Nous reprenons aujourd'hui nos rubriques ramadanesques quotidiennes «le couffin de la ménagère » comme d'habitude, le baromètre du marché et des conseils utiles pour les bonnes emplettes Il y a des bizarreries dans le comportement du consommateur tunisien qu'aucun psychologue, ni sociologue, n'a encore réussi à comprendre ou à décrypter. Il s'agit de cette frénésie qui s'empare du bon peuple à la veille de Ramadhan. Et c'est dans les grandes surfaces que cette frénésie s'exprime de la façon la plus spectaculaire.
Il fallait les voir, ce jeudi et vendredi, veille puis premier jour de ce mois du jeûne et de l'abstinence, avec leurs chariots remplis à ras bord de victuailles qui laisseraient Pantagruel pantois ! Car ce qui étonne en ce début Ramadan, c'est l'acharnement des consommateurs, hommes et femmes, à remplir leurs caddies de tout et n'importe quoi. Un comportement aussi compulsif qu'irrationnel, comme si c'était la fin du monde ou la veille d'une guerre...
Parmi les achats les plus incongrus, on a vu une famille acheter deux kilos de sel, plusieurs kilos de sucre et une pile de grandes boites de thon. Un chariot qui lui coûtera plus de mille quatre cents Dinars ! Et puis il y a les caisses, avec leurs files interminables, leurs articles sans prix qu'il faut aller changer, des bons d'achats qui ne sont pas valables, des cartes bancaires qui ne fonctionnent pas...
Ailleurs, autour du marché Sidi El Bahri, ce qui attire l'attention, c'est la profusion de pain. Il y en a pour tous les goûts : le Diari (fait maison) vendu au kilo et dont une tranche moyenne vous coûtera un Dinar. Il y a la Tabouna entre 350 millimes et un Dinar selon sa grosseur, le M'bessess, coloré de pigment jaune bien douteux et orné de grains de sésame à 350 millimes, celui mélangé d'olives dénoyautées à 400 millimes, sans oublier le classique pain au Sinouj. Une floraison spécifique à Ramadhan et que l'on ne trouve qu'en cette période de l'année.
Quant au marché central, c'est dans la grande salle réservée aux poissons que la cohue est la plus grande, sauf que les prix sont décourageants : 14D500 pour les daurades d'élevage, plus de quinze Dinars pour les crevettes et autant pour le mérou et la sole. De quoi décourager les bourses les plus fournies !
Autre lieu de bousculade : le fameux couloir des vendeurs de fromage traditionnels comme la ricotta et le sicilien. Chaque visiteur dépense ici une moyenne de deux à trois dinars, ce qui n'est pas peu... Plus loin, les légumes et les fruits n'ont pas connu de hausses spectaculaires : à peine 10% d'augmentation par rapport aux jours passés. « Mais ce week end, ça risque de monter bien plus, à cause de ce que nous appelons le marché des hommes », selon un habitué des lieux.
En effet, le week-end, ce sont les hommes qui font le marché et ils ne savent pas doser leurs achats. Là où leurs épouses n'achèteront qu'un kilo, le mari en prendra deux ou trois... La palme du légume le plus cher revient aux salades, vendues entre 500 et 800 millimes pièce !
Mais c'est du côté des fruits que l'on constate les hausses les plus importantes : les poires dépassent 2D500, les bananes plutôt vertes et pas mûres, ne descendent pas de leur perchoir à 2D300. Une grosse pastèque revient en moyenne entre deux et trois Dinars, ce qui est beaucoup pour fruit composé d'eau sucrée colorée de rouge... La palme d'or revient aux pêches plates qui dépassent les quatre Dinars ! Mais, bizarrement, bon nombre de citoyens achètent à ces prix...
Et dire que le mois de Ramadan est en principe celui de la foi, de la modération et de l'abstinence. Une vérité que tous les tunisiens reconnaissent en théorie, mais rarement dans la pratique...