants des droits de l'homme et les observateurs internationaux. La plupart de ces détenus sont, selon Amnesty International, des prisonniers de conscience emprisonnés et condamnés sans preuve tangible de criminalité mais pour le simple exercice de leurs convictions religieuses et politiques.

Un seul acte violent a été imputé au mouvement : l'incendie, le 18 février 1991, du local du comité de coordination du Rassemblement constitutionnel démocratique à Bab Souika qui a fait deux blessés graves dont l'un décède une quinzaine de jours plus tard. Le mouvement nie alors vouloir utiliser la violence, contrairement au Front islamique du salut algérien, même s'il reconnaît en 2011 sa responsabilité dans l'incident de Bab Souika qualifié « d'erreurs individuelles commises par certains jeunes du mouvement qui étaient victimes de répression, faute de l'absence des leaders, contraints à l'exil ou emprisonnés ».

La plupart des leaders choisissent l'exil2 alors que les arrestations se poursuivent chez les militants et même les sympathisants du parti. La torture est systématiquement pratiquée sur ces derniers en prison et les intimidations et privations touchent leurs proches. Face à cette répression et au durcissement du régime, le mouvement disparaît de la scène politique tunisienne. L'activité d'Ennahda se poursuit en exil sans avoir d'incidence particulière en Tunisie. Le parti tient un congrès en 1995.

Timide reprise dans les années 2000

En 1999, 600 détenus d'Ennahda bénéficient d'une grâce présidentielle en même temps que d'autres détenus politiques. Bien que les anciens détenus subissent des formes déguisées de répression, comme la privation d'emploi ou le contrôle administratif, ils se réorganisent notamment avec l'appui des organismes de protection des droits de l'homme et d'autres partis d'opposition, y compris les plus marqués à gauche.

En 2005, Ennahda participe avec le Parti démocrate progressiste (centre gauche) et le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (gauche révolutionnaire) au mouvement du 18-Octobre qui vise la restauration des libertés civiles en Tunisie. Dans le cadre du mouvement qui devient une plateforme de l'opposition, les représentants d'Ennahda adoptent des positions en faveur de la liberté de culte, de l'égalité homme-femme et de la séparation de l'Etat et de la religion ainsi que le rejet des châtiments corporels17.

Le 5 novembre 2008, les 21 derniers prisonniers d'Ennahda bénéficient d'une libération conditionnelle. Cependant, l'un d'entre eux, l'ancien président Sadok Chourou, est reconduit en prison après avoir fait des déclarations à la presse.

En 2009, Ennahda toujours interdit appelle au boycott des élections présidentielles et législatives qui se tiennent en Tunisie.

Essor après la révolution

Après la révolution de 2010-2011, Ennahda tente de se tailler une place sur la scène politique, prenant part à des manifestations et à des rencontres avec le Premier ministre. Rached Ghannouchi annonce que le parti a « signé une déclaration de principes avec les autres groupes d'oppositions tunisiens ». Dans ce contexte, le New York Times rapporte des sentiments mitigés quant à sa réussite future : certains pensent qu'il bénéficiera d'un soutien dans l'intérieur du pays, d'autres que la Tunisie est trop sécularisée pour qu'il remporte un large soutien.

Le 22 janvier 2011, dans une interview donnée à Al Jazeera, Ghannouchi confirme qu'il est hostile à un califat islamique et soutient la démocratie, contrairement à Hizb ut-Tahrir qu'il accuse d'exporter une compréhension déformée de l'islam. Le 30 janvier, environ un millier de personnes l'accueille à l'aéroport de Tunis à son retour d'exil ; il déclare qu'il ne sera candidat à aucun mandat électoral.

Le 7 février, de nouvelles structures dirigeantes sont créées, avec un comité constitutif de 33 membres et un bureau exécutif de treize membres, pour remplacer celles mises en place en exil. Ghannouchi reste président et Hamadi Jebali secrétaire général jusqu'à la tenue d'un congrès prévu dans les quatre à six mois. Ennahda est finalement légalisé le 1er mars. Jebali multiplie les déclarations, Frida Dahmani estimant qu'il esquive les questions sur la place de la charia dans le programme du parti tout en se montrant rassurant quant à la préservation des acquis des femmes. Ghannouchi déclare ainsi : « Nous avons toujours dit que nous acceptions le Code du statut personnel, ainsi que toutes les dispositions sur l'égalité homme-femme », propos toutefois contredits par certains slogans qui exigent l'instauration de la charia.

Un sondage d'opinion publié en mars le place comme le parti le plus populaire avec 29 %, suivi par le Parti démocrate progressiste avec 12,3 % et le mouvement Ettajdid avec 7,1 % ; ce succès amène certains à entériner le report de l'élection de l'assemblée constituante, alors qu'il « effraie les laïcs et les femmes qui craignent pour leur place dans la nouvelle Tunisie ».

En mai, Hamadi Jebali se rend à Washington à l'invitation du Centre pour l'étude de l'islam et la démocratie ; il y rencontre également les sénateurs John McCain et Joseph Lieberman.

Les dirigeants d'Ennahda sont décrits comme « très sensibles aux craintes parmi les Tunisiens et en Occident par rapport aux mouvements islamistes », conscients de la sanglante guerre civile algérienne et des divisions en Palestine entre le Hamas et le Fatah. Le 18 mai, le porte-parole du parti, Samir Dilou, répète dans une interview :

« Nous ne voulons pas une théocratie. Nous voulons un Etat démocratique qui se caractérise par l'idée de la liberté. Le peuple doit décider par lui-même comment il vit [...] Nous ne sommes pas un parti islamiste, nous sommes un parti islamique, qui obtient aussi sa direction par les principes du Coran. »
Par ailleurs, il cite la Turquie comme un modèle concernant la relation entre Etat et religion et compare l'idéologie du Parti pour la justice et le développement à la démocratie chrétienne en Italie et en Allemagne29. Un journaliste étranger assistant à des réunions d'Ennahda note l'enthousiasme pour la cause palestinienne et le slogan « Non à des bases militaires américaines, non à des interventions étrangères ».

Durant une conférence de presse en juin, le parti se présente comme moderne et démocratique ; il présente l'une de ses membres portant un voile et une autre qui n'en porte pas et annonce le lancement d'une organisation destinée à la jeunesse. La Süddeutsche Zeitung note que, contrairement aux partis de gauche, Ennahda n'est pas hostile à une économie de marché.


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