Figure tutélaire des arts plastiques en Tunisie, Hédi Turki âgé de 91 ans est aujourd'hui souffrant mais reste toujours présent dans la mémoire des gens en raison tout d'abord de son œuvre foisonnante et créative et ensuite pour la singularité de sa personnalité qui s'est manifestée notamment dans la fameuse « Caméra cachée », diffusée il y a quelques années sur l'écran cathodique. La délégation culturelle de Sidi Bou Saïd vient de rendre hommage à ce doyen des plasticiens tunisiens si attachant, Hédi Turki, en baptisant la galerie municipale, connue sous le nom, de Musée de Sidi Bou Saïd, du nom de Hédi Turki. Par ailleurs, une rue portera également son nom. A cette occasion, plusieurs hommes de culture et d'habitants de la région de Sidi Bou Saïd ont assisté à une cérémonie marquant cet événement. Am El Hédi était de la partie malgré son état de santé, il a tenu à assister à cet événement qui consacre son œuvre et sa popularité. D'origine turque, Hédi Turki est considéré comme le pionnier de la peinture abstraite en Tunisie. Il est aussi l'un des membres influents de l'Ecole de Tunis. Né en 1922 à Tunis, il suit ses études primaires, de 1928 à 1936, à l'école franco-arabe de la place Halfaouine, puis au collège Sadiki, avant d'aller au lycée Carnot de 1936 à 1940. Il abandonne ses études suite au décès de son père, Mustapha, en 1939, et multiplie les petits boulots (apprenti tailleur, commis, manœuvre en huilerie) pour subvenir aux besoins de la famille, étant l'aîné de 7 garçons dont l'un des frères, l'illustre peintre Zoubeir Turki. En 1948, il se marie avec Jamila Skhiri après le décès de sa mère en 1945. Il apprend les principes de l'art pictural en autodidacte et intègre ensuite l'Ecole de Tunis. En 1951, il effectue un stage de perfectionnement de deux mois à Paris, à l'Académie de la Grande Chaumière. Puis il obtient une bourse d'études de deux ans (1956-1657) à l'Académie des Beaux-arts de Rome. À son retour, il enseigne le dessin au lycée technique Emile Loubet de Tunis et profite des vacances estivales pour voyager en Europe et en Chine. En 1959, il effectue un voyage de trois mois aux Etats-Unis, où il découvre le courant abstractionniste, à l'Université de Columbia. De 1963 à sa retraite en 1985, il enseigne les arts à l'Ecole des Beaux-arts de Tunis (Institut technologique d'art, d'architecture et d'urbanisme de Tunis) puis y assure des vacations jusqu'en 1990. Il effectue d'autres voyages d'études et de travail au cours de sa carrière, notamment en Angleterre (1971), au Nigeria (1977) et aux USA (1979). Vocation figurative Bien qu'ouvert à toutes les tendances, Hédi Turki est un peintre tunisien de souche qui a maintes fois exposé ses nombreuses œuvres en Tunisie et dans le monde. Il a contribué à la fondation de l'Ecole de Tunis, à la création de l'Union nationale des arts plastiques et graphiques de Tunisie et de l'Union générale des artistes plasticiens arabes. Il a occupé des postes de responsabilité aux niveaux national et international. Son œuvre a évolué avec le temps, au gré des découvertes de l'artiste. A vocation nationaliste au départ, généralement figurative comme pour la plupart des membres de l'Ecole de Tunis, elle est ensuite influencée par l'expressionisme abstrait, suite à son voyage aux Etats-Unis. Deux peintres américains ont marqué Hédi Turki : Jackson Pollock (1912-1956) et Mark Rothko (1913-1970). Il découvre chez le premier une peinture basée sur l'Action Painting tout en coulées et éclaboussures, et chez le second, des compositions sur le principe du Colorfield painting, plus sereines et structurées. Il s'essaye à l'une avant de renoncer pour adopter celle de Rothko, calme, colorée et savamment organisée. Il devient dès lors le pionnier de la peinture abstraite en Tunisie. Son style abstrait est marqué par un sentiment profondément tunisien et quasi-religieux, qui le distingue des autres artistes de son époque. Bien qu'il ait rompu avec l'Ecole de Tunis, qu'il considère un tantinet conventionnel, Hédi Turki a continué à prendre part aux expositions du groupe en peintre indépendant.