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Tunisie: Controverse sur le projet d'Indemnisation : Arnaque “Halal” ou contrepartie légitime?
Publié dans Tunisie Numérique le 26 - 08 - 2012

Reconnaissance morale ou contrepartie financière ? Voilà toute la question. Question certes difficile à poser et à trancher car humaine dans son essence et dans sa portée, donc ouverte à toutes les appréciations ainsi qu'à tous les dérapages. Cette question, qui entre dans le cadre d'un débat de société, en appelle d'autres. Les déclinaisons ne manquent guère.
Sur le principe :
D'aucuns estiment que l'idée d'indemnisation ne pourrait être réfutée car bien fondée sur le plan aussi bien juridique que moral. Les victimes de la dictature déchue, toutes catégories et époques confondues, sont en droit d'être dédommagées des préjudices matériels, physiques et psychologiques subis indument durant les années de braise.
De par sa densité humaine, sa charge symbolique et les perspectives de réconciliation qu'elle suggère, cette question est censée faire l'objet de consensus et non soulever la rivalité. Les prisonniers politiques ont nourri, depuis plus de 50 ans, de leur sang et de leurs larmes, le terroir et la culture de militantisme, plateforme de résistance et de contestation sur lequel la révolution tunisienne a pris racine pour jaillir et aboutir. Indemniser c'est reconnaitre les sacrifices et les souffrances de nombreux hommes et femmes, souvent anonymes, pour les réhabiliter et leur rendre justice.
D'un autre côté, des voix s'élèvent pour en donner un tout autre son de cloche. Les prisonniers politiques ont sciemment œuvré et servi leur idéal, en connaissance de cause et d'une manière à la fois volontaire et consciente, sans aucune injonction autre que celle de leur libre arbitre. En demander une contrepartie financière équivaudrait à piétiner leur idéal et à vendre leur âme contre une bourse, sombrant dans une logique mercenaire. Aucun argument moral ne peut être invoqué pour justifier de telles revendications aussi mercantiles qu'illégitimes.
Le succès de la révolution tunisienne n'a-t-il pas conforté les intéressés dans leur noble quête de naguère, elle-même cause directe de leur traversée du désert ? Le processus de démocratisation que connait le pays, objectif avoué en principe des prisonniers politiques tunisiens, n'aurait-il pas suffi à compenser leurs souffrances et panser leurs blessures ? La victoire tant recherchée et pour laquelle ils ont défié la dictature, consenti des sacrifices et accepté les conséquences, à leurs risques et périls, n'est-elle pas en elle-même la plus haute indemnisation ? A moins que leur idéal n'ait été empreint de relents partisans et non au service d'un valeureux et valorisant enjeu national. Et là c'est une autre paire de manches.
Au niveau de la présentation :
La question a été présentée de manière séparée, pratiquement en dehors de son cadre général, à savoir la Justice Transitionnelle. Ce décalage a conditionné tout le processus, défrayant la chronique, installant la controverse, ouvrant la porte à toutes les interprétations et à tous les antagonismes.
Outre le cadre, le timing laisse à désirer. A bien des égards, il est mal choisi, desservant en quelque sorte la cause. Nul doute que le contexte national ne se prête pas à ce genre de réclamation, alors pourquoi mettre le dossier “sur le tapis” en ce moment précis ? Est-il fortuit que ce soit juste après le 9ème Congrès d'Ennahdha ? N'y a-t-il pas un lien de cause à effet, une corrélation ?
Nombreux sont persuadés, voire convaincus que le timing n'est pas gratuit; il répond en particulier à un impératif partisan. Le rôle de fer de lance à ce sujet que joue Ennahdha, contrairement à d'autres formations tout aussi victimes de la dictature, conforte, dans une certaine mesure, cette thèse selon laquelle Ennahdha a externalisé un problème d'ordre interne. En effet, il semble qu'un conflit secoue et mine l'édifice nahdhaoui. Une ligne de friction sinon de rupture traverse le parti Ennahdha, un conflit latent entre les “exilés” ayant tiré profit de la révolution pour se placer au premier rang du pouvoir, et les militants de la base qui, sans quitter le pays (par choix ou contrainte), ont subi de plein fouet et dans leur chair les affres de l'implacable injustice. Le dernier Congrès a bien fait l'écho de cette controverse.
