Il était un temps pas très lointain, à une unité de demi-siècle en arrière, où on célébrait encore les mariages et les circoncisions en tirant en l'air des coups de feu d'un fusil de chasse. C'était le temps où ces festivités s'accompagnaient de courses de chevaux et d'acrobaties équestres dans des champs étendus ou de larges places publiques. C'était beau, car en harmonie avec une manière d'être des gens et une certaine façon de manifester un esprit de société. Puis, pour s'adapter à l'évolution des modes de vie et de la perception de certains fonctionnements des choses, on a jugé bon de prohiber cet usage des coups de feu (par un texte de réglementation ou par accord tacite), souvent remplacés par des feux d'artifice. Cela paraissait moins violent et adoucissait les mœurs en les détournant de l'esprit violent et belliqueux vers un nouvel esprit de paix et de douceur. Dernièrement, les choses ont changé avec un branle-bas de combat qui s'est instauré dans les cœurs et les esprits des gens. Cette année surtout, mais déjà l'année dernière, on a vu des jeunes gens, et pas seulement des enfants, faire de leurs pétards de jeu un usage tellement agressif qu'on en a conclu à l'état de guerre déclarée dans la société : entre générations, entre idéologies, entre sectes, et que sais-je encore ! En effet, ces jeunes s'appliquaient à épier le moment de pleine distraction d'une femme, tant mieux si elle est enceinte, ou d'un homme, tant mieux s'il est cardiaque, pour faire éclater le pétard féroce. Cet été, nos cérémonies, sans doute au nom d'un autre retour à la tradition, s'annoncent et s'exhibent aux éclats tonnants des coups de fusils dont l'usage est à coup sûr suspect en cette période de trafic d'armes et de menaces terroristes. Curieusement, leur bruit est plus envahissant, plus terrifiant : on en est partout servi, dans les petites villes comme dans la Capitale. La solution ? Capituler ! Pour les uns, c'est une stratégie de camouflage. Pour les autres, c'est une politique de domination de (et par) « la géographie de la peur », comme dirait notre poète et chroniqueur Moncef Louhaïbi. Mais pour le simple citoyen tunisien, c'est le présage que rien de bon ne semble s'annoncer à l'horizon.