Se poursuit jusqu'au 22 mars prochain, l'exposition « Rêverie II » de l'artiste plasticien Salah Ben Amor à la galerie Samia Achour à la Soukra. Deux expressions se font écho dans cette exposition : la peinture et la sculpture. Dans l'espace confiné de la galerie, un songe habite le lieu pour une évasion furtive dans le monde fait de lumière... Tout d'abord, c'est la blancheur qui attire le regard. Les tableaux sont habillés d'un voile blanchâtre atténuant la vivacité qui vient habiter la toile. Ainsi, les chromatiques chaleureuses se meuvent en lueurs illuminant l'ensemble de l'œuvre. Le visiteur est surpris par l'aspect incertain qui se dégage du tableau. Peu à peu l'œil s'accoutume à la blancheur inhérente. Puis, une calligraphie particulière s'immisce dans la toile. Les lettres sont à peine perceptibles et dans leur imperfection, elles s'inscrivent dans l'inachèvement comme si chaque œuvre racontait sa propre histoire qui est sans cesse à recommencer selon l'humeur du visiteur. La rêverie s'installe alors ouvrant les portes du monde onirique. Les lignes traversent l'espace de la toile, y dessinent des formes. Elles se tordent, se contorsionnent pour dessiner des formes géométriques. Très vite, l'œil est happé par les cercles. Ils investissent l'espace pour devenir un leitmotiv, un sujet qui invite à la rêverie. Face à la rotondité, on se croirait face à l'île ou aux archipels. Petit à petit, on entre dans le jardin secret de l'artiste. A travers sa palette, Salah Ben Amor nous emmène sur Kerkennah, l'île de naissance. L'ouverture sur le monde se fait à partir de l'insularité. Par la blancheur obsédante, le mouvement du flux et de reflux se dessine. Les toiles sont alors animées d'un élan de vie implicite qui rend palpable l'évasion. Mais il serait réducteur de confiner le travail de Salah Ben Amor à la seule rêverie car si cette dernière regroupe le travail de l'artiste, il n'en demeure pas moins que cette rêverie est une lueur d'espoir ou une dénonciation subtile des maux sociaux. C'est ainsi qu'à travers la sculpture, Amor Ben Salah revient sur l'émigration clandestine. La revisite de ce thème - ô combien douloureux ! – est une suggestion dans le matériau. Cuivre, bronze ou inox, les sculptures sont soit des récupérations des pales de l'hélice récupérées des embarcations même et retravaillées, soit une interprétation des évènements qui secouent le quotidien et que l'artiste transforme en vision artistique. Dans cette exposition, la rêverie est bien ancrée dans la réalité. Elle s'inspire des évènements de la vie pour les transformer en œuvre d'art. La chromatique, les lignes et cette blancheur qui n'est autre que la synthèse de toutes les couleurs dessinent les contours de la rêverie de Ben Amor et de ceux qui se posent le temps d'une escapade artistique ; et si vous voulez vous imprégner de l'engagement de l'artiste, jetez un dernier coup d'œil à l'ensemble de l'œuvre exposée et attardez-vous devant « Espace sacré 2 », un tableau en hommage à Sidi Bou Saïd, dénonçant l'attaque du saint lieu...