A la veille et dans la perspective des présidentielles, un seul leitmotiv semble rythmer la scène politique, à savoir « barrer la route à BCE ». Les déclarations fracassantes, les attaques en règle et les initiatives d'obstruction prolifèrent. Comme par hasard, des voix, autrefois muettes sur la question, s'élèvent aujourd'hui, haut et fort, pour militer pour la cohabitation, l'équilibre des pouvoirs au sein de l'Exécutif, brandissant l'épouvantail de l'hégémonie si BCE gagne la course vers Carthage. Comme s'il n'y a pas de constitution, avec les champs de compétence et les garde-fous qu'elle prévoit entre les pouvoirs et au sein même de l'Exécutif. Ils pleurent, à chaudes larmes, le risque de dérive de l'Etat et la résurrection d'un régime potentat. On dirait que c'est une fatalité. Comme quoi, au cas où Nida Tounes transforme l'essai, lors des présidentielles, le pays sera voué à un régime de dictature. A travers les élections législatives, le peuple a fait son choix et donné mandat à Nida Tounes. Le message est on ne peut plus clair. Vouloir en occulter la signification est un déni. D'un point de vue aussi bien politique que moral, les candidats à la magistrature suprême, dont le parti a été nettement rejeté par les électeurs tunisiens et a essuyé un cinglant revers aux législatives, devraient, en toute logique, fermer boutique et se retirer de la compétition. Ils auraient tout à gagner en quittant l'arène électorale dans la dignité et la décence au lieu d'être lourdement évincés par les urnes et d'ajouter une nouvelle couche d'insuccès à leur traumatisant fiasco. Pour un homme politique qui se respecte et respecte son peuple, la responsabilité suppose aussi la démission en cas de déroute électorale. Les Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaafar, Ahmed Nejib Chebbi, Mohamed Hamdi, Abderraouf Ayadi, pour ne citer que les soi-disant ténors, et outre les candidatures fantaisistes ou lunatiques, devraient bien lire et analyser le scrutin et avoir le bon sens de rebrousser chemin, un chemin menant droit au mur s'ils ont un reste de subtilité, de sagesse et de fierté. Et non de rester dans le ring, dans l'attente de la charité d'Ennahdha de désigner celui-ci ou celui-là comme son candidat consensuel. Voilà, en réalité, le seul espoir qui les laisse encore agrippés aux starting-blocks. A ce chapitre, il n'est pas inopportun de rappeler que l'idée de « candidat consensuel » n'est guère une option stratégique au service de l'intérêt national mais une manœuvre tactique à forte densité électoraliste, juste un appât pour contraindre les candidats potentiels à passer sous silence le bilan d'Ennahdha et à éviter toute critique à son égard durant la campagne électorale. Est-ce fortuit que, depuis l'annonce de la proposition en question, la majorité de ces candidats n'ont pas proféré ne serait-ce un mot critique contre Ennahdha et ont troqué leur tunique d'adversaires potentiels pour un habit de possibles alliés, rivalisant d'offensives de charme et d'appels du pied pour pouvoir bénéficier de la bénédiction tant convoitée de Rached Ghannouchi. Un lamentable exercice de mendicité en vue de profiter de la bienfaisance toute républicaine d'Ennahdha. La dernière initiative de Mustapha Ben Jaafar, invitant la famille démocratique de s'accorder sur un seul candidat manque de conséquence, de discernement, voire même de respect. Ne s'agit-il pas là de la même idée de « candidat consensuel » présentée par Ennahdha qu'il a lui-même fustigée dans son temps?! Quelle mouche l'a piqué en ce moment pour faire de qu'il a rejeté hier son cheval de bataille d'aujourd'hui ? Tout est autorisé, même l'avilissant. Carthage vaut bien toutes les acrobaties, tous les grands écarts et tous les sauts périlleux. Et d'ailleurs pourquoi une telle initiative aujourd'hui, juste après son assourdissante raclée législative ?! En outre, en parlant de » famille démocratique », il laisse penser que les candidats qu'il n'a pas cités ne le sont pas. En poussant un peu plus la réflexion, on aurait dit que Mustapha Ben Jaafar suggère que Nida Tounes, grand vainqueur des élections, est un parti fasciste. En un mot, l'initiative de Mustapha Ben Jaafar est vouée à l'échec. Bref, un vrai pétard mouillé ! Sur un autre plan, en déclarant que le prochain parlement accuse une défaillance et que le peuple tunisien regrettera son choix, Mustapha Ben Jaafar, trop aigri pour être lucide et trop myope pour être clairvoyant, a montré tout son mépris pour les tunisiens, insultant leur intelligence et leurs voix. Il aurait du annoncer, le soir même de sa débâcle, son retrait définitif de la vie politique au lieu de chercher un hypothétique et non moins insidieux tremplin pour un mandat présidentiel. Il n'y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir et pas de pire sourd que celui qui n'entend que son mauvais génie et ses vieux démons.