Quel est la place des Publinets en Tunisie? Une question délicate s'il en est. Chaque fois que le sujet est évoqué, il provoque un malaise. De nombreuses mesures ont été prises pour dynamiser le secteur Publinets. La dernière en date est celle relative au doublement du débit ADSL des Publinets, tout en gardant la même tarification. Il est logique qu'au plus haut niveau, le dossier des centres publics d'internet fasse l'objet d'un suivi attentif. D'autant que certains indices ne manquent pas de refléter certaines faiblesses. "Projet Publinet"…retour sur les faits En 1998, un cahier des charges a été constitué, décrivant les conditions d'exploitation des Publinets et publié au journal Officiel de la République Tunisienne N° 100 du 15 décembre 1998. Une année plus tard, et lors du séminaire régional pour les Etats Arabes sur les Télécentres Communautaires, tenu, à Tunis les 22 et 24 Mars 1999, le cap a été mis sur le "Projet clé" baptisé: "Publinet". C'était Mme Lamia Chafaï Sghaïar, l'actuelle Secrétaire d'Etat, auprès du ministre des Technologies de la Communication chargée de l'Informatique, de l'Internet et des Logiciels libres qui a présenté, à cette époque , les grands traits du "Projet Publinet". Conformément à l'étude présentée, l'année 1999 a connu l'implantation de 100 publinets répartis sur plusieurs villes tunisiennes à l'instar de Tunis, Nabeul, Kef, Zaghouan, Sousse, Sfax, Kasserine, Kairouan, Gafsa, Medenine et Kebili etc… Les 100 Publinets installés bénéficiaient d'un don de 50% de l'Etat, le reste de l'investissement a été effectué sous forme de prêts à faible taux d'intérêt. Parmi les objectifs fixés par le "Projet Publinet", il y a 10 ans on peut citer: étendre les applications des Publinets dans les domaines suivants: commerce électronique (accès aux services publics), projet de guichet unique pour le commerce extérieur, télé-enseignement et télémédecine. Mais ou en sommes- nous aujourd'hui par rapport aux objectifs fixés il y a dix ans. Une visite dans les centres publics d'internet de la capitale peut apporter des éléments de réponse. Publinets en Tunisie: appui occulte ou déclaré Samedi 20 Novembre. 8h du matin, le calme règne dans l'avenue de la Liberté. Il n'y a pas grand monde. Les premières échoppes commencent à lever leurs stores. L'atmosphère n'est pas folichonne. On sent un parfum de morosité commerciale. On avance dans l'espoir de trouver un signe de vie. Ah dieu merci, on trouve quelqu'un Mohamed Amine, gérant d'un Publinet, il invite à la cantonade, à visiter son centre public d'internet situé à environ 200 mètres de l'entrée de l'avenue de la Liberté. Interrogé sur la situation des Publinets après la généralisation de l'ADSL dans les foyers, Mohamed Amine atteste: le secteur des Publinets est en perte de vitesse. Après la démocratisation de l'ADSL, le créneau affiche un recul considérable. Aujourd'hui, les internautes sont de simples passagers, ils viennent juste pour consulter leurs boites mail ou encore pour le tchat. S'agissant du doublement de l'ADSL au profit des publinets, Mohamed Amine affirme: " Malgré le doublement du débit, les résultats restent en deçà des attentes. La qualité des services est remise en question aujourd'hui. Il convient en effet de remarquer qu'entre le doublement du débit (de 8 à 20 mega) et la qualité des services fournis, l'écart demeure important. Saluant la franchise de Mohamed Amine on quitte les lieux pour s'aventurer ailleurs. Tout juste du coté gauche de l'avenue de la Liberté, nous trouvons un autre gérant. Son regard détaille la personne de la tête aux pieds. Soupçonneux? Assurément. "Je n'ai rien à vous dire Mademoiselle", dit-il tout de go. Quelle déception suite à ces propos. On préfère partir. Cette déception ne nous a pas empêchés de continuer notre mission. L'aventure nous a conduit, cette fois ci à la rue Habib Thameur, là l'ambiance est tout à fait différente. Les gens se font rares alors qu'au même moment l'activité à la rue Habib Thameur bat son plein. Seul le publinet de Meher situé sur le côté droit suscite l'intérêt. Assis, dos au mur, Meher, un jeune homme de vingt sept ans observe les visages autour