Avant-hier, vendredi, une manifestation a été organisée devant le théâtre municipal de Tunis pour dénoncer le califat de Daëch et ses pratiques barbares. C'était deux jours après la décapitation en Algérie du guide français Hervé Gourdel. Première interrogation déjà, pourquoi avoir attendu qu'un Français soit assassiné par les miliciens de Daëch pour condamner ce mouvement terroriste ? Il y a eu pourtant, au moins trois décapitations avant celle de Gourdel. D'autre part, la manifestation futun échec manifeste au niveau de la participation populaire : il n'y avait même pas une centaine de personnes sur et devant le perron du théâtre municipal ! Beaucoup de gens n'ont entendu parler de cette sortie que le jour même et en passant par l'avenue Bourguiba ? Deuxième interrogation : qui l'a organisée ? Et comment ? Apparemment, ce sont des citoyens indépendants de tout parti politique et de toute grande organisation de la société civile qui ont appelé à la manifestation. Ont-ils convenablement coordonné leur action ? Manifestement, non ! On peut à ce propos reprocher autre chose à ces jeunes : pensent-ils que le terrorisme n'est incarné que par Daëch et ses « coupeurs de têtes » ? Nous ne les avons pas vus condamner nos terroristes locaux, ni manifester contre Al Qaïda, la grande nébuleuse ou sa fraction maghrébine. Il y a beaucoup de questions à poser autour de cette manifestation-fiasco. Mais en même temps, nous nous demandons si les Tunisiens mesurent bien le péril que représente le mouvement Daëch. L'échec de la sortie de vendredi dernier est, en partie, à imputer à ces nombreux passants (badauds) qui se contentaient de regarder les manifestants sans prendre part à leurs cris de condamnation. La sortie hebdomadaire en commémoration de l'assassinat de Chokri Belaïd rassemble elle aussi de moins en moins de sympathisants. Que se passe-t-il ? Serions-nous las de crier colère et indignation ? Serions-nous à ce point devenus passifs et indifférents face aux crimes terroristes ? Quelque chose de grave seproduit dans l'esprit des Tunisiens ! Espérons que ce n'est qu'une fausse impression ! Année blanche, pourquoi pas ? Le mouton de l'aïd est en ce moment au cœur de l'actualité politique et sociale : à remarquer que depuis la « révolution », cette bête ne cesse d'intéresser les partis lesquels l'instrumentalisent pour se faire connaître et plébisciter ou pour dénigrer leurs adversaires. C'est ainsi que des moutons sont offerts aux électeurs potentiels, des repas au mouton sont organisés par telle ou telle formation politique, sinon on accuse la Troïka d'être derrière la flambée des prix de la viande ovine et bovine. Nous avons récemment entendu un candidat aux élections d'octobre promettre la revue à la baisse -s'il est élu- des prix pratiqués sur le marché, dont ceux du mouton et du bœuf. Aujourd'hui, le problème se pose avec encore plus d'acuité, puisque à l'aïd les gens n'achètent pas le mouton en détail, mais s'offrent un bélier entier. Cela coûte actuellement entre 300 et 400 dinars au minimum ; il y a certes les 6000 moutons importés d'Espagne et qui seront vendus dès demain à 10 dinars le kilo ! Encore faut-il qu'il n'y ait pas de trafic ni de spéculation pendant la vente de ces bêtes espagnoles. Par ailleurs, le mouton d'Espagne ne sera vendu que dans le grand Tunis ; dans les autres régions du pays, il faudra se résigner à acheter tunisien, et là il faut être prêt à y mettre le prix ! Personne ne vous vendra au tarif de la société Ellouhoum. C'est pourquoi certains de nos compatriotes ont décidé de passer « une année blanche » en matière de sacrifice rituel, ou bien de s'acheter comme à l'accoutumée un peu de poulet, un peu de poisson, et un tout petit peu de viande rouge. Il n'y a là aucun péché ; au contraire c'est une bonne chose en Islam que d'éviter d'aller à sa propre perte ! Coupe-tête chinois ! Les préparatifs pour le scrutin d'octobre concurrencent ceux de l'aïd, et pour un peu, certains concurrents aiguiseraient les couteaux pour s'affronter. C'est ce qui a contraint le chef du Gouvernement à appeler tous les candidats à garder leur calme et à rivaliser dans un climat moins haineux. L'ambiance n'en reste pas moins tendue entre les partis et leurs représentants. Heureusement que dans cette atmosphère électrique, il nous arrive de rire des comportements de nos caricatures de politiques. Après les blagues de ce début de semaine sur les candidats à la présidentielle, nous avons enregistré dernièrement des commentaires très amusants sur le plagiat commis par Ennahdha qui, dans le cadre de sa campagne électorale a utilisé un spot turc pour l'élection d'Erdogan ! Cela s'appelle « tricher » et en morale islamique, c'est péché à notre connaissance ! Il faudrait là une œuvre de pénitence pour se faire pardonner : égorger des moutons par exemple et en distribuer la viande aux pauvres ; mais alors combien de bêtes et à combien de pauvres ? Et comment aujourd'hui distinguer les Tunisiens pauvres ? Ou bien jeûner un ou deux mois successifs ; mais lesquels ? Pas octobre ni novembre, dans ce cas, car les candidats nahdhaouis ont besoin de force pour mener leur campagne électorale ! Ou encore construire des mosquées pour avoir sa place au paradis, mais à condition que Mehdi Jemâa et sa cellule de crise sécuritaire ne les ferment pas si elles échappent au contrôle du Ministère des Affaires religieuses. De retour de Chine, Rached Ghannouchi se trouve donc face à un vrai casse-tête chinois, ou plutôt à un « coupe-tête » chinois !!!