Les négociations au sein de la commission mixte Gouvernement-UGTT-UTICA créée dans le cadre du pacte social pour examiner l'épineuse question de la de la réforme des régimes de sécurité sociale s'annoncent très laborieuses. Le gouvernement s'attache mordicus à l'augmentation de l'âge du départ à la retraite malgré les réserves que suscite cette mesure auprès de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), selon des sources bien informées au ministère des Affaires sociales. Le projet de réforme élaboré par le gouvernement préconise en effet la fixation de l'âge légal du départ à la retraite à 62 ans, avec la possibilité de porter ce seuil à 65 ans pour les salariés qui le souhaitent. «L'augmentation de l'âge du départ à la retraite est le cœur de la réforme», souligne l'un des représentants du gouvernement au sein de la commission mixte chargée d'examiner la réforme des régimes de sécurité sociale. «Le vieillissement de la population ne peut pas être contourné. Il faut l'assumer», ajoute-t-il, notant que «la Tunisie est actuellement l'un des rares pays au monde où les salariés partent à la retraite à 60 ans». Le gouvernement se dit, par ailleurs, prêt à accepter de prendre en compte la pénibilité du travail. Ainsi, des exceptions pourraient être accordées à des métiers qui «usent physiquement ou psychologiquement». Outre l'augmentation de l'âge du départ à la retraite, le projet de réforme élaboré par le gouvernement prévoit la révision à la hausse des cotisations des assurés sociaux actifs. Cette révision à la hausse s'effectuera, selon le projet, par étape afin d'en diminuer l'impact sur le pouvoir d'achat des salariés. Le gouvernement souhaite, d'autre part, l'unification du mode de calcul du salaire de référence, du taux de la pension et du rendement des années de cotisation au niveau des deux principales caisses de sécurité sociale: la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) qui couvre les fonctionnaires et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), dédiée aux salariés du secteur privé. Mutations démographiques et socio-économiques Le salaire de référence est actuellement défini comme étant la moyenne des salaires des dix dernières années de travail, avec un plafond équivalent à six fois le SMIG pour les affiliés à la CNSS. Au niveau de la CNRPS, le salaire de référence est aujourd'hui calculé sur la base de la dernière rémunération objet de retenues avant le départ à la retraite. Sur ce point, l'intérêt se porte sur l'adoption par les deux caisses adopteraient la moyenne des salaires de dix dernières années de travail. D'autre part, le taux de la pension de retraite qui diffère en fonction du nombre des années de cotisation peut actuellement atteindre 90% pour les salariés du secteur public dans le cas de 40 ans de cotisation et 80% pour les travailleurs du secteur privé (régime des salariés non agricoles ayant 35 ans de cotisation). Le taux de la pension au niveau des deux caisses pourrait être abaissé à seuil maximal 75% dans les deux secteurs. Il est à rappeler que le déficit des trois caisses sociales (CNSS, CNRPS, CNAM) a atteint un montant record de 281,6 millions de dinars en 2013 et 400 millions de dinars en 2014. Il devrait culminer à quelque 500 millions de dinars en 2015 et à 1000 millions de dinars en 2016, si aucune réforme ne sera mise en œuvre rapidement. La principale raison de ce trou de plus en plus béant de la «sécu» réside dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, travail au noir, amélioration de l'espérance de vie, taux de chômage élevé, plans sociaux... etc. Le ratio actifs/retraités (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, le ratio actifs/retraités au niveau de la CNRPS a atteint 2,87 actifs pour un seul retraité en 2012, contre 3,11 en 2008 et 5,3 en 1990. Au niveau de la Caisse CNSS, la situation est légèrement meilleure, avec un ratio actifs/retraités qui s'est établi à 4,29 en 2012, contre 4,47 en 2008 et 5,65 en 1995.