Presque tous les véhicules immatriculés en Tunisie, ralentissent puis roulent « au pas » en passant à proximité de « gens » qui prennent des photos en pleine campagne. Nous regardons ce que ces « étrangers » photographient, puis, blasés, nous repartons bien vite comme si notre « environnement » campagnard n'était pas digne d'intérêt. Pourtant, en ces temps de printemps, même si, dans bien des cas, faute d'une gestion plus « réfléchie » de l'occupation de l'espace et de l'architecture citadine, l'environnement urbain est décevant, pour le moins, la « nature » en Tunisie offre des panoramas qui méritent qu'on aille les voir, à notre avis. LES CHARMES DU NORD-EST Nous avons déjà décrit les charmes du bourg de Ghar El Melh et de ses environs : ses fortifications, et son port datant du XIXème siècle, bien restaurés, son immense plage de sable, sa zone humide classée abritant une avifaune remarquable, le promontoire boisé portant les sanctuaires curieux consacrés à Sidi Ali El Mekki et Sidi El Hadj Mbarek, ses carrières antiques et ses petites criques abritant un « croissant » de sable, très recherché en été. De très nombreux visiteurs profitent du plaisir de parcourir tout le promontoire à pied, de visiter le sanctuaire consacré à Sidi Ali El Mekki, en partie souterrain, d'admirer les grandes carrières sur le versant Nord du cap et de goûter la quiétude à proximité de la margelle en ogive, entourée d'oliviers centenaires, construite au pied du mausolée de Sidi El Hadj M'barek. Nous avons aussi vanté le bourg de Metline et ses alentours : le Cap Zebib et ses fonds poissonneux, son petit port, ses belles plantations de vieux oliviers, la longue plage de Chott Mami et le spectacle, émouvant, voire désolant, de cette ville punico-romaine qui pourrait avoir été Thunissa ou Thinissa que les travaux des champs, par-dessus et la mer, par devant, détruisent irrémédiablement sans qu'on l'ait « étudiée ». Nous nous sommes déjà demandés si le Gouvernorat de Bizerte était tellement riche en sites historiques pour qu'il puisse en laisser un disparaître. Les pêcheurs à la ligne se donnent rendez-vous sur les rochers au Nord des enrochements du port. Aujourd'hui, nous voudrions convier nos lecteurs dans cette toute petite région qu'on pourrait appeler le « Sahel de Bizerte ». Il y a à peine plus d'une vingtaine de kilomètres entre Metline et Ghar El Melh ainsi qu'une dizaine de kilomètres entre El Alia et les plages de Ras El Jebel. Et pourtant, quel somptueux environnement très varié, on y rencontre principalement au printemps, mais aussi toute l'année ! LE LITTORAL La pointe de Sidi Ali El Mekki est appelée actuellement, Ras Et Tarf. Dans l'Antiquité, c'était le « Beau promontoire » ou « le promontoire d'Apollon » qui bornait la zone où les bateaux romains n'avaient pas le droit de se rendre, sauf en cas d'avarie, sous peine d'être capturés par les Carthaginois. Des vestiges de murs signalent encore la présence d'une construction antique tout au bout du Cap. Cap Zebib est la pointe extrême du Jebel Bab Benzart – le bien nommé ! – puisqu'il est la limite Sud du Golfe de Bizerte. Les amateurs de pêche tendent leur ligne dans les remous au pied des petites falaises. Les gens aisés font construire de belles villas sur ce promontoire. Entre ces deux caps, le littoral est une succession de plages, pratiquement toutes accessibles en auto, grandes ou petites ; celle de Sounine enserrant le croc de l'îlot Pilau, celle de Raf-Raf ou Ras El Jebel séparées par de petites pointes rocheuses. Elles sont souvent bordées par des collines boisées, aux pentes desquelles les villages et les villas prolifèrent. Quel spectacle ! Quels plaisirs, en été ! Sous l'azur printanier ou le ciel