Dernièrement, un tunisien a mis fin à sa vie d'une façon brutale en se jetant sous un train. Ce fait divers est en fait un acte irréversible qui semble être l'aboutissement d'une situation de désespoir total. La victime était dépendante à l'alcool et vivait une profonde dépression surtout qu'elle avait essayé de suivre des traitements à l'hôpital psychiatrique “El Razi” et au “centre Amal” de Jbel El Oust pour le traitement de l'addiction, mais ce dernier a fermé ses portes aux patients depuis 8 mois déjà, à cause de la grève de son personnel. Cet homme ne savait plus vers qui se tourner ni où se soigner ; il s'enfonçait chaque jour un peu plus dans sa dépression et il a fini par se suicider. Toxicomanie : Un phénomène dangereux marginalisé par l'Etat Le Pr. Jouda Ben Abid, psychiatre à la Faculté de Médecine de Tunis et directrice du «Centre Amal» pour la prise en charge des toxicomanes a déclaré que les agents du centre ont refusé de poursuivre le travail puisqu'ils sont conscients que ce métier ne leur apporte malheureusement plus aucune reconnaissance matérielle ou morale. Etrangement, le centre spécialisé dans les soins de l'addiction à la drogue, à l'alcool, à la coke et au tabac n'est toujours pas reconnu par le ministère de la Santé publique. Les patients sont obligés de prendre eux même en charge les coûts des soins qui dépassent généralement les 600 dinars, ce montant couvrant les frais d'hospitalisation seulement. La Caisse Nationale d'Assurance Maladie en Tunisie (CNAM) a même refusé la prise en charge des frais d'hospitalisation de ces malades, le traitement étant fourni gratuitement par le centre. Les employés du «Centre Amal» ont appelé le ministère de la Santé publique à reconnaitre la toxicomanie comme étant une maladie et à prendre en charge les personnes concernées. Selon eux, ces mesures ne doivent pas concerner la consommation de drogue du fait qu'il s'agit d'un crime sanctionné par la loi, mais plutôt les comportements à risque comme “sniffer” de la colle, un phénomène largement répandu en Tunisie et chez les adolescents de moins de 18 ans. Malheureusement, la législation tunisienne actuelle ne réprime pas ce type de pratique tout comme la consommation d'alcool et de tabac. Pour continuer leur trafic de drogue, les Trabelsi ruinaient le centre de prise en charge des toxicomanes De son côté, la directrice du « Centre Amal » a fait appel au gouvernement pour soutenir ce centre afin qu'il redonne l'espoir à des personnes dont la vie a été gâchée par les Trabelsi qui ont monopolisé le commerce de la drogue en Tunisie. Le Pr. Jouda Ben Abid a révélé que les Trabelsi ont bloqué les procédures visant à signer un accord de financement du centre par la CNAM. Selon elle: « Ils n'avaient aucun intérêt en tant que trafiquants de drogue à permettre de soigner les jeunes toxicomanes, ils voulaient les maintenir dans cet état pour en faire des « accros » leur garantissant des profits durables ». La directrice a témoigné des problèmes rencontrés par elle-même et le personnel du centre : « Nous étions obligés d'accueillir seulement les patients prisonniers, nous avons longtemps lutté pour convaincre le ministère de la Santé de la nécessité de recevoir tous les malades sans discrimination et de pardonner à ceux qui se sont présentés volontairement pour se faire soigner au centre. Nous avons proposé un système d'amnistie autorisant la libération de toute personne qui accepte le traitement ». Elle a ajouté que des personnes mal intentionnées ont fait circuler des rumeurs qui visant à créer de l'angoisse chez les malades, tel que : « le centre découle du ministère de l'Intérieur ou de ministère de la Justice et par conséquent il y a une grande probabilité d'être emprisonné après l'inscription ». Un centre de désintoxication fermé pour un délai indéterminé Le Pr. Ben Abid s'est interrogée sur le destin de plusieurs patients qui viennent au centre depuis sa fermeture, ils demandent sa réouverture, à être reconnus par le ministère de la Santé publique et à ce que la CNAM se charge des coûts des soins. Elle a affirmé : « La toxicomanie comme d'autres comportements à risque s'est accrue dans le pays particulièrement avec la défaillance sécuritaire, ce qui rend très urgent le retour de l'activité au centre pour pouvoir limiter le développement des ces fléaux sociaux. Le toxicomane n'est pas conscient des actes qu'il commet, en effet, la majorité des délits enregistrés (suicide, vol, homicide,…) ont été commis sous l'effet de stupéfiants et spécifiquement la consommation de substances hallucinatoires (Subutex). Sniffer de la colle est plus dangereux parce que les vapeurs toxiques attaquent le cerveau et causent la paralysie». Le ministère de la Santé publique va-t-il enfin répondre aux demandes du personnel du Centre Amal pour qu'il passe sous sa tutelle ? La CNAM va-t-elle enfin accepter de prendre en charge les frais de soins? Les autorités concernées vont-elles enfin prendre en considération les drames humains vécus par les malades et leurs entourages, victimes malgré eux des trafiquants de drogue et qui attendent une aide pour retrouver leur dignité de citoyens tunisiens avant de se jeter par désespoir sous les roues d'un train ?