Pour les grands pontes d'Ennahdha, l'idée d'indemnisation aurait constitué la parade pour faire taire la dissonance interne. Autrement dit, au-delà des débat shouleux qu'elle suscite, la démarche consiste à régler, dans le gouvernement et sur la place publique, un problème d'ordre strictement interne. Cette approche est devenue une priorité du parti. Pour preuve, l'empressement dont les députés d'Ennahdha à l'ANC font preuve pour voter et mettre en œuvre, à brève échéance, le plan d'indemnisation. Pour certains, les dés sont jetés: Ennahdha œuvre à compenser ses militants pour assainir une situation interne bien délétère.
Sur le plan juridique :
Une large majorité d'observateurs estime que la Justice transitionnelle est le cadre approprié pour traiter et finaliser le dossier d'indemnisation dans son ensemble. D'aucuns s'interrogent: comment inscrire, avec autant de virulence et de vacarme, à l'agenda national le dossier de l'indemnisation alors que le grand chantier de la Justice Transitionnelle n'a pas encore été vraiment lancé et peine à être ouvert?! S'il est établi que la Justice transitionnelle est au point mort, dans la mesure où aucun projet de loi n'a été jusqu'ici soumis, alors comment justifier l'inscription de la question d'indemnisation à l'ordre du jour du gouvernement et de l'Assemblée Nationale Constituante?
Aux termes des dispositions pertinentes de la loi, il est indiqué que l'indemnisation touche exclusivement les bénéficiaires de l'amnistie générale.
Selon Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, 11 176 victimes de la dictature ont présenté leurs dossiers. Cette liste est-elle définitive ? Est-elle ouverte aux ajouts ou aux modifications ? Tous les membres de cette liste sont-ils éligibles à l'indemnisation ?
Sur un autre plan, et dans la perspective de la réconciliation, ne serait-il pas urgent d'identifier puis de condamner les premiers responsables, les donneurs d'ordres et les coupables de tortures et de traitements dégradants avant de plancher sur le projet d'indemnisation ?
Sur le plan technique :
D'abord, il est impératif d'établir au préalable les critères d'identification et d'éligibilité des personnes concernées par le projet d'indemnisation. Quelle est vraiment l'identité des victimes devant bénéficier de la contrepartie financière? En second lieu, une autre question se pose avec autant d'insistance : Après en avoir dressé la liste, quelles sont les dispositions à retenir pour définir le montant à allouer, serait-ce la nature des préjudices, les années d'emprisonnement, les conséquences d'ordre social et familial ?! Ces aspects semblent difficiles à quantifier. En tout état de cause, il faut opérer au cas par cas. A moins qu'il s'agisse d'octroyer une somme forfaitaire sans tenir compte des spécificités et des dommages de chaque cas.
On ne peut s'empêcher de s'interroger sur le statut des auteurs d'acte de violence ou de terrorisme et condamnés à ce titre. Ce groupe de personnes dont la justice a établi leur culpabilité ferait-il partie des bénéficiaires de la manne financière ? Auquel cas, sur quelle base consentirait-on à indemniser des criminels ? Ne risquerait-on pas, le cas échéant, de se tirer une balle dans le pied et de plomber toute l'opération.
En outre, comment et par qui commencer la campagne d'indemnisation ? La procédure sera-t-elle transversale ou sélective ? Autrement dit, toucher en premier lieu les catégories vulnérables, les moins nanties, survivant dans un contexte socio-économique très précaire ou allouer l'indemnisation d'une manière simultanée, horizontale et synchronique ? Aussi, l'indemnisation serait-elle par étapes, une rente étalée sur plusieurs années ? La question mérite d'être clairement posée.
En fin de compte, le débat est à peine effleuré. Un long processus de discussions, d'enquêtes, de propositions et de contre-propositions est nécessaire pour dresser le tableau d'ensemble, dans la transparence et le consensus.
