La Tunisie est en situation d'incertitude, depuis janvier 2011, cela personne ne peut le nier étant donné les dures épreuves par lesquelles elle est passée et qui ne paraissent pas près de s'achever. Cependant, pour certains, le pays va droit au naufrage, tandis que pour d'autres, tout est en marche en vue d'un réel sauvetage. Les dernières déclarations du président du gouvernement, Ali Larayedh, ont voulu être rassurants quant à la situation globale du pays, même si ses propos concernant le mouvement « Tamarrod » ont semblé par trop provocants. Mais TaïebBaccouche, Secrétaire général de NidaaTounès, n'a pas lésiné sur les termes de déception face à une telle attitude du premier responsable gouvernemental qui, au lieu de souligner les difficultés pour mieux en partager la responsabilité et le devoir de les surmonter, continuerait de noyer le poisson et de laisser croire que tout est au mieux dans le meilleur des printemps. Entre le tout noir et le tout blanc, la plupart des Tunisiens ne peuvent que broyer du noir et tout entrevoir à travers le sombre rideau du désespoir. Entre la vision du pouvoir en place et celle de l'opposition la plus en vue, on ne voit guère d'attitude fondamentalement patriotique et foncièrement citoyenne. Tout le monde y va de son propre règlement de compte, de son propre calcul personnel ou partisan et de ses propres stratégies pré-électorales. La patrie semble ne plus constituer qu'un terrain sur lequel se jouent les différentes compétitions et se déroulent les combats les plus passionnés, à la limite du passionnel. Le plus révoltant dans le comportement de certains responsables, au sens de vraie raison de « Tamarrod », c'est l'arrogance qui caractérise leurs dits et faits et qui sonne à la fois comme un défi et comme une humiliation du commun des gens, qu'on prendrait pour moins que rien et dont on ne se soucie même pas un brin. De fait, pendant que le peuple est menacé d'indigence et même des fléaux qu'on croyait déracinés des sociétés modernes, les acteurs politiques ont transformé le pays en un vaste palais de justice où se joue un interminable feuilleton de parodies de procès. Tout le monde a tendance à vouloir porter plainte contre tout le monde. Et pour que le ridicule soit poussé à son comble, c'est la présidence de la République qui se met à vouloir trainer le peuple en justice ; c'est les hommes de la sûreté qui en veulent à l'armée, et ce serait même l'armée qui chercherait à porter plainte contre elle-même. Pendant ce temps-là, à peine perçoit-on une lueur d'espoir quant à une avancée sensible dans la marche d'escargot (L'histoire de Baboucha, vous connaissez ?) de notre assemblée constituante, qu'un incident, fortuit ou provoqué, ramène tout à la case départ et replonge le peuple dans son profond désespoir. Nos députés se croient quitte de leur tâche d'avoir réussi à voter leurs propres avantages. Tout le reste est simple badinage ! Passe le temps sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure Dieu même ne change rien à ce qu'il en est des hommes tant qu'ils ne prennent pas eux-mêmes l'initiative de changer le cours des choses ! Pourtant, les révoltés de fin 2010 et du début de 2011 scandaient à tue-tête : « Si un jour le peuple est pris de la volonté de vivre / Le destin lui-même ne peut que se soumettre à cette volonté ». Parole de poète ? On en veut, juste assezpour avoir le pouvoir ! Après ? Tout le reste n'est que littérature.