L'UGTT, la centrale syndicale historique de la Tunisie, consciente de la place prépondérante qu'elle a acquies au profit des tribulations de la nouvelle classe politique montée sur le devant de la scène dans le pays, s'est retrouvée, en quelque sorte, piégée par sa nouvelle dimension. Dimension qui lui intime certaines règles de conduite que les syndicalistes purs et durs, que sont les membres de la centrale, ne connaissaient, et ne reconnaissaient, guère. Pourtant quand on veut faire de la politique, et, surtout, quand on veut y jouer les premiers rôles, il faut bien se plier à certaines règles, notamment les règles de discipline et d'ordre dans les rangs, comme les règles du respect absolu de la hiérarchie de la formation, ou , aussi, comme les règles du respect des engagement et des paroles données par les leaders. Par ailleurs, quand une centrale syndicale pactise avec le patronat et le gouvernement, même si c'est pour la bonne cause, même si c'est pour paraitre dans le rôle de sauveur de la nation, même si c'est pour présider un dialogue national... il devient, de fait, très difficile de tourner le dos à ses nouveaux amis et les combattre pour défendre les salariés et les travailleurs. Et quand une centrale syndicale veut se montrer en sauveur de la situation et en templier de la nation, il devient aussi difficile de « trahir » cette nation saignée à blanc et reprendre ses revendications matérielles qui paraitraient, alors, déplacées et contradictoires avec le rôle politique affiché. Ensuite, quand le rôle politique, choisi, contraint toute l'équipe à une impartialité sans failles et d'être à égale distance des différentes forces politiques en présence, ceci ne laisse guère de place aux membres, surtout ceux qui veulent se mettre en évidence, pour exécuter les directives de leurs propres partis politiques aux quels ils adhèrent, ou avec les principes et les leaders des quels ils ont des affinités. En effet, il est difficile, voire quasi impossible, de respecter ses engagements envers ses alliés, surtout quand on a des alliés affichés et reconnus, et d'autres aux quels on prête allégeance dans le secret (secret, toutefois, de Polichinelle), et notamment quand ces différents alliés ont des intérêts opposés sur certains registres... A moins que... Il est, toutefois, possible, au prix de quelques jongleries, de jouer au funambule sur une corde raide tiraillée de partout. Et l'exemple, dans ce domaine vient d'Ennahdha. Et le stratagème est d'une simplicité « tuante ». En effet, il suffirait pour satisfaire, en même temps, deux ou plusieurs parties que tout oppose, avoir la possibilité de tenir deux, voire plus, langages différents. Et pour ce faire, il suffit de disposer de deux ou plusieurs structures au sein de la même formation, et qu'elles soient, soit disant, indépendantes, et ayant chacune sa liberté d'action et d'opinion. On peut, alors, dans ce cas, déclarer une chose et faire son contraire, en même temps, et satisfaire ainsi tous les belligérants. Et comme Ennahdha qui disposait, du temps de la Troïka, de plusieurs organes, comme le gouvernement, le bloc parlementaire, la base du parti et, même, le conseil de la Choura, l'UGTT a fait pareil, et a donné une liberté d'action et de décision à ses différentes sections, comme les comités sectoriels et les unions régionales, de façon à disculper la centrale de tout ce qui se décide comme mouvements sociaux et prises de positions tordues, et les mettre sur le compte de ses structures périphériques « indépendantes ». Du coup, tout le monde il est beau. Tout le monde il est gentil. Et c'est le gouvernement et le patronat qui sont mis hors jeu, puisqu'ils ne savent plus avec qui traiter, ni la parole de qui tenir en compte. Et dans ce registre, l'UGTT s'est révélée être le digne élève du maitre Ennahdha, puisqu'elle s'est illustrée dans le double langage et dans les prises de positions floues et contradictoires, de quoi faire perdre le nord au gouvernement... et à tout le monde.