Le dialogue national visant à trouver une issue concertée à la crise politique consécutive à l'assassinat du député Mohamed Brahmi devrait démarrer aujourd'hui au Palais des congrès de Tunis qui a déjà accueilli les deux premiers rounds du dialogue organisés le 16 juin et le 16 mai 2012. «Sauf imprévu dû à des raisons techniques, le dialogue devrait démarrer samedi vers le coup de 9 heures », a indiqué hier le porte-parole officiel de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), qui parraine le dialogue aux côtés de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), de la Ligue Tunisienne de défense des Droits de l'Homme (LTDH) et de l'Ordre National des Avocats. La séance inaugurale du dialogue national sera marquée par la présence du président de la République, Moncef Marzouki, du président de l'Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaâfar et du Chef du gouvernement, Ali Laârayedh. Elle sera aussi rehaussée par la présence de MM. Ahmed Ben Salah, Ahmed Mestiri et Mustapha Filali, tous trois membres de l'Assemblée nationale constituante de 1956 qui a élaboré la Constitution du 1er juin 1959. La journée d'hier a été marquée par une nouvelle rencontre entre Houcine Abassi, secrétaire général de l'UGTT, et des représentants du Front de salut national (FSN), une coalition d'opposition qui s' était attaché jeudi à ce que tous les partis participant au dialogue national à signer un document attestant de leur acceptation de la feuille de route élaborée par les quatre organisations qui parrainent le dialogue. Ce durcissement de la position de l'opposition est intervenu dans le sillage de la conférence de presse donnée mercredi dernier par Taïeb Laâguili, membre de l'instance de recherche de la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Lors de cette conférence M. Laâguili a révélé des données attestant, selon lui, de l'implication du chef d'un parti libyen ayant des liens avec le mouvement Ennahdha. Ces données ont été aussitôt démenties par le parti au pouvoir et le ministère de l'Intérieur. Feuille de route Selon des sources syndicales, les représentants de l'opposition ont réclamé au cours de leur réunion tenue hier avec Houcine Abbassi la détermination d'une date pour l'achèvement des travaux de l'ANC, l'engagement du Chef du gouvernement à démissionner dès l'ouverture du dialogue national. Le secrétaire général de l'UGTT a réussi, selon ces mêmes sources, à convaincre les dirigeants du FSN d'abandonner leurs dernières conditions, notamment celle relative à la signature par tous les participants d'un document attestant de leur acceptation de la feuille de route. Après avoir longuement tergiversé et émis des réserves sur certains points de la nouvelle feuille de route visant à trouver une issue concertée à la crise politique consécutive à l'assassinat du député Mohamed Brahmi, le mouvement Ennahdha a finalement accepté le week-end dernier le plan de sortie de crise élaboré par le quartet parrainant le dialogue national . Ennahdha avait dans un premier temps rejeté la proposition de l'UGTT, en exigeant des garanties sur la fin de la rédaction de la Constitution et sur le calendrier électoral, ce qui avait incité des milliers de citoyens à manifester dans plusieurs villes du pays pour demander une démission immédiate du gouvernement. Les quatre organisations phares de la société civile avaient soumis, le 17 septembre, une feuille de route à l'approbation des différents partis, afin d'achever la dernière étape de la transition démocratique. Cette feuille de route préconise notamment la démission de l'actuel gouvernement dans les trois semaines, son remplacement par un cabinet apolitique et restreint dirigé par une personnalité indépendante, ainsi que la reprise des travaux de l'Assemblée nationale constituante (ANC). Le gouvernement, dont la principale mission sera de veiller sur l'organisation des prochaines élections dans un cadre de transparence, ne pourra être destitué que par une majorité des deux tiers des membres de l'ANC. Les membres du nouveau gouvernement ne devraient pas, selon le plan de sortie de crise proposé, se présenter aux prochaines élections. Ecueils multiples L'ANC devrait, quant à elle, s'engager à finaliser la rédaction de la Constitution dans un délai d'un moi, veiller à la mise en place de l'Instance indépendante des élections (ISIE) et élaborer un code électoral dans les quinze jours. La feuille de route stipule aussi la détermination d'un calendrier pour les élections présidentielles et législatives, qui doit obligatoirement être soumis à l'approbation de l'ANC. Selon les observateurs, le chemin du consensus sur les différents points de la feuille de route du quartet sera sinueux et pavé de calculs étriqués. Le premier écueil auquel feront face la vingtaine de partis représentés à l'ANC qui prendront part au dialogue concernera la démission du gouvernement. Le Chef du gouvernement, Ali Laârayedh, qui a jusqu'ici lié le départ de son cabinet au parachèvement de la mission constitutive de l'ANC acceptera-t-il de s'engager à démissionner dès la séance d'ouverture du dialogue national ? Quelle sera la position des partis qui ont jusqu'ici défendu mordicus la légitimité électorale comme le Congrès pour la République (CPR), Tayar Al-Mahabba (Courant de l'Amour) de Hachemi El Hamdi, le mouvement Wafa, ou encore le Courant Démocratique de Mohamed Abbou ? Le nom du Chef du gouvernement apolitique qui pourrait prendre le relais de l'actuel gouvernement sera aussi une pomme de discorde. Ennahdha s'attache à ce que le nouveau Chef du gouvernement ne soit pas une personnalité connue pour son hostilité à l'égard d'Ennahdha. Une partie de l'opposition propose, cependant, des noms connus pour leur appartenance à la gauche tunisienne comme l'avocat Mokhtar Trifi, ancien président de la LTDH et candidat du Front Populaire à la primature. Et last but not least, les députés qui s'étaient retirés de l'ANC exigent un consensus sur tous les points de blocage dans la Constitution, la mise en place de l'instance indépendante pour les élections, la loi électorale avant de regagner l'hémicycle de Bardo. Autant dire que le plus dur commence aujourd'hui...