C'est au 18ème siècle en France que le ministère public a été institué pour défendre les intérêts du roi. Il était représenté par le procureur qui jouait un rôle important dans les parlements de l'ancien régime. A la révolution de 1789, le procureur du roi est devenu l'accusateur public, qui défend les intérêts de la société. C'est la raison pour laquelle il a l'opportunité de poursuivre ceux qui sont présumés coupables, que ce soit à la suite d'une plainte ou d'une enquête pour la recherche de la vérité. Il est le défenseur de la société, en ce sens qu'il est tenu d'arrêter toute personne qui représente un danger pour celle-ci. Cela dit, il peut également intervenir dans l'intérêt de celui dont la culpabilité n'est pas établie, en requérant l'abandon des poursuites en ce qui le concerne. Bref il intervient dans l'intérêt de la justice.
En Tunisie, c'est le système français qui a été suivi, depuis l'indépendance, à la suite de la réforme de la Justice qui était à deux vitesses, durant toute l'époque coloniale. Le procureur était appelé, « Al mougharrik » (celui qui noie l'accusé), en cherchant systématiquement à ce que sa culpabilité soit établie d'une manière ou d'une autre. Le rôle du procureur de la République, était à un moment donné utilisé par l'exécutif pour exercer certaines pressions sur les juges de nature à minimiser le pouvoir judiciaire et faire de sorte que l'exécutif ait la mainmise sur la magistrature et la Justice d'une manière générale.
A l'aube de l'indépendance, a été créé le poste de procureur général de la République lequel a été pendant longtemps l'alpha et l'Oméga, dans le secteur judiciaire et à ce titre, il recevait directement les directives du président de la République. Il s'était permis de ce fait, tous les abus possibles et imaginables, en décernant des mandats de dépôt comme bon lui semblait , contrairement à toutes les règles de la procédure et en violation de tous les droits de la défense et les droits de l'Homme en général. Cette attitude était de mise dans les affaires politiques dont notamment l'affaire des Yousséfistes où un certain procureur a brillé par son excès de zèle en requérant la peine de mort pour tous les accusés. Mais à un moment donné, et pour faire le bouc émissaire de l'atteinte à l'indépendance de la Justice, il a été éjecté sans autre forme de procès, et le poste de procureur général a été supprimé.
Rôle du procureur général Ce titre est resté au niveau de la Cour de Cassation, celle-ci étant la Cour suprême, le procureur est dénommé l'avocat Général. celui-ci a pour rôle de défendre les intérêts de la société devant la cour de cassation et pour cela il étudie le bien-fondé de la procédure soumise à la cour. A-t-il l'opportunité d'intervenir contre une décision de la cour ? Le procureur général agit dans l'intérêt de la loi. Il peut intervenir dans ce sens pour se pourvoir en cassation ou la recevabilité ou le rejet d'un pourvoi.
Mais il n'est pas habilité à s'ingérer dans les décisions de la cour. Dans l'affaire Semi Fehri, la cour de cassation avait annulé l'arrêt de la chambre d'accusation qui l'avait inculpé. Cette décision de la cour était fondée sur des points de droit et non sur le fond du problème. Les avocats de la défense avaient soulevé des vices de procédure, et la cour les a déclarés recevables sur cette base.
Pourquoi les avocats s'attendaient-ils à la libération de leur client ? Sami Fehri s'était présenté en état de liberté devant le juge d'instruction. C'est la chambre d'accusation qui a décidé son arrestation. Suite à l'annulation de l'arrêt de ladite chambre par la cour, il retourne à la situation initiale, c'est-à-dire en état de liberté. Sa libération est donc automatique et sans même l'intervention du procureur général, lequel a vite fait de se rétracter, ce qui complique davantage la situation. Cette rétractation est d'autant plus bizarre qu'elle a suscité l'indignation des avocats de la défense. De son côté l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT), dans un communiqué rendu public le vendredi dernier, a qualifié d'ingérence l'intervention du ministère public, lequel est sous la tutelle directe du ministère de la Justice. Ce qui constitue une atteinte à l'indépendance de la Justice, que rejette et condamne l'AMT, de manière inconditionnelle, en mettant en garde contre une telle pratique mettant en doute la confiance en la magistrature.
Quid NOVI ? L'affaire est actuellement au point mort, avec beaucoup de questions que se posent non seulement les gens du métier, mais aussi le citoyen qui a été auparavant, et durant des décennies victime de la justice des deux poids deux mesures. Il est temps que les violons soient accordés dans ce secteur vital dans le sens de la consolidation de la démocratie et du respect des droits de l'Homme.