Pourquoi les Tunisiens sont descendus dans la rue ? Pourquoi se sont-ils exposés à la mort pendant un mois ? Pourquoi tant de jeunes, sont morts ? N'a-t-on pas crié liberté, dignité et justice ? Ces événements d'il y a deux ans et ces slogans encore scandés partout, ne semblent pas émouvoir ceux en qui le peuple a mis sa confiance pour lui donner une Constitution au diapason de l'époque qu'il vit et qui rompt définitivement avec le passé décrié et honni. Cette Constitution appelée de tout cœur lors des manifestations de La Kasbah dans ses trois phases est aujourd'hui malmenée par les petits calculs politiques qui règnent au sein de l'A.N.C Un seul article suffit pour constater que tous les sacrifices faits l'étaient pour rien. Il s'agit de l'article 68 qui garantit l'immunité au Président de la République au-delà de la fin de ses fonctions en tant que président ! Quelle différence en cela avec ce que stipulait l'ancienne Constitution amendée par Ben Ali et qui l'immunise à vie lui et sa famille ? Aucune sauf que le nouveau article proposé ne parle pas de la famille du président. Grande avancée sur la voie de la démocratie et de la justice dont nos constituants nos gratifient ! Et l'on se demande où sont passés nos « valeureux » démocrates et nos « courageux » défenseurs des droits humanitaires d'hier qui criaient leur colère pour dénoncer de tels abus ? Celui qui a dit que le pouvoir corrompt n'a nullement tort. « Shame an you » comme disent les Anglais messieurs les constituants vous en qui les Tunisiens ont mis leur confiance. Pourquoi cette méprise ? Pourquoi ce peu de cas que vous faîtes du peuple qui vous a amené au pouvoir par ses sacrifices et son vote ? Non ceci ne peut s'accepter ni se tolérer dans un pays qui aspire à la vraie démocratie. A moins que ce peuple comme l'affirmaient nos anciens gouvernants n'est pas encore mûr pour cela. En tout état de cause cet article nous démontre que ce n'est pas le peuple qui est immature mais ceux qui détiennent les rênes du pouvoir et en particulier les constituants qui pour donner la preuve du contraire auraient dû lorgner un peu plus haut pour voir ce qui se passe et comment on respecte son peuple et se faire respecter en même temps. Dans les démocraties dignes de ce nom des articles du genre ont existé dans leurs Constitutions d'avant et d'après guerre, mais ils ont été bannis et remplacés par d'autres qui rendent leurs premiers magistrats justiciables comme tout autre citoyen. Il y a ceux qui le sont même en étant en fonction, aux Etats-Unis par exemple et ceux qui le deviennent après comme en France. Le maintien de l'article 68 présente un réel danger pour cette démocratie naissante et présage de sa mort dans le berceau. Puisse alors le bon sens prévaloir chez ceux qui ont entre les mains le présent du pays pour s'inscrire dans le sens de l'histoire et donner aux Tunisiens les moyens de s'émanciper à jamais du joug des autocraties et des dictatures et présenter un modèle qui fera des émules dans son environnement géographique. D'autres démocraties encore jeunes ont suivi cette voie et elles ne l'ont pas regretté. En Amérique latine l'Argentine qui a connu l'une des dictatures les plus barbares de l'histoire n'a pas hésité à se défaire de tels articles dans sa constitution. Et l'on se souvient des démêlés de son ancien président Carlos Menem avec la justice après sa sortie du pouvoir. La Tunisie n'est pas moins digne que l'Argentine pour mériter un pareil traitement, ce pays qui a connu la première Constitution dans l'espace musulman et avait inspiré d'autres pays de ce même espace. Sa nouvelle constitution devra être aussi une première du genre en donnant à la démocratie sa pleine expression.