estival, les crêtes vert sombre plantées de pins et d'oliviers soulignent les pentes. Le patchwork des jardins et des champs d'un vert cru, des villas et des villages aux façades blanches dévale jusqu'aux plages blondes et aux caps rocheux roux. La mer, de jade ou de turquoise sur les fonds sablonneux, bleu vert des « mers du Sud » sur les rochers, devient d'un bleu marine – évidemment ! – à l'horizon. Au Sud, l'îlot Pilau surgit des fonds de vingt mètres de profondeur tout près du rivage. Au Nord, les îles Cani, pratiquement plates, émergent d'un haut-fond. Ce n'est pas encore la saison des plages mais toute l'année, les amateurs de pêche au lancer et de surf casting se donnent rendez-vous sur le littoral. Quelques mordus, prennent en plongée, en plein hiver, de très beaux loups dans les ressacs des récifs. L'été, les baigneurs se presseront sous les parasols, les amateurs pêcheront des oursins et les jeunes s'adonneront aux joies de la planche à voile. LE SAHEL DE BIZERTE Nous avons décidé, aujourd'hui, de sortir des villes et d'aller nous promener dans la campagne. Au printemps, les paysages sont aussi variés que plaisants. Les sages plantations d'oliviers, succèdent aux rangées de vignes bien alignées, les champs de fourrage émaillés de fleurs, bleues, jaunes, roses ou blanches, touchent aux surfaces céréalières : vert franc pour les blés, vert jade pour les orges, au printemps. De longues haies de cyprès pointus font penser à la Toscane tandis que des terrasses de pierres sèches bien entretenues rappellent que cette région a été « revivifiée » par l'arrivée des Andalous. Sur les collines, les zones réservées aux pâturages, sans doute parce que le sol y est trop pauvre pour pouvoir être cultivé, sont souvent plantées d'eucalyptus. Au creux de certains vallons, de petits oueds ont été barrés tels que le Chaab Ed Doud ou le Chouk El Felfel situés entre Ras El Jebel et la route menant d'El Alia à Cap Zebib. Il y a d'autres petits lacs collinaires. Tous sont cernés par un boisement de pins ou d'eucalyptus. Tous ces arbres, en ce moment, sont habités par un peuple d'oiseaux. Il faut marcher lentement et bien écouter pour différencier le « houp-houp » de la huppe fasciée (tebib), du « hou-hou » de la hulotte (bouma) qui se mêlent au roucoulement des tourterelles des bois. Ces dernières sont arrivées au mois d'avril et se sont installées parce qu'elles sont pressées de nicher. Le cochevis huppé, confondu avec l'alouette (gouba), plane à la verticale et lance ses trilles aiguës. Pinsons, chardonnerets, fauvettes, mésanges et bien d'autres, tous chantent dans les bosquets. Les papillons qui butinent semblent des fleurs ailées. A chaque pas, de petites sauterelles aux ailes jaunes ou rouges jaillissent sous les pieds. Dans les lacs, les grenouilles « croassent » de façon assourdissante. Des « spécialistes » viendront les « pêcher » au début de l'été. Y avez-vous déjà goûté ? Les cuisses de grenouilles sont délicieuses ! Sinon, pour se nourrir, il n'est que de choisir entre le pique-nique sur une plage ou à l'ombre d'un arbre et … une des multiples rôtisseries, agréables et peu coûteuses qu'on trouve tout le long de toutes les routes. De plus, pour les « fans des économies » : des monticules de légumes frais, présentés le long des routes tentent les « voyageurs ». Ils sont tendres, superbes et vraiment peu onéreux. Le matin tôt et en fin d'après-midi, des pêcheurs rentrent et proposent leurs prises aux amateurs de poissons frais. La mer a retrouvé sa couleur d'été, les plages sont baignées de soleil, la campagne est tapissée de fleurs, tout semble avoir revêtu ses plus beaux atours pour … fêter l'année qui s'épanouit. Il ne tient qu'à vous de venir en profiter.