Le scoop captive le récepteur et motive l'émetteur. C'est la loi des médias. Toutefois, l'actualité passe, aussitôt trépasse et, sur le champ, laisse peu de place à l'interprétation exigée par la capture du caché. Depuis Bourguiba, la veille de l'Aïd et le jour suivant, lors de la prière coutumière, l'apparition solennelle du président drapé de l'habit traditionnel devint rituelle. Pour cette raison, inculquée au plus profond des attentes habituelles, pareille éclipse de BCE durant ces deux moments symboliques parut, à tous comme étant énigmatique. Elle nourrit, alors, les palabres de l'agora et les commentaires médiatiques. Les présupposés hypothétiques fleurissent et les allusions pointées vers la santé redoublent de férocité. Mais par delà ces déclarations, la frustration de l'attente collective ouvre une brèche par où apparaît l'ultime secret de l'autorité. Déjà, Ben Ali : « ma kifou had », une fois dégagé montrait à quel point le colosse avait des pieds d'argile. Ce talon d'Achille soulève une interrogation à la fois perfide et subtile. Comment les effectifs nombreux de la population obéissent-ils au clan restreint de leurs dirigeants, à l'évidence menacés de soudaine disparition ? Et cela au moment où, par sa durée prolongée, la récession économique atteste leur inefficacité, sœur jumelle de leur inutilité présumée. Gare à l'éclipse momentanée ! Quelques adages gravitent autour de son mauvais présage : « Les absents ont toujours tort » ; « qui va à la chasse perd sa place » ; « quand le chat n'est pas là les souris dansent » et les adversaires, nombreux, croient le moment venu de tirer les marrons du feu. De cette observation, Machiavel tire une conclusion. L'existence du prince a partie liée avec sa présence dans l'esprit des sujets. Démocratique ou tyrannique, il n'est rien, sans la perpétuelle réactivation de la représentation. Son évanescence, fut-elle brève, lève le voile sur le pot aux roses. Se passer de lui n'empêche guère les paysans de continuer à sarcler leurs pommes de terre. Cette prise de position inaugurée au mitan du 18ème siècle par François Quesnay, le physiocrate, classe les agriculteurs parmi les seules personnes indispensables. Improductive, la carte politique regroupe les voués au parasitisme et à la stérilité. Cette position, tout a fait insoutenable, fut battue en brèche par Adam Smith, fondateur de la science économique et fils de l'Angleterre manufacturière. Pour lui nulle classe n'est inutile. Que serait la Tunisie d'aujourd'hui, sans les gestionnaires étatiques des flux culturels, économiques, sécuritaires et politiques ? Néanmoins, désormais, BCE sera perçu à travers le prisme du jour où il aura disparu. Par leur visibilité accentuée les campés sur les hauteurs de l'Etat exhibent davantage le sort désigné par le mot de Bossuet : « Vanité des vanités et tout est vanité ». Kh. Z. *Citation de feu Salah Guermadi