Le Projet Mesure «Migrations en sûreté», a été le thème de la Journée d'information organisée par l'Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche et le Développement (AFTURD) en collaboration avec l'Association pour la Coopération Transrégionale, locale et européenne (TELCA) et l'Institut de la Méditerranée (IMED), le 15 décembre courant. Cette manifestation a été une occasion de préserver le Projet Mesure, ayant pour but de soutenir les efforts déployés par les autorités tunisiennes pour améliorer la gestion des flux migratoires à travers l'identification et la mise en œuvre de stratégies qui favorisent l'insertion des candidats migrants dans des parcours de migration légale, organisée et concertée. En outre, le Projet Mesure est financé par la Commission Européenne dans le cadre du programme communautaire AENEAS. Il est, de même, mis en œuvre par un comité de pilotage mixte tuniso-italien de la société civile. Ce Projet a, également, pour objectif d'organiser des journées d'information sur les procédures de migration légale, organisée et concertée et de renforcer le système d'information sur le marché de travail entre la Tunisie et l'Italie.
Contexte économique et social des migrations Selon une étude réalisée par M. Hassen Boubakri, Université de Sousse et Mme Souad Triki, Université de Jendouba, l'émigration trouve son explication dans un certain nombre de facteurs d'ordre démographique, économique, socioculturel et politique. De ce fait, la croissance démographique demeure élevée malgré l'engagement des pays du Maghreb dans la transition démographique. Cette croissance agit directement sur le marché du travail où la demande additionnelle d'emploi devient de plus en plus difficile à satisfaire. Ainsi, la population active est de plus en plus instruite et le chômage se répand parmi les diplômés. L'inadéquation est entre les produits des systèmes d'éducation, de formation et les besoins du marché de travail et du système de production en mutation. L'afflux croissant des femmes sur le marché du travail s'accompagne d'une augmentation des demandes féminines d'emploi non satisfaites. D'autre part, les rythmes de croissance des économies des pays du Maghreb comme de l'ensemble des pays sud méditerranéens sont dominés par les aléas conjoncturels et climatiques. Cette instabilité de la croissance est génératrice de problèmes d'absorption de la demande additionnelle d'emploi. Les disparités économiques entre les deux rives de la Méditerranée constituent l'un des principaux facteurs générateurs d'émigration. Le revenu national par habitant, dans les pays maghrébins, est beaucoup plus faible que celui des pays de destination des flux migratoires. A ces disparités entre les deux rives, s'ajoutent les inégalités des revenus entre les différentes catégories sociales et les disparités régionales à l'intérieur des pays du Maghreb. Plus particulièrement, l'analyse du contexte migratoire tunisien permet de démontrer que l'émigration tunisienne a atteint une certaine maturité qui fait de la migration à l'étranger un élément essentiel et solide dans l'organisation et la structuration du champ social et économique tunisien. La migration à l'étranger touche désormais toutes les régions de la Tunisie, toutes les catégories sociales et une bonne partie de la sphère économique. Si l'immigration des travailleurs reste bien présente, la mosaïque sociale tunisienne immigrée en France, en Italie… est désormais plus riche et plus variée (familles, femmes, jeunes, étudiants, opérateurs économiques…). Si le surplus de main-d'œuvre tunisienne candidate à l'émigration reste consistant, certains indicateurs montrent que la tendance est en train de se stabiliser, voire de s'inverser vers un essoufflement du mouvement des départs à l'étranger, décroissance démographique et développement économique qui pourrait générer moins de candidats au départ. Dans le même ordre des idées, l'Union Européenne privilégie le traitement sécuritaire de la question migratoire. Malgré ses besoins présents et futurs en main-d'œuvre aussi bien qualifiée que non qualifiée, l'Europe résiste à reconnaître ces besoins, et en conséquence, à concevoir une politique migratoire volontariste d'ouverture pour les marchés d'emploi de ses voisins du sud. Si les ressortissants communautaires peuvent désormais circuler librement sur des milliers de kilomètres entre Tampere, en Finlande, et Lisbonne en Portugal, les 15 km du détroit de Gibraltar entre le Maroc et l'Espagne ou les 150 km du Canal de Sicile entre la Tunisie et l'Italie sont les lignes Maginot de la Forteresse européenne face aux migrants de la Tunisie et du Maghreb dans ce cas. Ce ne sont pas les quelques accords symboliques de recrutement de main-d'œuvre, signés entre certains pays méditerranéens d'Europe et leurs voisins du Sud, qui résoudront cette contradiction ou qui, encore, relèveront les défis du nouveau projet de l'Union Pour la Méditerranée.