L'Octobre Musical est, depuis 21 années, une affaire d'oreille mais également une affaire de cœur. En effet, chaque session réserve une ou plusieurs soirées à une association ou une action sociale. Pour cette édition, après le Centre Medico-Socio-Educatif El Walid de l'Ariana et l'Association des Amis de l'INPE, en partenariat avec l'Acropolium de Carthage et l'association FAS ARTIUM, l'Association pour la Culture et les arts Méditerranéens (ACAM) bénéficiera de la générosité des convives puisque les profits du concert du dimanche 25 octobre lui seront versés. Un argent nécessaire pour mener à bien les objectifs de l'association. En effet, l'ACAM milite pour promouvoir la culture dans les régions les plus reculées du pays. Monsieur Boubaker Ben Fraj, président de l'association, a expliqué dans sa brève allocution que leur action vise à diffuser les arts et la littérature dans des patelins éloignés. Le projet immédiat pour lequel les bénévoles sont en train d'œuvre et l'instauration et la création de bibliothèques dans les écoles primaires des villes et villages situés loin des grandes agglomérations afin de lutter contre l'exclusion, l'obscurantisme et rapprocher un domaine jugée élitiste d'une tranche de la population qui constitue l'avenir du pays. Que de mieux que la voix pour véhiculer la culture ? L'Acropolium de Carthage et les deux associations ont invité pour ce concert exceptionnel la soprano Marjorie Muray qui, en compagnie du pianiste Georges Dumé, a revisité le répertoire lyrique où la tragédie s'est mêlée à la badinerie pour une heure et demie où le temps s'est suspendu... Marjorie Muray, une chanteuse lyrique que les murs de l'ancienne cathédrale Saint-Louis, tout comme le public du dimanche soir, ne sont pas prêt d'oublier. En effet, il serait évident de parler de la puissance de la voix et de sa force ; des qualificatifs communs qui caractérisent toute interprète lyrique. Cependant, Marjorie Muray, outre ces lieux communs qu'elle partage avec ses pairs, possède cette ornementation vocale, cette particularité dans l'abord de l'œuvre et l'appropriation du texte. De sa voix de colorature, Marjorie Muray a fait revivre les airs de Cléopâtre de Haendel, de Don Giovanni signé Mozart, Lucrezia Borgia de Donnizetti et a terminé sa première partie par l'incontournable Casta Diva de Bellini, magistralement interprété avec ses variations tonales dont la justesse a été rendue grâce à une maîtrise et une ornementation vocale des plus saisissantes. Cette première partie a mis en évidence la force de la tragédienne. Sur scène, Marjorie Muray a incarné les rôles de ces amoureuses trahies, partagées entre la passion et le devoir. De sa voix absolue au timbre cristallin et à la texture pleine, la soprano a habité l'espace et l'a habillé de beauté interprétative à couper le souffle. Dans la seconde partie, les airs de Faust de Gounod et ceux de Robert le Diable signé Meyerbeer se sont inscrits dans la verve tragique de la première partie. Apportant une touche plus légère pour la fin du concert, Marjorie Muray a chanté deux morceaux tirés de la Perichole d'Offenbach. Deux morceaux qui ont clos le concert dans une badinerie exquise. La performance de Marjorie Muray était une occasion de renouer avec un répertoire classique varié et dense. Une performance rendue possible grâce à une complicité entre la soprano et le pianiste Georges Dumé dont le jeu rigoureux mettait en exergue la voix et la beauté de l'air. La soirée du dimanche 25 octobre était placée sous le signe de l'émotion à tous les niveaux. Elle était également l'occasion d'une rencontre avec une immense artiste dont la virtuosité fait penser aux grandes voix de sopranos. Avec son instrument, Marjorie Muray s'inscrit dans la lignée des grandes interprètes classiques. Sur la scène de l'Octobre Musical, elle a partagé son ingéniosité avec un public conquis, gravant dans la mémoire des lieux, un des plus beaux concerts de l'Octobre Musical...