Le « mergoum » est l'un de nos tapis traditionnels, encore d'usage dans nos contrées, malgré les vicissitudes du temps et les aléas de l'histoire. Ce produit traditionnel habille encore l'intérieur de nos demeures, couvre nos sols et décore nos murs. C'est un travail artisanal qui demande beaucoup de soin, d'habileté et d'imagination, si bien qu'on peut le considérer comme une œuvre d'art, quoiqu'il demeure distinct de la peinture de chevalet.Il suffirait cependant de contempler les formes, les motifs et les couleurs de ce produit artisanal pour penser à un ouvrage pictural, tout comme les travaux de Abdelhamid Sakli qui meublent actuellement les cimaises de la Galerie Saladin à Sidi Bou Saïd. L'artiste-peintre a dû s'inspirer profondément de ce patrimoine tunisien et arabo-musulman pour le transposer sous forme d'une vision plastique personnelle, créant ainsi des ouvrages qui font jaillir l'authenticité et la richesse d'un héritage culturel indélébile et ancré à jamais dans la mémoire collective. En agissant de la sorte, il rend hommage au « mergoum » et aux mains savantes qui l'ont produit ! D'où le titre de cette exposition thématique « Mergoum » qui se poursuit jusqu'au 23 avril. Cet événement coïncide avec le mois du patrimoine qui a débuté hier. Si le « mergoum », produit des mains habiles d'une tisseuse bédouine, est un travail artisanal, celui de Sakli est une œuvre picturale. La tisseuse utilise le fil de laine, le peintre emploie le pinceau. Il s'exprime de différentes manières, en variant les formes et les couleurs aux tonalités très diverses, allant du bleu au marron, en passant par le jaune et le vert.Certaines toiles donnent l'impression que ce sont de vrais mergoums accrochés au mur, si ce n'est le cadre qui les entoure ! En effet, ces toiles étonnent par la vivacité des couleurs, la variété des motifs et le foisonnement des décors, en tenant compte des spécificités de chaque région. L'artiste y a même reproduit des paysages urbains et architecturaux, voire des scènes appartenant au folklore : on y trouve des formes et des graphismes rappelant la Médina, le souk, le dromadaire, le poisson, les bijoux, le fer forgé et d'autres compositions et éléments décoratifs qui évoquent la tapisserie de Gafsa, de Khénis, d'Ouedhref et de Ksar... L'artiste ne fait pas de reproduction par imitation de ce produit artisanal. Loin s'en faut ! Il ne fait que s'en inspirer pour l'investir dans le domaine de l'art plastique en y apportant ses propres touches. Outre la valeur artistique de cette exposition qui fait l'éloge du mergoum, l'artiste contribue à la préservation de notre patrimoine artisanal et à notre identité nationale.