Sur le plan financier :
Entre le coût avancé par Houssine Dimassi,ex ministre des Finances, à savoir un milliard de Dinars, et le chiffre annoncé par Samir Dilou, pour qui le montant ne dépasserait pas les 250 millions de Dinars, on se perd en conjectures. On est dans le flou total ! Pourtant membres du même gouvernent avant la récente démission du premier, les deux ministres se marchent sur les pieds. Qui croire ? A priori, le ministre des Finances est plus habilité à estimer le montant global devant couvrir le projet d'indemnisation.
Toujours est-il quel qu'en soit le niveau de la somme prévue, les finances publiques sont dans un état où toute ponction de telle envergure serait trop préjudiciable. Le Budget de l'Etat serait-il en mesure d'encaisser, sans dégâts sur la politique socio-économique du gouvernement, une saignée de cette trempe ?! Là aussi un problème de timing se pose.
Sinon, quand l'indemnisation serait-elle réellement effectuée ? Immédiatement (en courant le risque de fragiliser les équilibres financiers et de compromettre les projets de développement) ou à court ou moyen terme, soit quand la situation économique du pays sera meilleur (approche plus réaliste et plus compatible avec les contraintes budgétaires)?!
Sur le plan moral :
Et là, le propos s'adresse en particulier aux dirigeants et militants d'Ennahdha.
Par honnêteté intellectuelle et morale, par courage politique, par devoir national de couper avec un sinistre passé et de faire acte de repentance, par souci de contribuer à soigner une mémoire collective encore meurtrie, les pontes d'Ennahdha sont tenus de faire face à leur “passé criminel et terroriste”, d'en assumer la responsabilité, de s'en excuser auprès des Tunisiens et de s'absoudre. Il faudrait rouvrir ces pages sombres, s'en exorciser, implorer le pardon des victimes et de leurs familles, les indemniser des dommages commis avant de clore définitivement ce douloureux chapitre.
Dans la même occurrence, est-ce moral de vouloir indemniser les victimes de l'ancien régime alors que le dossier de la réhabilitation et du dédommagement des martyrs et blessés de la révolution tunisienne n'est pas encore définitivement bouclé, au grand dam des victimes et de leurs familles ainsi que de l'opinion publique nationale.
Sur le plan politique :
Quelle est l'enceinte appropriée pour débattre de ce dossier ?
Au niveau du gouvernement ? Le débat serait au départ biaisé, voire compromis, dans la mesure où la dimension partisane prendra le dessus sur tous les aspects. Tout aussi bien l'examen que la décision seraient engagés derrière le prisme partisan. Une telle grille de lecture serait forcément controversée et saperait toute perspective consensuelle.
Au niveau de l'Assemblée Nationale Constituante ? Là également le risque de conflit serait latent sinon déclaré. Le dossier d'indemnisation, qui ne pourrait être traité et réglé que dans le cadre d'un compromis et en dehors de toute velléité de trancher par vote, serait tiraillé entre la majorité et l'opposition. La question, chargée de symbole et de densité humaine, ne pourrait souffrir d'un processus conflictuel. Il n'appartient pas à la Troïka de se saisir exclusivement d'un dossier à enjeu national, et encore moins d'en décider toute seule.
La formule la moins polémique et la plus envisageable consisterait à convoquer, comme proposé par Samir Bettaieb, une consultation nationale ouverte à toutes les parties intéressées (gouvernement, partis politiques, représentants compétents de la société civile) pour engager un débat objectif et interactif sur la question, pour dynamiser les mécanismes de justice transitionnelle et réactiver la loi d'amnistie générale.
Proposition en guise de conclusion
Dans l'état actuel des choses, et au-delà des aspects mentionnés ci-dessus portant sur le principe même de dédommagement, sur le cadre et le timing du projet d'indemnisation, sur les critères d'éligibilité et de redistribution, sur l'enceinte idoine des discussions et sur l'impact économique, il serait irrecevable que les fonds destinés à l'indemnisation soient prélevés , en entier, sur le budget de l'Etat, compte tenu justement de la précarité des finances publiques et de la situation hypothétique des équilibres financiers.
Il est proposé de mettre en place un Fonds à alimenter par une partie des biens confisqués à la famille Ben Ali, une contribution de l'Etat dont la proportion reste à fixer, ouvert à la participation volontaire de toute personne physique ou morale, tunisienne ou étrangère. Faut-il au préalable dresser définitivement la liste des bénéficiaires et estimer exactement le coût.


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