Notre illustre invité de cette semaine n'est autre que le Professeur Chedly AYARI l'homme aux multiples profils universitaires, diplômatiques, politiques et scientifiques. Le présenter dans les détails serait une tâche difficile. Nous allons nous contenter de quelques indications pour situer l'homme, le responsable, l'enseignant et le chercheur. Cette énorme richesse et variété dans le cursus d'un homme comme le Pr. Chedly AYARI dénote, sans équivoque, d'un itinéraire riche, dense et multiple. Tout le plaisir nous a été donné de l'approcher à l'occasion de la Conférence Annuelle de Central Banking 2010 et Rencontres Economiques Internationales 2010 portant le thème: «Régulation de la Finance Globale et Réformes de l'Architecture Financière Internationale: les Nouveaux Rôle des Banques Centrales en Débat», tenue le jeudi 14 octobre 2010 ou siège de la Banque Centrale de Tunisie. A l'issue de cette conférence, Pr. Chedly AYARI a bien voulu répondre à nos questions. Dans le cas des crises systémiques, peut-on dire qu'une régulation financière nationale est plus efficace et appropriée pour un pays qu'une régulation financière internationale? La qualification de ‘systémique' ici peut signifier trois choses. La systémicité de la crise peut être locale, strictement circonscrite aux frontières de l'économie d'un pays donné, sans effet de débordement significatif (spillover effect) sur une ou plusieurs économies voisines ou lointaines. Cela s'est produit plus d'une fois dans la chronique des chocs financiers, avant le tsunami de 2007-2008. Auquel cas une régulation financière à l'échelle nationale pourrait suffire. La systémicité de la crise peut être aussi de portée régionale, en ce que le choc, initié à partir d'une économie donnée, contamine, plus ou moins rapidement et plus ou moins largement, les systèmes financiers voisins (exemple : la crise des pays du Sud-est asiatique de 1997). Auquel cas, une régulation financière, à l'échelle régionale, s'impose. Enfin, la systémicité peut être de caractère global, en ce que le choc déborde, plus ou moins rapidement et plus ou moins violemment, sur l'ensemble des systèmes économiques et financiers mondiaux, comme en 1929 et en 2007-2008. Auquel cas la régulation exigée ne peut être que globale. Toutefois, la mondialisation accélérée des marchés financiers fait que les turbulences, notamment celles engendrées par des économies fortement financiarisées et ouvertes, ont toutes les chances d'impacter l'ensemble des systèmes mondiaux, autrement dit de devenir des crises globales, exigeant donc des mesures de régulation globales. Dans quelle mesure le sommet du G20 confirmerait-il les craintes de certains de devenir un Davos bis? Tant que le sommet du G 20 considère qu'il est tenu à une obligation de moyens, non à une obligation de résultats, en matière de régulation financière, son apparentement à une espèce de Forum, de 'Davos- bis' devient inéluctable. Lors de la tenue de sa prochaine réunion à Séoul (Corée du Sud), les 12-13 Novembre 2010, le G-20 confirmera ou non son glissement vers un simple club de riches et de nouveaux riches Nord-Sud. Croisons les doigts et attendons. Quels sont les facteurs qui plaident pour une rénovation de l'architecture financière internationale? Les graves incertitudes qui pèsent sur les perspectives à court et moyen termes de l'économie mondiale, plus les fragilités persistantes du secteur banquier et du secteur financier en général, plus un chômage résilient à toutes les thérapies de relance budgétaire et monétaires sont autant de facteurs qui plaident pour la mise en place d'un ordre financier global assaini, plus stable et mieux gouverné. Que pensez-vous de la corrélation que certains établissent entre éthique et morale d'une part et les exigences de la sphère financière, d'autre part? Le débat sur l'aptitude et la vocation du capitalisme en général, et du capitalisme financier en particulier, à faire place aux exigences de l'éthique et de la morale, telles qu'enseignées par les trois religions monothéistes d'une part et la Charte des Droits de l'Homme et du Citoyen d'autre part, est un débat sans issue. Le capitalisme est, par essence, individualiste et égocentriste. La recherche du gain est sa raison d'être de toujours. La spéculation et le goût du risque illimités, son bréviaire de ce nouveau temps de la finance débridée. Seuls des Etats volontaristes, soucieux du bien public global, autrement dit solidaires, sont à mêmes de le contraindre à se donner un visage humain, qui lui a toujours manqué.