L'affaire Jabeur Mejri est symptomatique des contradictions que vit la Tunisie d'après le 14 janvier. Ce jeune est condamné à 7 ans et demi de prison suite à une caricature publiée sur les réseaux sociaux dont pas grand monde n'a entendu parler. Pour mémoire, pour ceux qui n'en ont pas, (l'affaire Abdellia) une rumeur lancée par un pseudo huissier de justice a coûté à l'état 3 jours et 3 nuits de mobilisation des forces de l'ordre, un mort, des saccages et des incendies (plusieurs millions de dégâts) et des artistes poursuivis en justice alors que l'usurpateur en question n'écope que d'une amende de 1000 DT. Ce qui, soit dit en passant, en dit long sur l'Etat de la justice sous l'aire de la Troïka. Jabeur, écope d'une peine qui, dans l'échelle des peines, correspond plus à une condamnation pour crime dans le code pénal et n'a rien à voir avec le délit reproché. Lorsque le verdict est tombé, la société tunisienne et son élite progressiste encore tétanisée par le syndrome "Persépolis" n'a presque pas réagi. Seule une petite poignée de militants a essayé de suivre ce dossier, a constitué un comité de soutien national et international en l'absence de toute couverture médiatique locale. Je tiens à leur rendre hommage de ne pas avoir sévi à ce syndrome et d'avoir persévéré dans ce combat. L'attitude du chef de l'Etat dans le traitement de ce dossier est encore plus symptomatique car les « réflexes droits de l'homme » de notre cher président sont « anesthésiés » depuis qu'il est à la tête du pays. Face à cette injustice manifeste il n'a jamais répondu présent et n'a jamais utilisé une des rares prérogatives dont il dispose pour gracier ce jeune. Bien au contraire il a essayé de nous convaincre du bien-fondé de son maintien en prison pour sa sécurité avouant par là même son incapacité à protéger les citoyens de ce pays, mission qui lui incombe précisément. Pire encore, il accepte de le gracier à condition qu'il quitte le pays. Nous venons à peine et pour la première fois de notre histoire de constitutionnaliser le droit d'asile et l'impossibilité de priver un Tunisien de son pays et voilà que pour fêter cela, notre cher président, "chantre" de la défense des droits de l'homme, décide d'accepter de renvoyer un Tunisien de chez lui et d'être le premier Président à le faire. Trop c'est trop, notre président provisoire n'a jamais été, ni agi comme président de tous les Tunisiens et Tunisiennes. Il est resté prisonnier de sa mégalomanie et ne peut plus se prévaloir d'un passé de défenseur des droits de l'homme. Son attitude porte atteinte à tous les militants et militantes sincères qui se démènent dans les quatre coins de la terre pour sauver des vies et combattre l'extrémisme et l'intolérance. Ce président n'a rien à voir avec ces résistants qui bravent les dictatures au risque de leur vie. Sans ignorer les contradictions profondes et leurs pesanteurs, visiblement, Monsieur le Président, vous incarnez brillamment la citation de Hérodote "Donnez tout pouvoir à l'homme le plus vertueux qui soit, vous le verrez bientôt changer d'attitude." J'aurais préféré que vous en soyez le contre exemple.