de lui. S'agissant de la situation des Publinets, notre interlocuteur fait part de sa satisfaction au sujet du doublement de l'ADSL. " Le secteur des Publinets fait preuve d'une santé flamboyante. On enregistre le même taux de fréquentation. Pour ce qui est de la qualité des services internet, elle a enregistré un bond significatif précisément après le doublement de l'ADSL au profit des centres publics d'internet", affirme-t-il avec aplomb et fierté. "Les facebookers" sur le trône Facebook, My space, et Twitter furent les maitres mots du tchat. Les mordus de ces trois réseaux sociaux se pressent autour des Publinets pour se distraire et tchater avec des gens à l'autre bout du monde. En demandant l'avis de quelques internautes, ils ont répondu comme suit: Mourad, Etudiant en anglais des affaires, est un facebooker par excellence. Le jeune homme aux cheveux couverts de gel, atteste: " je fréquente toujours les publinets. "Les adeptes de Facebook" se rassemblent à cet endroit pour profiter de quelques moments de détente et pour se distraire", estime notre bonhomme d'un air confiant. Les propos de Mourad ressemblent trait pour trait à ceux de Imen. La jeune institutrice abonde dans la version de Mourad.: " Les gens, particulièrement les jeunes se pressent aujourd'hui autour des publinets pour tchater", explique-t-elle. Marwa, jeune designer, nous délivre une autre version. Pour la jeune demoiselle qui tient toujours à parler à voix basse, la fréquentation des Publinets n'est pas seulement pour se connecter et contacter les amis du web ou bien consulter les boites e-mails mais aussi pour dénicher les nouveautés de son domaine "le design" . Publinets en Tunisie au bout du tunnel… Le secteur des publinets est-il entrain d'agoniser? La question mérite une longue réflexion. Pour répondre à cette interrogation, Tunisie Numérique a eu recours au Président de la Chambre Syndicale des Publinets en Tunisie M. Samir Sahnoun pour lever le voile sur les problèmes propres à ce domaine. " Au cours de ces dix dernières années, l'activité du secteur Publinets a connu un fléchissement. En 2001, on recensait 400 Publinets. Aujourd'hui on dénombre seulement 220 unités répartis sur tout le territoire tunisien. La majorité des centres publics d'internet s'implantent dans le Grand Tunis", affirme M. Samir Sahnoun. S'agissant des contraintes qui freinent l'activité de ce secteur, M. Samir atteste qu'il y a deux handicaps majeurs auxquels les propriétaires des Publinets n'arrivent pas aujourd'hui à faire face: -Le premier handicap est en relation directe avec le règlement des créances auprès de Tunisie Telecom qui avoisinent 1,5 millions de dinars. En fait les propriétaires des Publinets ne trouvent pas un terrain d'entente pour régler ce problème avec Tunisie Telecom. L'affaire remonte aux années 90, à l'époque la connexion au sein des Publinets a été établie à travers une ligne spécialisée de N x 64Kbps. - La deuxième contrainte est liée à la concurrence illégale exercée par les cafés et les salons de thé proposant le wifi et qui se comptent par dizaines dans le pays. Défiant les lois, ces espaces contribuent à la dégradation des activités du créneau Publinet. Suite à notre demande, quelques points ont été fermés par le Ministère de tutelle mais le problème n'est pas totalement résolu, affirme,t-il. L'issue de secours… S'agissant des solutions à même de permettre au secteur Publinet de voir le bout du tunnel, M. Samir Sahnoun évoque ce qu'on appelle le "relooking des Publinets". Le Président de la Chambre Syndicale affirme que les parties concernées planchent actuellement sur une étude avec le soutien du Ministère des communications en vue de sortir de l'ornière le secteur Publinets. Une solution envisagée par cette étude est de charger les propriétaires des Publinets de la gestion des sites des organismes publics et des Ministères. Une solution qui permet selon notre interlocuteur de donner une nouvelle dimension au secteur des Publinets. Les propriétaires des publinets luttent quotidiennement pour maintenir leur compétitivité sur un marché en berne. Face à une telle situation, quel est l'avenir des publinets?