Un président et huit membres élus, choisis par une commission spéciale législative L'Instance supérieure des élections doit jouer un rôle capital dans la réussite des prochaines élections. Le plus grand acquis réalisé après la Révolution est que l'organisation des élections n'est plus désormais du ressort du pouvoir exécutif. L'Instance Supérieure Indépendante des Elections qui a pris en main les élections du 23 octobre a abattu un travail colossal qui lui a valu le soutien et la reconnaissance de toutes les parties. Comment structurer la prochaine instance qui supervisera les élections ? Quelles sont ses prérogatives et sa mission ? Quels sont les facteurs garantissant son indépendance et sa neutralité ? Comment garantir son efficacité et son professionnalisme ? Comment mettre en pratique la transparence dans l'action de l'instance ? Quels sont les pouvoirs dont doit bénéficier l'instance pour faire respecter la loi ?
Tant de questions intéressantes, auxquelles le Parti Républicain (PR) a essayé de répondre tout en proposant un projet de loi de création d'une Instance Supérieure Indépendante des Elections. « Aujourd'hui, nous remarquons des tentatives de la part du pouvoir exécutif et du Gouvernement provisoire de mettre la main sur les locaux des instances régionales indépendantes des élections en leur envoyant des huissiers notaires les sommant de fermer et en levant la garde sur le siège central de l'ISIE », prévient Issam Chebbi porte parole du PR.
Riadh Mouakhar, membre du bureau exécutif du parti, rappelle que depuis près de 8 mois, l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) n'a pris aucune initiative pour promulguer une loi créant l'Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE), pourtant l'article 25 de la loi fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs, stipule que l'ANC devra promulguer une loi créant une instance publique indépendante permanente qui sera chargée de l'organisation des élections et des référendums. Toutefois, l'ANC a laissé faire et attendu que le Gouvernement présente un projet. Un autre projet a été préparé par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) et le Conseil de l'Ordre des Avocats. Des associations de la société civile comme ATIDE, Wafa ont préparé un projet propre à elles-mêmes.
Après plusieurs consultations, le Parti Républicain propose que l'Instance des Elections soit composée d'un président et de huit membres élus qui seront choisis par une commission législative spéciale qui fait un premier tri des candidats avant de les soumettre au vote de l'assemblée plénière. Au sein de la Commission, le vote doit se faire à une majorité telle que ses membres doivent recourir au consensus, tout en évitant le partage sur des bases partisanes. La société civile y est impliquée, puisque les corps de métier proposeront leurs candidats qui ne doivent appartenir à aucun parti politique. Des magistrats de la Cour de discipline financière, d'autres faisant partie du corps du tribunal administratif, des enseignants universitaires spécialistes dans les sciences juridiques, d'autres dans les sciences humaines et sociales, ainsi que des journalistes spécialisés en politique, des avocats et des représentants de l'ancienne ISIE, seront des membres de la prochaine instance. Le président devra gagner l'appui des des membres de la commission et la majorité des voix de la plénière. Les membres de l'instance seront choisis à la majorité des deux tiers des membres de la commission. Le Parti Républicain a une proposition entièrement différente qui a la particularité de se démarquer de celle du Gouvernement ainsi que de celle de l'UGTT, la LTDH et l'Ordre des Avocats. « Le président de l'Instance supérieure des élections, ne doit pas être coopté par les trois présidents, mais par l'instance juridique qui est l'ANC », affirme Issam Chebbi, repoussant toute tentative de partage basée sur des considérations politiques.
Une autre innovation : le projet du PR propose que l'instance exécutive ne se limite pas aux tâches administratives et financières. Il y aura certes, une direction administrative et financière, mais aussi une direction chargée des élections.
Quant aux instances régionales, elles doivent servir de relais et ne disposer d'aucun pouvoir. Elles se limiteront à l'aspect exécution et technique de l'opération électorale. Les responsabilités seront partagées dans l'exécution de l'opération électorale entre l'Instance et les services gouvernementaux et les administrations publiques.
L'Instance supérieure des élections dispose de tous les pouvoirs nécessaires lui permettant de contrôler et diriger toutes les opérations se rapportant aux élections. Ceci lui confie un rôle majeur du fait qu'elle s'engage à garantir l'égalité entre les candidats sans aucunes discrimination ni partialité. Elle a aussi le pouvoir de sanctionner les dépassements sous réserve de recourt au Tribunal administratif.
Elle affiche ses décisions sur son site électronique avant de les publier au JORT.
Elle détermine seule son budget avant de le soumettre directement à la Commission parlementaire ou par le biais du ministère des Finances.
Enfin pour garantir la transparence des travaux de l'Instance, celle-ci doit publier à temps ses PV. Elle doit consulter de façon continue toutes parties concernées par l'opération électorale.
Le Centre Carter incite à garantir l'indépendance de la future instance électorale
Le Centre Carter appuie les efforts déployés par le gouvernement tunisien pour créer une instance électorale permanente, et exhorte l'Assemblée nationale constituante (ANC) à renforcer les aspects essentiels du projet de loi qui lui a été soumis récemment, afin de garantir la légitimité, l'indépendance et le fonctionnement transparent de la future instance. Dans sa déclaration du 10 juillet, le Centre Carter a encouragé les autorités tunisiennes à lancer un processus de consultation large et transparent incluant toutes les parties prenantes, en vue d'établir un consensus sur les principales caractéristiques d'une instance indépendante en charge des futures élections en Tunisie1. Avant de soumettre son projet de loi à l'ANC, le gouvernement a organisé une série de discussions avec l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens, la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, et l'Ordre National des Avocats. Ces organisations avaient auparavant préparé un projet de loi commun sur la création et le fonctionnement d'une instance électorale indépendante. Malgré les efforts menés pour parvenir à un consensus, des divergences ont persisté concernant les mécanismes de sélection et de désignation des membres de l'instance. Le gouvernement a finalement présenté son propre projet de loi à l'ANC le 27 juillet. La saisine officielle de l'ANC par le gouvernement devrait donner l'occasion d'élargir les consultations à toutes les parties concernées afin de respecter le droit des citoyens à participer aux affaires publiques. Les consultations au sein de l'ANC devraient inclure les partis politiques et les groupes tunisiens d'observateurs électoraux, dont plusieurs ont déjà préparé des commentaires sur le projet de loi relatif à l'instance. Dans ce contexte, le Centre Carter souhaite réitérer ses précédentes recommandations visant à garantir la légitimité, l'indépendance et un fonctionnement transparent de la future instance. Bien que les standards internationaux ne précisent pas si l'instance doit être composée de représentants politiques ou bien de techniciens, le mécanisme de nomination des membres de l'instance devrait être à même de fédérer un large soutien et de susciter la confiance en l'intégrité de l'instance et en sa capacité à mettre en œuvre ses activités de façon neutre. Les mécanismes proposés dans le projet du gouvernement – basés sur un vote à la majorité absolue – ne permettent pas nécessairement de garantir un large soutien politique chose qui pourrait altérer la légitimité de la future instance. Le projet de loi dispose qu'une commission spéciale au sein de l'Assemblée législative, composée des présidents des groupes parlementaires, présélectionne 16 candidats, soit par consensus, soit à la majorité absolue si le consensus ne peut être atteint. Hassine BOUAZRA