L'expert en matière de sûreté nationale qu'est l'ancien ministre de l'intérieur, Taher Belkhodja, a bien voulu délivrer, dans un entretien téléphonique avec TunisieNumérique, ses impressions à chaud sur ce qui a été révélé lors de la conférence de presse tenue par Lotfi Ben Jeddou, en rapport avec l'enquête sur le meurtre de Mohamed Brahmi. La conférence de presse en question a ramené selon notre interlocuteur, la preuve de la réussite des enquêteurs du ministère de l'intérieur dans l'élucidation du crime, sur le plan « technique », mais elle fait, en même temps la lumière sur les insuffisances qui entachent l'enquête dans son volet « politique ». Car, si techniquement, les enquêteurs ont fait preuve de perspicacité, de promptitude et d'intelligence, comme à leur habitude, a tenu à préciser Taher belkodja, qui les félicite pour cela, l'enquête n'a rien donné sur le volet politique, à savoir le pourquoi du comment, et le qui a fait quoi, sur les ordres de qui. En effet, continue notre interlocuteur, il est bien beau de mettre le meurtre sur le compte de jihadistes qui seraient en relation avec Al Qaïda, mais ce qu'il fallait trouver et démontrer, c'était les interrelations qu'entretenaient ces « exécutants » et avec quelles parties internes dans le pays, qui avaient intérêt à commanditer ces crimes. Il est évident, poursuit-il, que les personnages ciblés par les deux meurtres, à savoir Chokri Bélaïd et Mohamed Brahmi, ne posaient pas de problèmes particuliers aux dirigeants d'Al Qaïda. Ils en posaient, par contre, certainement pour des parties en Tunisie, qui avaient intérêt à les faire taire. Car que seraient venus faires des tueurs à gage d'Al Qaïda en Tunisie, abattre deux personnages qui, somme toute, restaient assez peu connus en dehors des sphères politiques et sociales de la Tunisie ? L'enquête demeure, donc, pour Taher Belkodja, très décevante, et en deçà des attentes de la rue tunisienne, et laisse beaucoup trop de questions sans réponses. A savoir qui a commandité ces crimes, pourquoi ces suspects n'avaient pas été arrêtés à la suite du premier meurtre, et pourquoi sur la dizaine de suspects il n'y a que deux personnes arrêtées... Pour Taher Belkhodja, tant que ces suspects circulent en toute liberté et en toute impunité dans le pays, rien ne les empêche de multiplier les crimes. Car Si Taher en est convaincu, il ya certainement une liste noire des « têtes à abattre », et rien ne semble indiquer que ceux qui sont couchés sur cette liste ne seront pas prochainement couchés à côté des deux premières victimes dans le carré des martyrs du Jellaz. Et tant que les commanditaires ne sont pas démasqués et ne sont pas mis sous les verrous, rien ne les empêchera de recruter d'autres exécutants inconnus au bataillon, et faisant partie de quelques cellules dormantes.