Bien que la nouvelle Constitution institue un régime parlementaire aménagé qui n'attribue que des pouvoirs restreints au Chef de l'Etat, le poste de président de la république fait encore rêver...L'instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a annoncé, en effet, hier que soixante-dix personnes ont présenté leurs candidatures à la présidentielle du 23 novembre. «Nous avons reçu 73 dossiers de candidature entre le 8 et le 22 septembre», a précisé le chargé de communication de cette instance chargée d'organiser les scrutins législatif et présidentiel, Lassaâd Ben Ahmed. Les candidatures seront examinées à partir du 23 septembre, pendant 4 jours, par l'Instance électorale, pour être validées. La liste définitive ne sera, cependant, dévoilée que le 25 octobre, lorsque les délais de recours en justice auront expiré. L'ISIE effectuera notamment, dans ce cadre, une comparaison entre les listes des parrains de chaque candidat grâce à un logiciel spécifique. Pour voir son dossier approuvé, un candidat doit notamment fournir les parrainages d'au moins 10 élus à l'Assemblée nationale constituante ou ceux de 10. 000 Tunisiens répartis dans au moins dix circonscriptions électorales. Hormis le mouvement Ennahdha, qui a décidé de ne pas présenter de candidat mais de soutenir une personnalité «consensuelle» au moment opportun, la majorité des barons de la vie politique nationale ont brigué la magistrature suprême. Le président sortant Moncef Marzouki, le président de la Constituante, Mustapha Ben Jaâfar, l'ex-Premier ministre de transition Béji Caïd Essebsi, l'ancien ministre de Ben Ali Mondher Zenaïdi , l'ex gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Mustapha Kamel Nabli figurent sur la liste des candidats. Des hommes d'affaires, des chefs de partis, des comédiens, des professionnels des médias et deux femmes figurent aussi sur cette longue liste. Candidatures fantaisistes Outre ces personnalités plus ou moins connues du grand public, on a enregistré des candidatures fantaisistes ou, du moins peu sérieuses, de la part de certains illustres inconnus. Certains candidats ont aussi déposé des dossiers qui seront à coup sûr rejetés pour non-conformité aux conditions exigées par la loi électorale. Il s'agit, entre autres, de Abdallah Saïd, Adel Almi, Omrane Ben Hassine et Abderrahim Khelifi qui ont déposé leurs candidatures sans disposer du nombre requis de parrainages. Le secrétaire général de l'Association tunisienne du droit constitutionnel, Chawki Gaddès, explique, en premier lieu, cette grande ruée vers le Palais de Carthage par la souplesse des conditions de candidature à la magistrature suprême : nombre relativement faible de parrainages par les élus et les citoyens, absence de limite d'âge, possibilité de candidature pour les binationaux...etc Le juriste met, dans ce cadre, en doute la crédibilité des signatures présentées par un nombre important des candidats, vu qu'il suffit théoriquement de disposer d'un numéro de la carte d'identité nationale d'un citoyen et de falsifier sa signature. Et si ce citoyen ne conteste pas la présence de son nom sur les listes de parrain, l'ISIE n'a aucun moyen de vérifier la véracité du parrainage. M. Gaddès considère, d'autre part, que cette bousculade aux portes du Palais de Carthage trouve aussi son origine dans «la frustration qu'a vécue le peuple tunisien durant plus de 50 ans». Il a, par ailleurs, estimé que l'institution de la présidence de la République a été «banalisée » et « ne jouit plus de son aura d'antan depuis la Révolution», ce qui a encouragé un nombre important de personnes ne disposant pas des compétences requises pour diriger le pays à briguer la magistrature suprême. L'historien Mustapha Tlili estime, lui aussi, que le maigre bilan des institutions issues des élections (Assemblée constituante, présidence de la République) a fait qu'un nombre important de Tunisiens ont cru pouvoir occuper des postes importants au sommet de l'Etat.