Il est dit que le monde arabe souffrira toujours la damnation d'entretenir dans son sein des foyers de tension et de conflit qui rongent son existence et son identité, et même de sa survie en tant qu'ensemble pouvant, uni, jouer un rôle certain dans le destin de la planète. N'a-t-on pas vu, comble du grotesque, Egyptiens et Algériens s'étriper verbalement à propos d'un vulgaire match de football, jusqu'à se lancer de graves accusations portant atteinte à leur arabité! Au moment où le conflit interpalestinien bat son plein, mettant en péril leur raison d'être, celle d'une nation aspirant à la liberté, voilà qu'au Yémen, l'on joue à l'apprenti sorcier, un jeu lui aussi fatal. Car, ne l'oublions pas, cette terre bienheureuse, appelée jadis l'Arabie heureuse (Felix Arabia) vit depuis plus d'une quarantaine d'années au rythme de secousses d'une rare violence. Le tempo en avait été donné par l'Egypte de Nasser, intervenant dans une féroce guerre civile auprès des républicains face aux royalistes, soutenus par l'Arabie Saoudite. Le Yémen était alors divisé, à la fin du protectorat anglais, en deux entités, l'une au nord et l'autre au sud. Après moult péripéties, l'unification du pays a eu lieu, non sans entraîner de nouveaux affrontements. L'insurrection houthie qui revendique sa sécession au nom de l'identité religieuse zaïdite face à la majorité sunnite, s'inscrit en réalité dans cette spirale de violence, nourrie aujourd'hui par le puissant Iran. L'Arabie Saoudite se devait d'intervenir face à l'ombre menaçante du pays des Perses. Elle le fait avec fermeté. Mais ne craint-on pas que cela ne débouche sur un grand conflit régional?