SNJT-Ministère de l'Intérieur : Les prémices d'un climat apaisé et d'un partenariat salutaire    Une célèbre instagrameuse entre les mains de la Police, pour atteinte aux bonnes moeurs    Mnihla-Ettadhamen : 2 ans de prison pour les 17 fauteurs de troubles    Pont de Bizerte : les Chinois ont l'oeil sur tout, même le fer et le ciment livrés par les Tunisiens    11 mai : Journée mondiale des espèces menacées    Saïed ordonne des mesures pénales et administratives    Saïed hisse le drapeau tunisien au son de l'hymne national à la piscine Olympique de Rades pour laver l'affront causé au symbole de la Patrie : Le drapeau national flottera toujours plus haut    Accélération des travaux de doublement de la route entre Djerba et Zarzis    Il y a 120 ans : La naissance de Salvador Dali, maître du surréalisme    «Shitana Trail», à Nefza : Plus qu'un événement, une dynamique de promotion    ESS : 99 ans de gloires et de valeurs    CA : Limogeage du staff technique et nouvelle direction en vue    La FTF enregistre un déficit de 5 milliard    Les mesures se succèdent après l'incident du drapeau : La FTN dissoute    ARP-Bureau de l'Assemblée : Une initiative législative pour améliorer la politique d'immigration    Une violente tempête solaire frappe la Terre    Bilan des réserves d'eau : Des chiffres à retenir    Vague de chaleur record en Tunisie, jusqu'à 45 degrés attendus !    Nouvelle secousse sismique à l'ouest d'Alger    Bob Marley : 43e anniversaire de la disparition de l'icône du reggae    Les abeilles de G-a-z-a s'inscrivent dans la résistance et mettent à mal les soldats de Tsahal !    Ces producteurs de boissons payent cher leurs dérives : Une amende de 20 MD    Sonia Dahmani : je n'ai pas fui, je n'ai commis aucun crime !    Energies renouvelables : La croissance économique en hausse à partir de 2030    Pourquoi | Prolifération des mendiants    Une tempête solaire d'une rare violence bombarde la terre depuis hier : Risques sur les télécoms et autres réseaux    Mahdia : Elle blesse gravement ses petits de 3 et 5 ans, sous les yeux du "concubin", la Justice frappe    Travail du jonc, de l'alfa, du palmier... : La vannerie et la sparterie font de la résistance    Ce pays arabe se joint à la plainte de l'Afrique du Sud contre Israël    Rencontre avec Jadd Hilal, auteur de «Le caprice de vivre» : «Quand on parle, on rate de faire ressentir»    «Du ciel» de Wael Marghni, ce soir au théâtre de l'opéra de Tunis : Au-delà des limites de la gravité    Kairouan – Le Musée des arts islamiques de raqqâda : Peu connu du grand public    Mémoires de générations: Une exposition exceptionnelle de la collection permanente (Album photos)    Ligue 1 – 7e journée Play-off – USM-CA (4-0) : L'USM enfile le Bleu de chauffe    Météo : Températures en légère hausse    Israël sous le feu des critiques : Utilisation problématique des armes américaines selon Washington    Tunisie – IMAGES : Saïed à la piscine olympique de Rades pour rendre les honneurs au drapeau national    Tunisie : Voltalia remporte un projet solaire de 130 MW    ONU : vote massif en faveur de l'adhésion de la Palestine    En pleurs, Kaïs Saïed salue le drapeau à la piscine olympique de Radès    Sinda Belhassen à la Galerie Kalysté - Tisser la Terre: une exploration de la flore tunisienne à travers le tissage    Jaouhar Ben Mbarek s'évanouit en pleine audience    Sonia Dahmani est convoquée pour ses déclarations sur Carthage +    Les parents des élèves de 1ère année invités à inscrire leurs enfants en ligne (vidéo)    Le film soudanais 'Goodbye Julia ' projeté dans les salles de cinéma de Tunisie (Synopsis & B.A.)    Sotumag propose un dividende de 0,52 dinar par action pour l'exercice 2023    Rencontre stratégique entre Kamel Fekih et le Syndicat national des journalistes    Rania Toukabri nominée pour le prix Women's Space    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dieu et les paradoxes de la chari'a
Publié dans Le Temps le 15 - 06 - 2016


Par Mondher Sfar, théologien, [email protected]
C'est un des paradoxes de notre Islam: Nous suivons ce que le Coran nous interdit et nous interdisons ce qu'il nous autorise! Nous avons montré dans notre dernier article* combien nous avons déformé la religion du Prophète, une religion vivante fondée sur l'exercice du pouvoir direct par Dieu. Après la mort du Prophète, nous avons créé une nouvelle religion, en lui forgeant une chari'a que nous avons inventée de toutes pièces et en l'imputant à Dieu et à son Prophète. Une des lois que la chari'a fabriquées, c'est l'interdit du vin, au point d'en faire le symbole de l'impureté et de l'impiété !
