La couleur est bel et bien annoncée. Le processus électoral ne semble aucunement baigner dans la moralité et la droiture. Bien au contraire, les coups bas, les poignards au dos, les tricheries et les traitrises prolifèrent et en ponctuent les différentes phases. Les candidats, aux présidentielles comme aux législatives, ne donnent nullement l'impression de faire un fer de lance des vertus de probité et de loyauté, croyant dur comme fer que, comme à la guerre, les valeurs humaines ne sont que de grossiers détails. Le succès n'est pas affaire de bonnes intentions ou de qualités morales mais de coups tordus, d'artifices et de forfaitures. Malheureusement, la Tunisie ne compte pas de vrais hommes d'Etat, mais juste des hommes politiques plus ou moins ringards et grotesques. Les hommes de projet ou les brillants stratèges ne courent pas les rues. A quelques rares exceptions près, l'espace public est encombré par les fines gâchettes, les fins limiers, les seconds couteaux et les demi-sels. Commençons par ceux qui veillent aux destinées des principales institutions républicaines. Droits dans leurs bottes, fidèles à leur logique de butin, ils ne donnent guère l'exemple. Ils sont le parfait et non moins fantasque contre-exemple. Quelle honnêteté intellectuelle peut-on évoquer quand le Chef d'Etat en exercice, et candidat aux présidentielles, s'accroche, bec et ongles, aux murailles de Carthage et refuse d'en lâcher une pierre avant que le scrutin en élise un nouveau. Est-ce recevable que Moncef Marzouki s'évertue à mettre à profit les atouts qu'offre le palais présidentiel dans une course que tous les tunisiens souhaitent équitable, transparente et propre. Quelle honnêteté intellectuelle peut-on invoquer quand le président en exercice de l'ANC, et tout aussi candidat aux présidentielles, en fait de même et transforme l'hémicycle en son quartier de campagne. Au vu de son parcours à la tête de cette institution, il n'est pas insensé de dire que les valeurs de don de soi et d'éthique n'ont jamais étouffé Mustapha Ben Jâafar. Bien au contraire, il n'a jamais offert l'image d'un grand homme d'Etat, voire d'un grand homme tout court. Pourtant, il a promis de démissionner de son poste, le cas échéant. Mais bon, Mustapha Ben Jâafar n'est pas à son premier volte-face. Il a élevé le retournement de veste au rang de stratégie. Voilà deux piliers de la république, mis en otage, utilisés comme rampe de lancement et comme levier électoral. Les deux titulaires n'éprouvent aucun scrupule à s'habiller des deux tuniques (fonction et candidature) et de mener leur campagne sinon avec les deniers publics du moins en exploitant l'enceinte républicaine. En effet, le temps qu'ils consacrent à leur campagne (réunions, conférences de presse, séances de coordination interne, visites sur le terrain, rencontres avec l'électorat,....) est un temps pris sur leur mandat. Pendant tout ce temps, il ne sera pas au service de l'Etat mais au service de sa campagne électorale. Qu'on le veuille ou non, et n'en déplaise aux redresseurs de tort de tout acabit, le contribuable tunisienne finance, d'une façon ou d'une autre, leur campagne électorale. En quelque sorte, Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jâafar, dévorés par le pouvoir et incapables de digérer l'idée d'alternance, démissionnent de leur fonction sans démissionner de leur poste. Un exercice de grand écart et d'acrobatie qu'ils exécutent sans vergogne ni adresse. Que leur importe que la corde soit raide ou que la galerie soit en tollé pour peu que leur haut voltige soit gagnant. Entrer dans l'arène électorale sans courte échelle et faire face aux autres candidats à armes égales sont le cadet de leur souci. L'égalité des chances ? Quelle plaie !! Tricher pour vaincre, voilà leur mot d'ordre ! La magistrature suprême vaut bien une mascarade. D'ailleurs, en termes de farces et de dérapages, Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jâafar sont passés maitres. S'ils avaient fait un tantinet leur examen de conscience, ils auraient compris qu'ils ne sont que le produit d'un concours de circonstances, qu'ils n'ont été bombardés à leur poste que suite à une négociation obscure dans les coulisses partisanes où un compromis bassement politique a été scellé, à grands coups de revirement, de compromission et de suspect arrangement. Venons-en au nombre effarent et non moins grotesque de candidats : 70 aux présidentielles pour un unique siège et 15652 aux législatives répartis sur 1316 listes, soit une moyenne d'environ 72 candidats et 6 liste par siège. Un fauteuil très prisé, extrêmement coûteux. Une profusion, une diarrhée suggérant un mal profond. On se bouscule aux portillons de la république, chacun en quête de son quart d'heure de gloire et de sa tronche à la télé. Les élus de l'ANC ont tellement donné une idée noire de la députation que le commun des tunisiens s'interrogent sur l'opportunité de reconduire la même pièce tragi-comique, dans un théâtre rongé par les rats. Et que proposent-ils les candidats aux législatives ? Jusqu'ici rien à se mettre sous la dent. Circulez, il n'y a rien à voir ! Débat d'idées et de programmes ? Que nenni ! Juste une interminable bataille de crêpage de chignon, une course effrénée aux braillements et une grande guerre d'invectives. Pour la plupart, ils se donneront en spectacle, amuseront la galerie et finiront dans un ravin. Le décor est déjà bien planté. Pour qui voter ? Allez savoir ! Par ailleurs, la foire aux désignations des têtes de listes aux élections législatives, la course éhontée aux parrainages douteux ou cupides, la farce scandaleuses de certaines candidatures aux présidentielles, autant farfelues qu'insondables (Aux dernières nouvelles, 41 en rade), le jeu d'influence et d'instrumentalisation dans les cénacles obscurs, la prolifération des coups tordus et des tacles par derrière entre les hommes politiques, les manœuvres délictueuses et insidieuses, au vitriol ou à forte charge de manipulation des partis politiques en concurrence, la chevauchée effrontée de quelques chevaux de Troie plus prompts à poignarder au dos qu'à s'en tenir à la discipline de groupe, les brebis galeuses, les tigres en carton et autres chats de gouttières s'improvisant, à qui veut bien les entendre, sauveurs de la Tunisie, la corruption de l'argent sale et l'achat des voix et des signatures à l'hémicycle ou à la rue, l'implication de certains organes médiatiques dans le pourrissement de la situation, opération sciemment orchestrée pour des raisons politiques ou mercantiles, les sorties de route de l'ISIE, les approximations, voire les mesure suintant la suspicion de la HAICA. Tout autant de signes, de travers et de tares annonçant une campagne électorale fourbe, odieuse et délétère et un scrutin risquant fortement l'opacité, la parodie et la tricherie.