La carte du chômage en Tunisie selon les régions confirme les chiffres publiés par l'Institut National des Statistiques (INS) : Monastir (en tête avec moins de 6%), Zaghouan et Sfax sont les gouvernorats où il y a le moins de chômeurs, alors que Tozeur, Sidi Bouzid et Tataouine (en fin de peloton avec plus de 50%), sont les mauvais élèves de la création d'emplois...
Des chiffres qu'il faut remodeler en fonction de certaines particularités régionales, ce que nous avons tenté de faire ici...
Une remarque importante, une évidence même, saute aux yeux de prime abord : ce sont les gouvernorats des zones côtières, avec environ 15% de taux de chômage, qui semblent souffrir le moins de ce fléau. Seul le gouvernorat du Kef, zone où les échanges avec l'Algérie sont importants, fait exception à cette règle, avec 12%. Ce déséquilibre dure depuis toujours et personne ne semble lui trouver une solution efficace et définitive.
C'est comme si tous les efforts se concentraient sur les zones facilement accessibles et où l'esprit d'entreprise est déjà assez important. Certains vont même jusqu'à accuser les habitants des zones ouest d'être des fainéants que tous les anciens gouvernements ont tenté d'aider en vain. On prête d'ailleurs à Bourguiba la phrase suivante : «les gens de ces zones là, il ne faut ni trop les nourrir, ni trop les affamer », ce qui correspond bien au cynisme de ce président, qui avait des idées bien arrêtées sur certaines questions.
Plus au sud, les gouvernorats de Gafsa, Gabès et Kasserine ne sont pas mieux lotis, avec un taux de chômage tournant autour de 25%. Un chiffre énorme compte tenu de la pauvreté séculaire de ces régions. Il faut dire aussi que la désertification, les problèmes environnementaux et l'exode des élites ont largement contribué à cette situation.
Le cas de Tataouine est très particulier : ce gouvernorat arrive en queue de peloton, avec 51,7% de taux de chômage. Un record qui ne correspond absolument pas à la réalité.
En fait, les habitants locaux ne souffrent pas trop de ces chiffres grâce à la proximité de la Libye et qui permet à des milliers d'habitants de la région de faire du commerce plus ou moins sauvage avec les voisins libyens. Comme quoi les chiffres pris tous seuls, sans explication, ne veulent rien dire...
Remontons à présent au nord pour étudier le cas particulier de Tunis. Les quatre gouvernorats qui composent la capitale sont victimes de la trop grande densité de population. La majorité de ses habitants sont issus de l'exode rural, souvent sans qualification, se contentant de petits boulots qui ne sont même pas déclarés.
Il y a ces quartiers populaires, cette ceinture rouge autour de la capitale qui est un réservoir sans fin de main d'œuvre pas chère, payée autour de trois cent Dinars par mois ouvriers du bâtiment, aides de maison, jardiniers, gardiens, manutentionnaires... Toute une faune qui vivote au lieu de vivre, qui construit des maisons sans autorisation, qui traficote à tout va et qui constitue une réserve pour les extrémistes de tous bords.
Et puis il y a les demandeurs d'aides et autres pensions, souvent des handicapés, des veuves, des vieillards isolés et sans famille. Il n'y a qu'à voir ces foules de femmes et d'hommes massés devant les portes des responsables locaux pour s'en convaincre. Des foules qui posent d'importants problèmes aux responsables et aux causses de l'Etat, puisqu'il faut aussi les soigner et leur trouver un logement...
La conclusion que l'on peut tirer de cette situation c'est que la Tunisie n'est pas sortie du déséquilibre régional séculaire, les plus pauvres ne sont pas ceux que l'on croit et surtout les mentalités doivent changer. Il faut que certains tunisiens apprennent à ne plus jeter leur dévolu sur l'Etat et qu'ils profitent des nombreuses opportunités pour lancer leurs propres projets...
Et il convient de rappeler ici le dicton chinois : « ne m'offre pas un poisson, apprends-moi plutôt à pêcher. »