Dans l'ensemble et malgré un certain nombre d'insuffisances, la plupart de nos petites et grandes villes demeurent présentables d'un point de vue urbanistique. Mais partout en Tunisie, ce sont ce qu'on appelle les quartiers populaires qui posent de gros problèmes surtout qu'ils se multiplient et s'agrandissent de manière constante depuis les années 70. On croit trouver des solutions à ceux qui existent déjà et voilà qu'il en « pousse » de nouveaux et des plus anarchiques. Cette ceinture de misère attire essentiellement une population émigrée des villes de l'intérieur qui ne sont donc situées ni sur le littoral ni près de la capitale. En effet, autour de Tunis, et de grandes cités comme Nabeul, Sousse, Monastir et Sfax, les quartiers populaires forment un paysage nouveau mais d'une laideur repoussante pour un pays à la vocation touristique confirmée. A quand des solutions radicales à ces plaies hideuses du corps urbain tunisien. Les prochains gouvernements sont dans l'obligation de trouver des solutions, s'ils veulent sérieusement lutter contre la criminalité, la délinquance et même le terrorisme car ces milieux pauvres constituent les meilleurs foyers pour couver et faire prospérer ces fléaux sociaux gravissimes. Nous nous sommes rendus à quelques uns de ces quartiers « de la honte ». Ce que nous y avons constaté comme aspects abominables de la misère humaine se passe de commentaires. Un état désastreux Des conditions d'hygiène minimales y sont pratiquement inexistantes. Des tas de détritus s'amoncèlent partout. Les flaques d'eau se transforment très vite en marécages puants sources de toutes sortes de maladies infectieuses voire d'épidémies. Il suffit de se rendre sur les rives de « Oued Guirina » entre le Bardo et « Mellasine » pour se rendre compte de la gravité de la situation environnementale dans toute cette zone. Du côté de « Tebourba » toute la zone périphérique qui longe « Mejerda » est véritablement horrible à voir à cause non seulement ambiante mais aussi en raison de l'anarchie totale qui caractérise les habitations et les locaux commerciaux. Non loin de Tunis, dans les quartiers comme « Sidi Hsine », « Cité Helel », « Sidi Mansour » et « Cité Ezzouhour », rien n'indique au visiteur qu'il est en banlieue tunisoise : les artères sont encombrées d'immondices et d'étales anarchiques eux-mêmes sales. Les constructions sont totalement désordonnées et obéissant rarement aux normes de l'architecture urbaine. La voirie y est absente soit défectueuse. En hiver, il suffit de précipitation importante pour que ces cités soient complètement inondés, rendant impossible la circulation des hommes et des véhicules. Concernant les jeunes qui y vivent, une majorité d'entre eux est oisive et par conséquent facilement récupérable par les groupes organisés de criminalité et d'extrémisme religieux. On parle même dans les milieux sécuritaires de réseaux mafieux qui s'activent dans ces quartiers défavorisés pour former des « dealers », des trafiquants de produits spiritueux, des marchandises contrefaites, des réseaux de prostitution et de mendicité. La violence y est quotidienne à l'intérieur et à l'extérieur des foyers. Les structures sociales et éducatives susceptibles de prendre en charge cette population de jeunes sont absentes ou inactives. Pas de salles de sport, pas de salles de spectacle ni de salles de jeu ni de terrains de clubs. Bref, ces jeunes sont livrés à eux-mêmes par leurs familles qui n'ont pas les moyens de les mettre sur la bonne voie et par les organismes officiels qui marginalisent de manières volontaire ou involontaire toutes les zones non-intégrées dans le district principal de Tunis. Cela vaut aussi par les grandes villes citées plus haut. A propos de la situation économique dans ces quartiers, elle est extrêmement précaire. Pour subvenir aux besoins quotidiens, tous les membres participent au budget du foyer en exerçant toutes sortes de métiers légaux ou illégaux : ménagères, ouvriers et ouvrières, vendeur et vendeuses, voleur et parfois voleuses, contrebandiers etc. Comment faire pour sortir ces cités du bourbier dans lequel elles s'enlisent. La tâche n'est pas du tout facile. Elle nécessite des programmes colossaux et des budgets conséquents mais surtout une politique rationnelle qui soigne le mal à sa racine. En effet, si ces quartiers de la misère pullulent, c'est à cause de l'exode qui s'opère des régions marginalisées de l'intérieur du pays vers les grands centres de développement situés presque tous sur la côte méditerranéenne. Donc, il faut trouver les solutions efficaces pour fixer dans leurs régions respectives ces populations prêtes à aller n'importe où pour gagner leurs vies et celles de leurs enfants. Des espérances Le développement économique des gouvernorats exportateurs d'émigrés est une obligation, une priorité incontournable pour les dirigeants de demain. Pour les quartiers populaires situés en périphérie des grandes cités urbaines, les municipalités dont ils relèvent doivent se doter du budget et des moyens logistiques susceptibles de les aider à intégrer convenablement ces cités dans un paysage urbain décent et digne d'un pays réellement en développement. Il faut aussi beaucoup de temps pour réaliser une telle performance. Le président Béji Caïd Essebsi s'est lui-même rendu dans quelques uns de ces quartiers et a constaté de visu la situation désastreuse des familles qui y vivent. Espérons que les promesses qu'il a faites aux habitants pendant sa campagne électorale ne resteront pas lettre morte come ce fut le cas avec les dirigeants précédents. Il faut espérer également que les pays qui veulent vraiment aider la Tunisie de la révolution feront des dons capables d'améliorer le visage de nos quartiers populaires. Car il ne suffit pas de soutenir par les mots la nouvelle démocratie tunisienne. Celle-ci a besoin surtout de capitaux et d'infrastructures modernes pour rendre la Tunisie une petite Suisse du Maghreb et du monde arabe. L'avis d'un spécialiste Abdessatar Sahbani (Sociologue et président de l'Association tunisienne de sociologie) : «Nos quartiers populaires s'enlisent dans la pauvreté» «En Tunisie, trois phénomènes cruciaux sont à relever. Le phénomène de la « Misère » qu'on peut rencontrer dans les villes de l'intérieur spécialement. Là, les conditions d'hygiène minimales sont quasi absentes. Le taux de chômage est très élevé et le taux de suicide chez les jeunes des villes de l'intérieur est remarquable. Tout le monde se rappelle le suicide de la jeune fille âgée de huit ans à EL Alâa à Kairouan : C'est ce qu'on peut vraiment appeler la misère. 1 million 200 mille Tunisiens vivent au dessous du seuil de la pauvreté. Ce chiffre est alarmant. A Tunis, on peut parler plutôt de phénomène de « pauvreté » où plus exactement un phénomène de « précarité ». Dans les quartiers populaires, par exemple, la pauvreté est essentiellement liée au décalage entre les horizons et les moyens. Le commerce légal dans ces milieux est remplacé par « l'économie sous-terraine » où tous les moyens illégaux sont permis pour avoir de l'argent. Les quartiers populaires sont également le fief du fondamentalisme religieux et des jihadistes. Sans oublier, bien sûr, les réseaux de prostitution et de pédophilie qui se multiplient dans ces quartiers. L'Etat est appelé à intervenir en mettant fin à l'anarchie urbaine et en faisant participer les gens à la gestion de l'espace.