Les chiffres vont crescendo : 65 professionnels victimes de violence en mai, contre 52 en avril 2013 L'Unité d'Observation des Agressions contre les Journalistes au sein du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse (CTLP) a du pain sur la planche. En effet, les atteintes contre les journalistes ne connaissent pas de répit d'un mois à un autre. Preuve : 30 agressions commises contre 65 professionnels de médias lors du mois de mai, alors qu'elles étaient de l'ordre de 52 en avril 2013. Cela « constitue le taux le plus élevé enregistré en Tunisie depuis 8 mois », dénonce l'Observatoire dans son dernier rapport rendu public dernièrement. En fait, le travail des observateurs ne s'arrêtera pas de sitôt. D'ailleurs, le dernier communiqué a été publié il y a tout juste un jour, suite à l'agression verbale exercée contre les journalistes qui assuraient la couverture de la conférence nationale sur la lutte contre la violence et le terrorisme. Contrairement aux autres fois, la violence a été exercée cette fois-ci par des participants qui sont supposés dénoncer ces pratiques qui ne cessent de se propager dans notre société. Ironie du sort ou simple hasard ? Les agressions contre les journalistes tunisiens ont connu un regain inquiétant lors du mois de mai, à l'heure où la communauté internationale célèbre la liberté de la presse. En effet, 65 professionnels dont, 20 femmes et 45 hommes ont été victimes de violence verbale et physique durant cette période, où l'on a enregistré, également des dépassements du même genre contre des professionnels qui travaillent dans des sociétés de production. A cet égard, le rapport du CTLP précise que 32 boîtes de production de contenus médiatiques ont subi le même sort « alors que, jusque-là, seuls quelques employés d'organes de presse précis, étaient concernés » par ces pratiques. La situation n'est guère rassurante. D'ailleurs, le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse ne cache pas son inquiétude par rapport à cette situation. Les observateurs du centre parlent même de « l'existence d'une réelle intention qui vise à cibler les journalistes pour leur identité professionnelle ». Agression de bloggueurs Ce n'est pas tout. D'autres points négatifs ont été soulevés par le rapport qui parle, cette fois-ci de l'agression, et pour la première fois, de 3 bloggueurs. Face à cette situation, l'on évoque sérieusement de réfléchir aux moyens nécessaires à renforcer le statut du bloggeur, d'autant plus que la spécialité ne cesse d'évoluer dans notre pays depuis la Révolution. Relation homme de média/agent de sécurité Malheureusement, les violences prennent plusieurs formes et émanent de la part de plusieurs acteurs, ce qui suscite beaucoup d'interrogations, telles que les rapports qui doivent régir les relations entre les agents de forces de sécurité et les journalistes. Le rapport en parle tout en rappelant l'attitude des agents des forces de sécurité pendant la couverture des manifestations ou des événements au Mont de Chaambi, à Kairouan et à la cité Ettadhamen. « Nombreux sont les journalistes qui se sont plaints des dépassements sécuritaires tels que les arrestations et les interdictions à accomplir le travail…», toujours d'après le rapport. Parallèlement, d'autres professionnels de médias « déplorent l'insuffisance de dispositions et de manque de mesures de protection », notamment, lors de la couverture des manifestations des Salafistes. Un autre constat négatif a été soulevé par l'Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse. Il est question des interrogatoires assurés par les autorités sécuritaires en plus des auditions judiciaires des journalistes à cause de leurs productions journalistiques. L'observatoire évoque là « du nombre, sans cesse en hausse, qui vient tordre le coup aux appels des organisations locales et internationales prônant la garantie de l'impartialité de la justice quand il s'agit d'intervenir sur le contenu médiatique ». Et les agressions dans les régions ? Les journalistes qui exercent dans les régions ne connaissent pas un meilleur sort. Au contraire, ils sont victimes de différentes formes de violence sans pour autant avoir droit à la protection. D'ailleurs, 13 agressions ont été commises contre les journalistes dans les régions, notamment à Kairouan. Conscient de ce problème, le Centre met l'accent sur l'importance d'organiser des campagnes de sensibilisation des citoyens et d'établir un partenariat avec eu pour garantir leur droit à l'information. Un droit supposé être protégé par toutes les instances, car cela fait partie intégrante de la liberté d'expression et de surcroit, la liberté de la presse. Sana FARHAT Les recommandations du CTLP Le CTLP a formulé deux types de recommandations pour remédier à cette situation. D'ailleurs, le centre propose pour la première fois des recommandations pour résoudre les questions à vocation juridique. Il a proposé ainsi de décriminaliser et d'annuler toutes les poursuites pénales concernant des contraventions journalistiques et de se limiter à les considérer comme des erreurs disciplinaires ou civiles et de faire évoluer les dispositions juridiques relatives au droit de réponse et de la publication des jugements. Le centre a recommandé aussi de mettre fin aux convocations des journalistes devant la justice militaire, et de respecter les procédures légales lors de l'envoi de convocations par écrit, et de les prévoir un délai suffisant leur permettant ainsi de saisir leurs avocats. Le centre propose également, d'arrêter les interrogatoires des journalistes diligentés par des brigades sécuritaires non spécialisées dans le domaine des contraventions journalistiques et d'organiser un débat national sur les violences commises contre les professionnels. Il importe aussi, d'enquêter expressément sur les agressions et les actes criminels commis contre plusieurs journalistes.