Al-Khatib Al-Idrissi, idéologue du courant djihadiste: «les musulmans ayant des avis divergents ne sont pas des ennemis» Abou Iyadh, chef de l'organisation Ansar Al-Chariâa: «la sagesse et une lecture juste de la réalité exigent le calme» Ouverture d'une enquête judiciaire à l'encontre de l'imam partisan du djihad et d'Ettounsiya TV
Les leaders de la mouvance salafiste djihadiste ont appelé, hier, leurs partisans au calme et à la retenue , contredisant ainsi l'imam salafiste Nasreddine Aloui qui a appelé les jeunes tunisiens à préparer leurs “linceuls" pour lutter contre les islamistes au pouvoir lors d'une émission télévisée diffusée jeudi soir sur la chaîne privée Ettounsiya TV. Le cheîkh Al-Khatib Al-Idrissi , qui est considéré comme l'idéologue de la mouvance salafiste djihadiste a appelé, hier, dans un communiqué dans lequel il appelle les salafistes à garder leur calme et à se contrôler.
Dans ce même communiqué, le prédicateur rappelle que les musulmans même s'ils ont des avis divergents ne peuvent être ennemis."J'appelle les jeunes salafistes et l'ensemble des musulmans à se calmer et à ne pas répondre aux provocations de nos ennemis. C'est l'Islam dans son ensemble qui est visé et non pas uniquement un parti politique ou une frange de la société", a-t-il précisé. Et d'ajouter: “ nous devons dépasser cette période difficile et qui n'est pas décisive avec les moindres dégâts et le minimum d'erreurs. (...). Et je tiens dans ce cadre à rassurer les musulmans que le retour des régimes dictatoriaux est impossible".
Ancien infirmier, il a passé neuf ans en Arabie saoudite avant de revenir en Tunisie, où il fut mis en prison puis placé en résidence surveillée, le cheïkh Al-Idrissi a également souligné que “les musulmans ayant des avis divergents ne sont pas des ennemis", rappelant, hadiths du prophète Mohammed et versets coraniques à l'appui, que le fait de tuer un musulman est un grand péché selon les préceptes de l'Islam.
Il a aussi appelé dans ce même ordre d'idées les jeunes salafistes à “ne pas offrir l'occasion à l'ennemi étranger de remporter la guerre contre l'Islam qu'il mène à travers ses affidés dans les médias et dans les divers rouages de l'Etat".
“Ne tombez pas dans le piège tendu par l'ennemi"
De son côté, le leader de l'organisation Ansar Al-Chariâa qui se réclame ouvertement de la mouvance salafiste djihadiste, Abou Iyadh, a appelé, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, les jeunes salafistes au calme. “La sagesse et une lecture juste de la réalité exigent le calme. Il ne faut pas mordre à l'appât que nous tendent nos ennemis pour atteindre leurs objectifs", a-t-il martelé.
Abou Iyadh, de son vrai nom Seifallah Ben Hassine a noté, d'autre part, que “la Chariâa sera appliquée inéluctablement tôt ou tard", appelant ses partisans à être patients.
Ce chef salafiste, qui avait combattu en Afghanistan avant d'être arrêté en 2003 en Turquie, puis extradé en Tunisie, où il a été condamné à soixante-quatre ans de prison, a , par ailleurs, appelé les policiers à cesser d'user de la méthode dure pour affronter les salafistes." Méfiez-vous du mécontentement des gens patients et de ceux qui pardonnent “, a-t-il lancé à l'adresse des agents de l'ordre.
Un imam salafiste, Nasreddine Aloui, avait appelé les jeunes tunisiens à lutter contre les islamistes au pouvoir lors d'une émission télévisée jeudi soir sur la chaîne Ettounsiya, deux jours après des violences meurtrières. “J'ai préparé mon linceul après la mort de deux martyrs et j'appelle les jeunes du réveil islamique à faire de même car le mouvement Ennahda et d'autres partis politiques veulent des élections sur les ruines et les cadavres du mouvement salafiste", a-t-il lancé, brandissant un drap blanc à la caméra.
Ouverture d'une enquête judicaire
Nasreddine Aloui est le nouvel imam de la mosquée Ennour à Daouar Hicher. Son prédécesseur est l'un des deux militants salafistes tués par les forces de l'ordre mardi en riposte à une attaque contre deux postes de la garde nationale. “Je vais faire la guerre à ces gens là car le ministre de l'Intérieur et les dirigeants du mouvement Ennahda ont choisi les Etats-Unis comme leur bon dieu, ce sont (les Américains) qui écrivent les lois et préparent la nouvelle Constitution", a-t-il déclaré à l'antenne.
Présent sur le plateau, le ministre de l'Intérieur issu du mouvement Ennahdha, Ali Laârayedh, a condamné les propos de cet imam. “Ce genre de discours est en partie responsable du sang versé, tu ne réalises pas que tes mots sont comme des balles. Je suis surpris de ton refus de l'autre", a lancé Ali Larayedh. “Tu n'es pas digne d'être un imam, ce discours est de l'incitation à la haine", a aussi répliqué à l'imam le ministre des droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou.
En réaction à cet appel solonnel au djihad lancé en direct, le ministère public a ordonné l'ouverture d'une enquête à l'encontre du nouvel imam de la mosquée «Al Nour» à Douar Hicher et de la chaine Ettounsiya qui l'a invité à son émission.
Le présentateur du programme “21 heures" sur Ettounsiya, Moez Ben Gharbia a assuré, hier, que la chaine télévisée assumera toutes ses responsabilités devant la justice. “L'imam représente une tranche de la population tunisiene qui a le droit de donner son avis sur la situation dans le pays", a-t-il indiqué.