Depuis le scrutin d'Octobre et Décembre 2014, le parti vainqueur, à savoir Nida Tounes, ne cesse d'essuyer les revers et d'entendre craquer tous les piliers de la maison sous la chape des crispations internes et autres conflits d'égos. Sous pression, subissant les tirs croisés de sa base électorale et les feux amis de ses francs-tireurs parmi ses hommes d'appareil, celui qui se présente comme « Appel de la Tunisie » n'est plus qu'une caisse de résonance des cris de guerres, des sonnettes d'alarme et des signaux d'alerte. Un concert dissonant de différents sons de cloches, l'un plus contradicteur et détracteur que l'autre. La troupe de « Mouziket El Bey » dans toute son assourdissante splendeur, avec les danseuses de ventre, les charmeurs de serpent et les bouffons de service en extra. A priori, il n'y a qu'en Tunisie qu'un parti au pouvoir tarde à tenir son premier Congrès. Etrange et non moins insondable situation. Toujours annoncé, toujours reporté. Faute de compromis interne ou d'opportunité politique ?! Aucun haut responsable n'est élu, toutes les pontes ont été désignées, parfois dans la douleur et dans la dissonance. Désormais, pour sortir Nida Tounes de l'ornière, le Congrès n'est plus un choix mais bel et bien un besoin impérieux, une urgence de premier ordre. Alors, échec du bureau politique ou du comité exécutif ? En tout cas, le parti continue de partir en vrille et d'accuser toute sorte de cassures. Et BCE de quitter ses pantoufles présidentielles pour chausser les sabots en bois partisans et de tenter de ramener ses tocards dispersés au bercail de l'entente. Vaste et rude programme, compte tenu des vieux démons des uns et des autres. Entretemps, guerre des ailes, sur fond de course à la succession. Les grosses légumes de Nida Tounes s'entre déchirent, se poignardent au dos, se donnent en triste spectacle, rivalisant de déclarations incendiaires, de coups tordus et de boulets rouges. Ils ne parlent pas de la même voix mais chacun braille dans son coin à tue-tête, à s'en griller les cordes vocales. A chacun son agenda et son projet. Aucune discipline interne et aucun esprit de groupe. Il n'y a pas une seule ligne politique mais une multitude. De part et d'autre, l'idée de mettre en place une commission neutre et indépendante chargée de préparer le Congrès fait son chemin. Alternative de sortie de crise qui pourrait s'avérer payante et décisive. A moins que le Congrès ne soitlui-même la pierre d'achoppement et non la pierre angulaire et ait déjà déclenché cette guerre de tranchées et ce combat de positionnement. Chacun joue son va-tout pour être aux premières loges à la clôture du Congrès, quitte à saper le parti et à hypothéquer son développement et son avenir. Certaines têtes brulées n'en ont cure. « Après moi le déluge !! » en quelque sorte. Les structures internes de Nida Tounes sont épinglées tour à tour. Leur légitimité nourrit les bras de fer. Ceux-ci descendent le bureau politique, ceux-là bombardent le comité exécutif. Une pluie de bois vert cible le Secrétaire Général et le porte-parole. Le président du parti semble être dépassé par les évènements et par les épreuves de force. Les vice-présidents, amusant la galerie, en véritables fines gâchettes, mitraillent à tout-va.Le bloc parlementaire tente le putsch. Le fils de son papa, personnage obscur et non moins manipulateur, est dans toutes les combines et toutes les rivalités. Les réunions de coordination se multiplient dans différents lieux et avec différents acteurs. Rien que ce week end, et pratiquement en même temps, un concile à Gammarth et un conclave à Djerba, pour peu que la fumée blanche soit au rendez-vous. Donc, de quelle coordination parlent-ils ? Pour dégager un compromis, il est impératif que toutes les parties prenantes au conflit soient à la même table et non scindées en deux groupes, pour deux réunions, dans deux endroits. Rencontres dont la légitimité est contestée de part et d'autre. Lazhar Akremi, le verbe plus prolixe et l'esprit plus belliqueux depuis sa démission du gouvernement, d'un part, impute à Hafedh Caïd Essebsi des velléités de faire main basse sur le parti et de renverser ses institutions, et d'autre part, accuse Ridha Belhaj de saboter le parti et d'œuvrer à son implosion. Ce dernier réclame la tête de Boujemâa Remili et demande à l'évincer de son poste de porte-parole. D'autres apparatchiks et hommes de sérail soufflent sur le feu de la division et jouent à fond la carte du pourrissement pour s'offrir l'occasion de rebondir et de gagner des positions. En fait, une cacophonie digne d'une ambiance de marché aux puces. Tout le monde est d'accord sur l'urgence de convoquer le Congrès dont la tenue alimente la chronique nationale depuis bientôt deux ans sans que les divers courants composant Nida Tounes ne s'accordent sur un ordre du jour et sur une date. Tel un serpent de mer dont tout le monde parle mais personne n'en voit le corps. De toute évidence, les anguilles sous roche sont plus nombreuses que les leaders de Nida Tounes pensent et disent. En tout état de cause, la victoire au scrutin législatif et présidentiel, censée enraciner le parti dans le creuset national et souder davantage ses membres, a agi en cadeau empoisonné. Depuis ce succès, Nida Tounes n'a connu que les crises. Il n'y a qu'une seule explication : Le parti a trahi son électorat en intégrant Ennahdha dans sa coalition gouvernementale. Ennahdha est une mante religieuse qui détruit tous ses amants. Après Ettakatol et CPR, ses alliés à la Troïka, c'est au tour de Nida Tounes, dernier partenaire au plumard politique, de passer à la caisse et à la trappe. Et ce n'est guère fortuit que, depuis la mise en place de cette alliance contre-nature et complètement à rebord de ses engagements et de ses slogans, criés sur tous les toits, d'une voix haute et forte tout le long de la campagne électorale, Nida Tounes ne cesse de trébucher sur ses propres maladresses et de voir son capital sympathie chuter à une vitesse terrible et à un niveau non moins périlleux. La barque tangue fort et risque de couler et la Tunisie avec. Le consensus, tant revendiqué par BCE, semble être un exercice difficile au sein de Nida Tounes où chaque camp chevauche son cheval de bataille, brandit son fer de lance et attend au tournant son adversaire pour le faucher en pleine course. En conclusion, la perspective de tenir le premier Congrès semble poser beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en résout et met les hauts responsables de Nida Tounes beaucoup plus en posture de guerre qu'en position de compromis. Quel que soit le camp vainqueur au terme de ce bras de fer, Nida Tounes a déjà beaucoup perdu et a priori irrémédiablement.