C'est là une contre-vérité à l'égard de Dieu et du Coran. La preuve la plus manifeste en est le Coran lui-même qui fait du vin un signe (âyat) divin que Dieu en personne a offert aux hommes: « Des fruits des palmiers et des vignes vous faites des boissons énivrantes (sakaran) et une bonne source de revenus (rizq). En cela il y a certes un signe (âyat) pour un peuple qui raisonne! » (16,67)
Quel meilleur hommage pour les boissons énivrantes en général, et pour le vin en particulier! Ce bienfait, Dieu l'a élevé au rang d'un signe divin, en utilisant le même terme arabe âyat qui désigne les paroles du Coran lui-même! Le vin est hissé par Dieu au rang du Coran, au rang de Ses paroles, symbolisant Sa grâce.
Et l'Islam pratiqué de nos jours se refuse de boire les paroles divines en refusant le vin! L'Islam rejette la grâce divine, la déclare impure et déclare impur celui qui boit la grâce divine! Quelle impiété (kufr)! Quelle folie !
Comment en est-on arrivé à ce paradoxe? En créant une chari'a artificielle en rupture avec le Dieu vivant et sa parole. On a cherché dans le Coran des passages pour justifier l'interdit en détournant leur sens éviden : « Ô vous qui croyez! le vin (khamr), le jeu de hasard (maysir), les stèles (‘ansâb), les flèches divinatoires (‘azlâm), [ne sont que] souillure (rijs) [faisant partie] de l'œuvre du Démon. Alors, évitez-les, peut-être serez-vous heureux. Car, dans le vin et le jeu de maysir, le Démon veut seulement susciter entre vous l'hostilité et la haine, et veut vous détourner de l'invocation d'Allah et de la prière. Cesserez-vous [de vous y adonner] ? » (5,90-91) **
Si le vin est un signe divin, cela n'autorise cependant pas l'abus. En demandant aux Croyants d'éviter le vin, cette injonction est loin de vouloir faire du vin en soi une impureté, mais seulement cette impureté advient en cas d'abus du vin, en cas d'ivresse qui fait détourner le Croyant de l'invocation de Dieu et de pratiquer la prière. C'est l'ivresse qui est la manifestation du Diable à l'instar de sa manifestation du jeu des flèches divinatoires, qui peuvent entraîner des conflits entre les Croyants qui y recourent.
La chari'a a détourné le sens de cette attitude méfiante vis-à-vis de l'usage immodéré du vin, pour en faire un interdit. Un autre verset confirme cette raison: « Ô vous qui croyez! N'approchez pas la prière en état d'ivresse (sukâra) afin que vous puissiez savoir ce que vous dites. » (4,43) La Tradition nous précise même que cette mise au point a été formulée après qu'Ali, le cousin et gendre de Muhammad, eut fait la prière en état d'ébriété et après avoir changé les termes d'un verset (Cf. Mondher Sfar, L'autre Coran, § 148).
Appeler les Croyants à ne point pratiquer la prière en état d'ébriété, ce n'est tout de même pas une interdiction de boire du vin! Nous en sommes loin ! C'est pourquoi le vin a posé un gros problème pour la jeune communauté naissante: comment concilier sa consommation avec le respect du culte de Dieu pendant la prière. C'est la question posée au Prophète : « On t'interroge [toi Muhammad] sur le vin et le jeu de hasard. Réponds : ‘Il y a en eux pour les gens un grand péché (ithm) et des bienfaits. Mais leur péché est plus grand que leurs bienfaits'. » (2,219) Nous voyons pourquoi le vin et le jeu du hasard constituent un grand péché: par le risque qu'ils représentent pour l'ordre public, et pour le vin, pour la prière au cas évidemment où l'on en abuse. Et les bienfaits du vin ne sont nullement révoqués: ils sont même rappelés !
Le poète Hassân ibn Thâbit, un des compagnons les plus intimes du Prophète, expliqua dans un de ses poèmes la doctrine du Messager de Dieu: « Quant au vin, n'en sois pas un forcené. N'en goûtes que ce qui est habituel [d'en goûter] /Ainsi tu auras la tête saine et sans maux. (...) Bois le vin ce qu'il t'en est donné de boire / et sache que toute bonne chose est vaine ! »
‘Bois le vin ce qu'il t'en est donné de boire !' et n'en abuse point, pourrions-nous ajouter. Où est l'exécration que la chari'a a fini par entourer un des signes et une des grâces des plus emblématiques offertes par Dieu aux Croyants les plus pieux: leur faire goûter aux délices d'une boisson énivrante, ici-bas en attendant pour les plus pieux de la goûter au Paradis, où elle leur est servie non pas par tonneaux, mais par des rivières entières !
