C'est une grève qui intéresse en premier lieu le citoyen, l'intérêt de la Justice étant indissociable de celui du justiciable. C'est ce dernier qui a longtemps été lésé dans ses doits les plus élémentaires, à cause d'un système judiciaire qui des années durant a subi l'ascendant de l'exécutif. Le juge est cet homme chargé de trancher entre les litiges et de faire régner la justice, qui est signe de paix et de sérénité. Omar Ibn Al Khattab, deuxième Calife de l'Islam, dénommé Al Farouk, pour sa tendance à trancher en vertu de la loi et rien d'autre que la loi, ne s'est jamais immiscé dans les décisions que les différents juges étaient appelés à rendre. Dans sa lettre envoyée à Abou Moussa Al Ashââri, l'un de ces juges connu pour sa droiture, il lui rappela qu'un juge, dont le sort du citoyen est entre ses mains, ne doit subir aucune influence externe ou interne, afin d'être le plus impartial possible. Il n'est tenu que de son intime conviction et de la bonne application de la loi, c'est-à-dire dans le sens de l'équité. D'autant que sa mission est difficile, car la Justice est finalement approximative, surtout devant des cas ambigus, où la loi est incomplète imparfaite ou équivoque. C'est la raison pour laquelle, il participe de surcroît à l'élaboration de la loi par une jurisprudence constructive, en cas d'absence de texte. Pour toutes ces raisons, la magistrature doit être indépendante, dans l'intérêt du justiciable, et c'est pourquoi les magistrats ont observé hier, une grève générale conformément à ce qui été décidé aussi bien par le syndicat des magistrats que par l'Association des magistrats tunisiens qui s'accordent à affirmer que le projet de loi pour la création de l'Instance provisoire de la magistrature ne favorise pas l'indépendance de la magistrature. La création de cette instance est dans le but de gérer la situation des magistrats aux lieu et place du conseil supérieur de la magistrature, ce dernier étant supervisé par le président de la République. Il était donc nécessaire, dans la logique de la consolidation de la Justice transitionnelle que les juges soient gérés par leurs pairs, et sans ingérence par l'exécutif. Or dans sa composante actuelle, comme nous l'avons évoqué précédemment, cette instance comporte des membres nommés par l'exécutif, outre la présence de membres désignés par l'exécutif, au sein du conseil de discipline. Cela n'est pas de nature à favoriser l'indépendance du magistrat. Raoudha Laâbidi, présidente du syndicat des magistrats tunisiens, qui nous a affirmé que la grève a été suivie massivement dans tous les tribunaux de la République, a fait remarquer que le doyen Fadhel Moussa président de la commission des juridictions à l'ANC a reconnu hier devant l'assemblée que cette loi sur l'instance provisoire de la magistrature comporte des lacunes de nature à altérer l'indépendance de la magistrature. On peut donc affirmer que cette grève a été une réussite, a encore déclaré Raoudha Laâbidi, ajoutant que cela ne constitue qu'un début, car les démarches en vue de consolider l'indépendance judiciaire doivent continuer, par tous les moyens et à tous les niveaux. Le citoyen est sensibilisé quant à) ce problème qui le concerne au premier degré. C'est la raison pour laquelle, des citoyens étaient venus nombreux, pour soutenir les magistrats, notamment à Kasserine où, ils s'étaient rassemblés devant le tribunal de premier instance pour scander des slogans en faveur de l'indépendance du magistrat. Quant à Kalthoum Kennou présidente de l'association des magistrats tunisiens, elle nous confirmé que la grève a réussi à un taux de presque 100%, sauf dans les cas d'extrême urgence où les magistrats étaient dans l'obligation d'intervenir, tels dans les affaires où l'intérêt imminent d'un justiciable est sévèrement menacé, ou dans les affaires relative à la protection de l'enfance. Une réussite de bon augure, qui démontre l'intérêt de la question relative à l'indépendance du magistrat, a-t-elle encore ajouté. Pourrait-on enfin parler d'un pouvoir judiciaire, dont le rôle consiste à appliquer la loi ? Il y va de l'intérêt du justiciable et par là même de la consolidation de la justice transitionnelle, à l'ère de la Révolution du printemps arabe, printemps avec par moment des passages nuageux et même des tempêtes, pourvu qu'elles soient passagères. Sans l'indépendance du magistrat, la Justice ne peut être au beau fixe, ce qui influe sur le fleuve de la démocratie dans lequel s'abreuvent l'ensmble des citoyens.