Pire encore qu'en Octobre 2011, le processus électoral, tel qu'il évolue aujourd'hui, s'apparente beaucoup plus à une bataille rangée à couteaux tirés, avec ses coups bas et tordus, qu'à un bras de fer loyal au services d'un projet politique. Toutes les formations politiques, notamment les plus grandes en termes d'intentions de vote, se donnent en spectacle, dégoûtant encore plus une opinion publique nationale et un électorat déjà largement écœurés. Entre la prolifération des listes, l'absence de visibilité, le déficit de communication et la désaffection à l'inscription aux listes électorales, les partis sont soit minés de l'intérieur soit lynchés de l'extérieur soit les deux à la fois. Le paysage est sombre et les perspectives de plus en plus bouchées. D'abord la loi électorale : En reconduisant les mêmes procédures de vote, les hommes politiques et les leaders des partis ont montré leur incapacité à apprendre de leurs erreurs et à tirer les conclusions du processus électoral d'Octobre 2011. Tout compte fait, le scrutin sera cristallisé sur les têtes de liste, tout au plus les deuxièmes, voire les troisième dans certaines circonscriptions. Les autres candidats, notamment les femmes, feront forcément figure de comparses, de faire-valoir, d'idiots du village. Peut-on demander à un figurant, conscient de l'être, de s'investir dans une campagne, de braver l'adversité ou de partir résolument à la chasse des électeurs, sur le terrain ou sur la scène électorale ou médiatique ? Cette loi électorale est taillée sur mesure, une aubaine dans l'escarcelle d'un noyau dur de partis, un bulldozer contre les gourbis politiques. Ensuite la guerre fratricide des têtes de liste : C'est le premier résultat, direct et non moins malsain, de la loi électorale. Aucun parti, en particulier les grosses légumes, n'a été à l'abri de la fronde interne et de l'affrontement, qui plus est en public, entre ses grandes figures et ses vaillants militants. Les frictions et les cabales sont légions. L'électorat, acquis ou non à la cause de ce candidat, est en proie à une confusion terrible, ajoutant une couche de découragement à une situation plutôt accablante et accablée. Dans son camp, plutôt au sein de son poulailler, chaque gourou joue des coudes, des offensives de charmes et des oukases, selon le cas de figure, pour imposer un choix ou une ligne. Leur autorité et leur audience, sans compter leur fierté, en ont pris de rudes coups. Enfin, l'absence de programmes : La traversée de désert continue. Aucun programme à se mettre sous la dent et surtout sous la loupe. Ce qui aurait du être le premier souci d'un parti en course dans des élections est malheureusement, en Tunisie, relégué au rang d'un détail. N'est-il pas étrange, voire même paradoxal, que jusqu'ici, à quelques semaines des élections, aucune formation politique n'ait daigné rendre public son programme économique et social?! A se demander si les partis en ont ou s'ils en en font une priorité. Pourtant, une telle publication, en ce moment précis, où la constitution des listes et la campagne électorale battent leur plein, aurait donné plus de crédit à la classe politique et aurait pu susciter la curiosité et la mobilisation des électeurs. En conclusion, l'électeur potentiel ne semble pas au centre de l'effervescence électorale actuelle. Aujourd'hui, les partis ne cherchent pas vraiment la visibilité, n'investissent pas dans l'électorat, mais se démènent pour jouer aux pompiers et ainsi éteindre les foyers de feu interne. Ils en sortiront vraisemblablement affaiblis, plombés, trop vulnérables pour mener une campagne électorale tambour battant et conquérir des électeurs jusqu'ici ignorés, blasés, démotivés.