Longtemps marginalisé et mal compris, ce continent noir est en train de se métamorphoser et d'évoluer à grands pas. Entre hier et aujourd'hui, il y a une grande évolution. Entre aujourd'hui et demain, des risques et des opportunités. L'intervention de M. Olivier Ray, économiste, département Moyen-Orient/Méditerranée-Agence Française de Développement, a porté sur «Le temps de l'Afrique» lors du séminaire de l'Association des Etudes Internationales sur le thème: «L'Afrique, Régionalisation, Mondialisation et état du Partenariat». Voici ci-après un regard optimiste sur le Continent africain selon Olivier Ray et Jean-Michel Severino, auteurs de l'ouvrage «Le temps de l'Afrique». «Le temps de l'Afrique» est le fruit de l'expérience des collègues de l'Agence Française de Développement (AFD), selon les propos de M. Olivier Ray. Ce qui a animé la volonté d'élaborer cet ouvrage c'est le constat d'un décalage frappant entre les perceptions sur l'Afrique en Europe et aussi en Afrique-même et les réalités de ce continent à l'heure des déplacements d'un personnel de l'AFD. C'est aussi, a-t-il dit, le fruit d'une frustration sur le manque de connexion entre les perceptions et les réalités des mutations de l'Afrique. Selon M. Olivier Ray, il y aujourd'hui beaucoup de signaux d'éveil du Continent africain et notamment de sa composante subsaharienne, et l'une des thèses de l'ouvrage c'est que le XXIe siècle sera africain. Cela ne veut pas dire que tout ira bien pour l'Afrique mais cela veut dire qu'il y a là l'émergence d'un phénomène puissant et rapide et qu'il faut rapidement s'équiper d'une grille de lecture pour comprendre sa trajectoire. L'Afrique Subsaharienne fonce à 200 à l'heure dans l'histoire et nous avons une tendance en Europe et en large mesure au Maghreb à la regarder dans un rétroviseur tel qu'elle était dans les années 90. Beaucoup de choses se sont passées depuis. Selon M. Olivier Ray, ce qui se passe au Sud du Sahara, c'est tout d'abord une métamorphose d'un point de vue démographique. La démographie subsaharienne, c'est une évolution en termes de volume, une évolution en termes de structure et une évolution en termes de localisation. En 1960, l'Afrique Subsaharienne c'était 230 millions d'habitants. Aujourd'hui, en 2010, c'est de l'ordre de 850 millions d'habitants. En 40 ans, en 2050, on prévoit un milliard 800 millions d'habitants au Sud du Sahara (c'est un minimum de ce qui est prévisible) dans une hypothèse relativement conservatrice, c'est-à-dire avec l'évolution des taux de fertilité. En ce qui concerne cette évolution, d'abord, c'est une population jeune. Deux tiers des Subsahariens ont moins de 25 ans et près d'un Subsaharien sur deux a moins de 15 ans. Cela donne déjà des indices. Une personne qui a moins de 19 ans n'a pas connu le génocide en Ouganda ou la fin de l'apartheid, alors que notre image de l'Afrique est profondément marquée par ces étapes de l'histoire africaine. Pour eux, c'est de l'ancien, du passé. Pour près d'un Subsaharien sur deux, l'avenir est une page blanche. Le deuxième élément de la toile de fond de la dynamique africaine c'est la nouvelle donne macroéconomique. Les ajustements structurels, a évoqué M. Ray ont réussi, selon l'ouvrage. Ils ont réussi à atteindre leur objectif d'assainissement, très largement, à partir des finances publiques africaines. Les Etats africains ont récupéré les marges de manœuvre et les marges d'investissements budgétaires. Dans les épisodes de crise financière de 2009, les Etats subsahariens ont pu adopter une politique budgétaire contracyclique, ce qui était impensable dans les années 90, notamment. La nouvelle donne micro économique se combine à la nouvelle donne démographique pour changer radicalement la trajectoire de croissance de ce Continent. C'est le premier impact. On a une croissance beaucoup plus rapide et pour des raisons profondément endogènes. Il y a un moteur nouveau de croissance économique au Sud du Sahara. C'est ce que, a-t-il dit, j'appelle la fin du mystère économique africain. L'économie africaine a très longtemps été un mystère pour les économistes. On parlait, dans les années 90, de la tragédie africaine. On n'arrivait pas à en saisir les causes. Dans les années 2000, on a constaté une croissance économique forte autour du Sahara. Beaucoup d'économistes ont dit que le décollement des matières premières en est une cause. Pour les épisodes de la crise financière, on a dit que la crise financière ne causera pas de problèmes pour l'Afrique Subsaharienne parce qu'elle est en dehors des circuits financiers. Depuis 2009, les faits économiques montrent exactement le contraire puisque l'Afrique Subsaharienne est touchée par la crise et on découvre toute une série de liens. L'Afrique prendra beaucoup plus de temps que le reste du monde à sortir de cette crise à cause de fortes inerties. On n'arrive pas à comprendre, selon M. Olivier Ray, ce qui se passe au Sud du Sahara. Autre impact de la grande transformation africaine, l'aspect social. On a l'émergence de classes moyennes en Afrique et cela a toute une série d'impacts. Ces classes moyennes payent des impôts et exigent donc en retour des réformes et une sécurité pour les avoir, etc. Ça a un impact sur le branchement de l'Afrique sur les réseaux mondiaux. L'Afrique est de plus en plus connectée à Internet. L'autre dimension de la révolution sociale, c'est la mutation des solidarités dites ethniques. Elles coexistent, aujourd'hui, avec de plus en plus de solidarité de type religieux et des réseaux de plus en plus internationaux. Par ailleurs, il y a les impacts environnementaux. La croissance démographique très forte est combinée à une croissance économique forte et probablement durable dans les prochaines décennies. L'Afrique Subsaharienne n'est plus négligeable en termes notamment d'émission de carbone. Pour ce qui est des conséquences de la métamorphose africaine, selon M. Olivier Ray, c'est que l'Afrique Subsaharienne est devenue un espace d'opportunité. De nouveaux partenaires s'intéressent à l'Afrique. Toutefois, l'Afrique Subsaharienne c'est aussi un espace de risque à maîtriser.