Le prix des cigarettes vient d'augmenter ostensiblement, atteignant près de cinq Dinars le paquet pour certaines marques étrangères. Du coup, les cigarettes de contrebande sont devenues une marchandise comme les autres, elles se vendent par dizaines à chaque coin de rue, au vu et au su de tous les contrôleurs de ce pays.
Une situation qui pose de nombreux problèmes et une foule de questions. D'abord comment ces cartouches de cigarettes entrent-elles sur le territoire tunisien ? Ensuite, dans quelles conditions ces produits sont-ils fabriqués et quel impact ont-elles sur la santé ?
La prolifération de marques assez bien imitées sur le marché parallèle et dont les composants sont inconnus, a de quoi inquiéter lorsqu'on sait que déjà, les cigarettes fabriquées sous contrôle, sont dangereuses pour la santé. Quelles substances sont ajoutées pour donner du goût et de parfum ? Aucun contrôle sérieux n'a jusqu'à présent été réalisé sous nos latitudes...
Les logos et les couleurs utilisées sur les paquets sont imités de façon assez étonnante, au point qu'une personne qui ne sait pas très bien lire ou qui ne fait pas trop attention se laisse facilement berner. C'est le cas des cigarettes de la marque « Merit » qui devient « Minute » ou de « Marlboro » qui est transformé en « Malimbo ».
Quant aux prix, ils sont bien loin des marques originales : un dinar le paquet pour l'ensemble des marques proposées, sauf les « Fisher » qui coutent deux Dinars, « parce qu'elles sont meilleures, très bonnes même selon les connaisseurs », selon le jeune vendeur. Des propos aussi inconscients (aucune cigarette n'est bonne) que difficiles à vérifier...
Les noms, eux sont aussi divers qu'inattendus. Cela commence avec «Respect » pour évoluer vers un classique «Gold» ou « Royals ». Viennent ensuite « Manchester », « American Legend » et même une « Merilyn » aux couleurs rose pâle. Et puis il y a des noms hermétiques comme « Omega », « Seal », « Manchester », « Don » ou « Ashford » qui semblent avoir été choisis sur leurs consonances. On a même trouvé des « Slims » (minces), ces cigarettes très fines prisées surtout par certaines femmes.
Les cigarettes étant un monopole de l'Etat, ils sont en principe produits ou distribués par la Régie Nationale Tabacs et Allumettes. Comment permet-on alors à des distributeurs privés d'en importer ? Et comment justifie-t-on le manque à gagner des taxes non perçues par l'Etat ?
Aux temps des Trabelsi, personne ne pouvait protester contre l'arrivée de ces produits de contrebande sur le marché parallèle sans risquer de se retrouver dans de beaux draps. Mais qu'en est-il aujourd'hui, après l'élimination de cette famille mafieuse ? Qui se cache derrière ce trafic juteux ?
Les réponses à ces questions ne sont pas faciles à obtenir, mais nous sommes parvenus à obtenir quelques réponses. Leur origine d'abord : toute cette marchandise entre en Tunisie à travers ses frontières ouest et sud, c'est-à-dire à partir de l'Algérie et de la Lybie, pratiquement impossibles à contrôler de par leur relief et leurs dimensions.
Quant à leur origine, elle est généralement chinoise, ce qui pose tout de même une interrogation majeure : si un paquet de cigarettes arrive sur le marché tunisien à un Dinar, avec un ricochet (et donc des intermédiaires) par les pays voisins, combien coûte-t-il à l'achat en Chine ?
« Moins de 100 Millimes », selon un spécialiste qui a longtemps travaillé à la régie tunisienne des tabacs. Il ajoute : « même chez nous, les vingt grammes de tabac que contient un paquet ne dépassent pas les cent Millimes, tout le reste c'est des taxes et le bénéfice des revendeurs... »
Quant aux composants, un fumeur invétéré nous a affirmé qu'il a « arrêté de fumer ces cigarettes de contrebande car elles me faisaient tousser toute la nuit, en plus d'un mal de gorge intermittent. » Les jeunes commerçants, eux, ne s'embarrassent pas de savoir l'impact de leur poison sur les clients, ce qui les intéresse ce sont les bénéfices substantiels qu'ils peuvent faire en s'adonnant à ce commerce.
Et avec la récente augmentation des prix, les trafiquants de cigarettes ont de beaux jours devant eux...