Dans un souci de consolider l'indépendance de la magistrature, une loi du 2 août 2012 en vue d'instituer une Instance provisoire de la magistrature a été soumise au vote de la Constituante. Cependant, et au bout d'un débat infructueux, elle n'a pu être votée. Elle n'a pas été abandonnée, mais il a été décidé de surseoir au vote le temps de procéder à davantage de consultations auprès des experts parmi les membres de la composante civile. Les raisons de ce blocage étaient essentiellement dues à la réaction de certains membres de la Constituante qui y ont soulevés certaines anomalies de nature à vider cette instance de sa substance, et dont les principales sont afférentes à son autonomie financière et son indépendance administrative, pour rester sous la tutelle du ministère de la Justice. On n'est pas sorti de l'auberge, ont affirmé les élus démocrates qui se sont abstenus de voter ladite loi. Cependant que les Nahdhaouis ont soutenu mordicus que cette loi, telle qu'elle a été conçue, et quand même elle n'ait pas d'autonomie financière ou administrative, elle ne contrevient nullement à l'indépendance de la magistrature. Pourtant les plus concernés, c'est-à-dire les magistrats estiment que cette loi dans sa mouture actuelle ne garantit nullement cette indépendance de la magistrature tant escomptée, aussi bien par les gens de Justice que par les Justiciables. Une instance qui supplée à un conseil moribond Le conseil supérieur de la magistrature a été jusque là l'organisme officiel qui a toujours géré les affaires des magistrats. Or c'est ce même conseil qui sous l'ancien régime constituait le plus grand obstacle à l'indépendance de la magistrature. Après la révolution il était donc question de le remplacer par un organe plus représentatif, en vue de préserver les intérêts de la profession d'une part et mieux consolider l'indépendance des magistrats. Cependant et dans les premiers temps, de la Révolution certaines sanctions ont été prises concernant la situation administrative des magistrats, selon l'ancienne procédure, par décision du conseil supérieur de la magistrature. Ce qui a suscité plusieurs réactions de la part des magistrats concernés. plusieurs parmi les magistrats qui ont subi des sanctions disciplinaires ont formulé des recours auprès du tribunal administratif. Le syndicat et l'association des magistrats avaient tous les deux émis des réserves concernant la légalité des sanctions disciplinaires prises par ledit Conseil supérieur de la magistrature. Retour à la case départ ? Cela dit et dans l'état actuel des choses, ledit conseil dans sa formation actuelle est incomplet, le mandat de certains de ces membres élus, car il comporte également des membres nommés par le ministère de tutelle, a expiré depuis décembre 2012. C'est la raison pour laquelle, le syndicat et l'association des magistrats sont revenus à la charge pour demander le vote de la loi du 2 août précitée, en vue d'instituer une instance provisoire de la magistrature,dans l'intérêt de la profession et du justiciable. Pour sa part Raoudha Laâbidi, la présidente du syndicat a insisté, lors de sa conférence de presse du 1er mars, sur la nécessité d'une procédure démocratique, concernant la composante de ladite instance. Elle rejette la proposition d'une composition d'une majorité de membres choisis parmi les partis politiques et nommé par l'exécutif. « Il est inadmissible a-t-elle souligné que seulement 25% des membres soient issus d'élection » a-t-elle déploré. Quant à Kalthoum Kennou, présidente de l'association des magistrats, qui a été entendue hier par la Constituante, elle a souligné que cette instance est nécessaire à l'indépendance de la magistrature qui doit être consolidée par des institutions démocratiques afin de rompre totalement avec les procédés de l'ancien régime. Disjoindre le ministère public du ministère de la Justice Le ministère public représente l'ensemble des magistrats chargés de défendre les intérêts de la collectivité nationale, c'est-à-dire les citoyens d'une manière générale. Sur le plan administratif, ces magistrats sont affectés au ministère de tutelle. Cependant celui-ci ne peut en aucun cas exercer son influence sur ces magistrats pour les inciter à prendre des décisions, ou à mener des enquêtes dans le sens qu'il désire. C'est la raison pour laquelle certains observateurs, dont les présidentes de l'association et du syndicat des magistrats tunisiens, plaident pour un cloisonnement entre le ministère de la Justice et le ministère public, afin d'éviter que ce dernier subisse le joug de l'exécutif et ce afin de mieux consolider l'indépendance de la magistrature. Quoi qu'il en soit, il est opportun de voter au plus vite la loi sur l'instance supérieure de la magistrature, le temps que la prochaine Constitution soit fin prête. Quitte à laisser le soin de parfaire à l'occasion du nouveau conseil supérieur de la magistrature, un conseil qui répondra au mieux à la consolidation de l'indépendance judiciaire.