L'ANC a prouvé encore une fois son incapacité à s'élever au niveau de l'intérêt national, à être le représentant, digne et actif, de la population tunisienne et à constituer un rempart, en première ligne, contre les menaces avérées et les urgences délétères pesant lourdement sur le pays. La lutte contre le terrorisme, classée première priorité nationale et principal menace contre le processus de démocratisation, la période transitoire et même la pérennité de la république et de son modèle de société, n'est traitée à l'hémicycle du Bardo que comme un enjeu de second plan. Depuis des lustres, à l'ANC, la loi contre le terrorisme échoppe sur la pierre de la surenchère, du désintérêt et de la tactique partisane. Pire encore, en cette effervescente période de campagne électorale, ladite loi en subit de plein fouet les effets adverses. L'objectif électoral, personnel ou partisan, a supplanté le devenir de la Tunisie et évincé les aspirations majeures de la Tunisie profonde. La sécurité des tunisiens semble avoir les ailes plombées, reléguée au second plan de l'agenda des chers et non moins coûteux députés. Ceux-ci n'ont guère cessé de s'amuser et d'amuser la galerie, de tourner autour du pot, de dégager en touche, de se crêper les chignons en guise de débat riche et fructueux. Les manœuvres politiques et idéologiques ont vicié le mandat de l'ANC. L'agenda partisan a pris nettement le pas et le dessus sur son ordre du jour et son programme de travail. Les élus que le peuple a désignés pour représenter toutes ses couches sociales et faire valoir ses droits, ont, pour la plupart, démissionné de leur rôle et de leur fonction. Présents, ils bloquent. Absents, ils retardent. Ils n'ont nullement conscience qu'ils délitent la République, hypothèquent le pays et désespèrent le bon peuple. Quorum ou pas quorum, l'ANC n'est plus une institution mais une foire d'empoigne, une arène au butin, un marché aux puces, bref rien qu'un cirque où les élus continuent à se donner en spectacle, rivalisant de sauts périlleux, d'acrobaties et de grands écarts. Sous ses arcanes, à rebours de tout bon sens et toute notion de responsabilité, les démissionnaires sont plus décisifs que les plus assidus. Sous son toit, les absents ont rarement tort. Le projet de loi portant sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent en est la preuve la plus édifiante. Sous les tirs croisés de divers facteurs, ledit projet piétine encore et bute sur nombre d'écueils, y compris les plus burlesques. Les séances consacrées à en examiner le texte ont été l'otage de l'absence de quorum et des impératifs de la campagne électorale. Est-il recevable qu'alors que la question est à l'ordre du jour de l'ANC depuis de longs mois, aucun article n'ait été adopté jusqu'il y a quelques jours?! N'y aurait-il pas là une velléité à refréner l'élan national contre le terrorisme et à en fissurer le front ? Il est tout autant ahurissant que ténébreux de constater que ceux-là même dont le projet méprise les Droits de l'Homme, en brandissent aujourd'hui le sabre rien que pour dérouter, voire saboter le processus d'examen et d'adoption de la loi en question. Certains élus se plaisent à rejeter les articles comme de vieilles chaussettes, de proposer des énoncés pour le moins subversifs, de faire valoir l'option de repentance comme alternative radicale, comme si une déclaration de rédemption absout des crimes commis, comme si une profession de foi de faire amende honorable est en soi une garantie de non récidive. A ceux qui ont la mémoire courte et la vue étriquée, et qui braillent sur les vertus propres au repentir, il sied de leur rappeler que nombreux parmi les condamnés pour actes terroristes, sous le régime déchu, ayant bénéficié du Décret-loi n°1 de l'année 2011, relatif à l'amnistie générale, n'ont pas retrouvé le droit chemin ou l'espace social mais ils ont bel et bien regagné le maquis terroriste. De toute évidence, et c'est bien triste, il y a des criminels indignes de charité et incapables d'en saisir le sens et la portée. En conclusion, les complices des terroristes ne sont pas seulement les fournisseurs d'aliments, de ressources financières, de cachettes ou de gites de repos, ce sont également, et dans une certaine mesure, ceux qui offrent des alibis, banalisent le fléau, retardent sinon bloquent l'adoption de ladite loi. La plume muette et la voix sourde en sont tout aussi complices. Sinon comment comprendre et qualifier les postures dilatoires de certains élus alors que le terrorisme bat son plein et met le pays à feu et à sang. Il serait de bon ton de recommander de pas exagérer, de ne pas traiter la gangrène terroriste d'une manière outrancière et de rester objectif, rationnel et impartial, mais, d'un autre côté, le fait de banaliser le terrorisme, dans toutes ses manifestations et expressions, est criminel, à plus d'un titre, et laisse penser qu'il y a un agenda derrière ce positionnement amorphe et myope.