• Leur nombre a chuté: ils étaient 420 en 2002, ils sont actuellement 200 en tout et pour tout - La généralisation de l'Internet à haut débit en Tunisie, qui a fait le bonheur de plusieurs centaines de milliers de ménages et d'entreprises, a aussi ses victimes collatérales: les centres publics d'Internet. Laminés par la concurrence des espaces de loisirs proposant des connexions sans fil gratuites et la baisse continue des tarifs des forfaits ADSL, ces centres, plus connus dans nos murs sous l'appellation de publinets, mettent la clef sous le paillasson les uns après les autres… Las de voir la rentabilité de son publinet situé à Ben Arous baisser inexorablement d'une année à l'autre, Ramzi Ben Seghaïer a décidé de fermer boutique en août dernier. Ce diplômé en sociologie, qui avait lancé son projet grâce à un prêt contracté auprès de la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), a recommencé à faire la queue devant les guichets des bureaux de placement dans l'espoir de décrocher un emploi stable dans l'administration… En 1999, il fut, pourtant, parmi les premiers jeunes cadres ayant adhéré au programme de création de centres publics d'Internet lancé par les pouvoirs publics pour généraliser l'accès à la Toile et aider les diplômés des filières universitaires à faible employabilité à s'installer pour leur propre compte. «Durant mes premières années d'activité, les affaires ont marché comme sur des roulettes. C'était le temps béni quand les jeunes se bousculaient au portillon des publinets pour tchatcher, télécharger des films ou encore rechercher des informations pour étoffer leurs exposés scolaires», indique M. Ben Seghaïer sur un ton amer. Et d'ajouter: « Ce n'est qu'à partir de 2007 que j'ai commencé à sentir réellement la baisse du nombre de mes clients. La situation a beaucoup empiré depuis le début de cette année à telle enseigne que je n'arrivais plus à payer le loyer et les factures de Tunisie-Télécom. Et alors que certains de mes confrères ont préféré continuer à ramer pour survivre, en attendant des mesures salvatrices, j'ai tout bonnement décidé de fermer boutique». Concurrence «déloyale» A en croire les donnés de la Chambre syndicale des centres publics d'Internet, l'histoire de ce pionnier des espaces proposant des connexions Internet payantes à Ben Arous est loin d'être un cas isolé. Le nombre de publinets a baissé. Il est était de quelque 420 en 2002 et se retrouve à 200 actuellement à l'échelle nationale, selon les statistiques de cette structure relevant de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). S'ils font contre mauvaise fortune bon cœur face à l'explosion du nombre d'abonnements à Internet dans les foyers, les établissements éducatifs et les entreprises, dans le sillage du tassement des tarifs des forfaits ADSL, les professionnels du secteur dénoncent vigoureusement la «concurrence déloyale» pratiquée par des «intrus» offrant l'Internet sans fil dans de nombreuses catégories d'espaces de loisirs. «La navigation sur Internet devient un argument marketing supplémentaire dans les espaces de loisirs. Après les salons de thé et les cafés, plusieurs hôtels et restaurants commencent à s'y mettre sans avoir les autorisations nécessaires», peste M. Samir Sahnoun, la Chambre syndicale des centres publics d'Internet. A ces divers espaces de loisirs pour surfeurs en vadrouille, où tout un chacun peut accéder gratuitement à la Toile tout en sirotant un café, s'ajoutent des «publinets clandestins» qui masquent leur activité réelle sous la forme d'un centre de formation informatique ou d'un club vidéo. «Les différentes formes de concurrence déloyale que nous subissons pourraient contraindre ce qui reste des publinets à mettre la clef sous la porte», s'alarme M. Sahnoun, indiquant que les «coupures intempestives et inexpliquées de connexion dont souffrent les centres publics d'Internet ne font qu'accélérer la désaffection des internautes à leur égard». Elargir la palette des services Malgré la réduction de 50% des frais de connexion au réseau ADSL de Tunisie-Télécom et le doublement gratuit du débit dont ils ont bénéficié en septembre dernier, la majorité des publinets continuent à manger de la vache enragée. «Les dernières mesures ont, certes, permis d'alléger nos charges, mais plus de la moitié des centres n'arrivent pas à dégager des bénéfices», précise M. Sahnoun. Pour survivre, certains promoteurs de publinets proposent depuis quelque temps des services autres que les connexions au Web. Il s'agit notamment de la vente du matériel informatique et des services bureautiques comme les photocopies, le fax et le scanner. «Ce ne sont là que des soins palliatifs qui ont tout juste permis à nombre de nos confrères de garder la tête hors de l'eau», nuance, toutefois, le président de la chambre syndicale des centres publics d'Internet. Selon lui, la solution réside dans l'autorisation des publinets à fournir exclusivement des services administratifs à distance comme le paiement des factures ou l'envoi des demandes de remboursement des frais à la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM). « Nos revendications dans ce sens cadrent d'ailleurs parfaitement avec les efforts déployés des pouvoirs publics pour accélérer la mise en place de l'administration électronique», indique M. Sahnoun. A fortiori, les doléances des promoteurs sont prises en considération. Le ministère des Technologies de la communication vient, en effet, de mettre sur pied une commission spéciale chargée d'établir la liste de services supplémentaires pouvant être commercialisés dans les publinets. Avis de beau temps dans un secteur jusque-là pris dans la toile de la banalisation de l'accès au réseau des réseaux…