Quelle impiété (kufr) notre chari'a commet-elle en nous faisant douter de la pureté religieuse du vin, alors même que ce vin est servi sans retenue dans le lieu le plus pur qui puisse exister: au Paradis, le lieu de séjour du Dieu, qui incite ses élus à faire compétition dans l'ivresse! Les élus « se mettent en compétition pour [boire] des coupes [au Paradis] où il n'existe ni bavardage ni agression (ta'thîm). » (52,23). L'abus du vin au Paradis ne peut avoir les effets négatifs qu'il peut avoir ici-bas! Car c'est un vin excellent, servi par « ruisseaux (nahr), volupté pour les buveurs » (47,15) et où le Seigneur des Croyants « les abreuve d'une boisson très pure » (76,21), d'un « vin rare et cacheté - son cachet est de musc - : que les amateurs se le disputent! Un vin mêlé d'eau du Tasnîm, - source à laquelle boivent les Proches [d'Allah]. » (83,25-28) Et « on leur fera circuler des coupes d'un [vin] limpide, clair, volupté pour les buveurs, ne provoquant pas de maux de tête, inépuisable » (37,45-47).
Si le vin était une impureté comme la chari'a le prétend et comme elle nous l'enseigne, comment explique-t-elle que Dieu se permette de l'introduire dans le lieu le plus saint qui soit, et incite les plus pieux des Croyants à le consommer sans modération ?
Il y a plus. Quand Dieu énumère les interdits alimentaires, il n'a jamais cité le vin dans ces énumérations, comme dans La Vache, versets 172-173, qui est une des dernières sourates révélées. Plus important encore, dans le verset 3 de la Sourate La Table où Dieu annonce solennellement la clôture de la législation (inni atmamtu ‘alaykum ni'matî wa radhaytu lakum al-islâma dînan), aucune mention du vin n'y est faite dans la liste des interdits alimentaires! Et comme pour mieux insister sur la légitimité du vin, Dieu dit dans le verset 5 de la même Sourate: « Aujourd'hui, les bonnes choses vous ont été rendues licites. Et les aliments des Gens du Livre vous ont été déclarés licites, et vos aliments sont déclarés licites pour eux. » (5,5) Quelle preuve plus éclatante pour la légitimité du vin que de déclarer que ce que les Juifs et les Chrétiens consomment est licite pour les Croyants! Or la boisson la plus solennelle et la plus révélée consommée par les Gens du Livre, c'est le vin !
On voit jusqu'où la chari'a, attribuée faussement à Dieu, nous trompe sur la volonté de Dieu, et contre toute évidence! Et Dieu n'a pas hésité à manifester sa colère contre ces forgeurs de faux interdits alimentaires: « Et ne dites pas à propos de ce que vos bouches profèrent mensongèrement: ‘Ceci est licite et ceci est interdit', dans le but de forger un mensonge contre Dieu. Ceux qui forgent du mensonge sur Dieu, ne réussiront pas. Un moment de répit leur est laissé, et ils auront un tourment cruel. » (16,115-117)
Les Compagnons du Prophète n'avaient pas écouté ces menteurs, et la Tradition elle-même, malgré ses manipulations des sources, nous laisse voir clairement qu'ils aimaient bien jouir des bienfaits divins et du vin en particulier. Le futur Calife Ali, on l'a vu, en était amateur. Hassân, le poète et ami intime du Prophète l'a chanté. Et si Dieu a consacré des rivières de vin aux Elus, en promettant de le leur servir lui-même, c'est dire combien le vin était apprécié avant que la chari'a ne se manifeste pour nous en dégoûter, sans crainte de commettre là une impiété condamnée sévèrement par Dieu. La chari'a a réussi à avilir à nos yeux le vin et, ce faisant, elle a avili aussi les Musulmans en les poussant à le consommer dans la clandestinité, avec les abus que cela engendre.
La chari'a a même réussi cet exploit incroyable de nous faire dégoûter même le vin promis au Paradis: aucun Musulman pieux ne rêve plus de boire du vin au Paradis! Seule la femme a échappé miraculeusement aux foudres de la chari'a: elle reste à consommer sans modération, ici-bas comme dans l'au-delà.
Les rivières de vin ont cédé la place aux rivières de femmes !
------------------------------------------
(*) En s'éclipsant, le Dieu vivant nous a rendus libres, Le Temps du 8 juin 2016, p. 4.
(**) Je renvoie le lecteur à mon livre : Le Coran, la Bible et l'Orient ancien, 1998, p. 294-98.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.