On en parlait déjà en coulisse depuis un certain temps : Mohsen Marzouk devait quitter son poste de conseiller du président de la République pour gérer le grand ménage du parti Nidaa Tounses qui, aussitôt sorti des élections qui l'ont consacré premier parti de la place, est entré en zone de turbulence et, pour le plaisir de ses détracteurs, a laissé voir des signes de confusion et de dissension. Heureusement pour lui, sans doute aussi pour l'équilibre politique dans le pays, ses responsables ont su raison garder à la fin en décidant de repartir du bon pied après la gestion des différences et l'apaisement des différends. Donc Mohsen Marzouk est désormais le secrétaire général du Nidaa, en remplacement de Taïeb Baccouche, replacé, avec Faouzi Elloumi et Hafedh Caïed Essebsi, à l'un des trois postes de vice-président du président par intérim du Nidaa. De toute évidence, une formule de compromis jusqu'au congrès du parti où la démocratie, probablement « semi-directe », donnera l'occasion aux militants de trancher la question de la direction de la Maison Nidaa. Je me rappelle avoir écrit, le lendemain même de la dernière élection présidentielle qui avait porté BCE à la tête de la magistrature suprême, que le secrétaire général en exercice, en l'occurrence Taïeb Baccouche, devrait renoncer à faire partie du gouvernement, ou au moins différer cela, pour s'occuper de la gestion du parti jusqu'à son congrès et le mettre en vraie situation de parti assumant la responsabilité du pouvoir en Tunisie, même en assurant ce pouvoir en partenariat ou en association avec d'autres. En ce temps-là, on parlait de Mohsen Marzouk aux Affaires étrangères et son CV s'y prêtait bien. Certains collègues m'ont dit alors que cette tâche n'était pas des moyens de Taïeb Baccouche. Force est de aujourd'hui de leur donner au moins partiellement raison ou de repenser différemment le calcul politique de la personne intéressée. En effet, il en fut autrement par une fixation, semble-t-il, de T. Baccouche sur le portefeuille de la diplomatie, faute d'avoir la présidence du gouvernement. C'est un choix qui se respecte. Il y a des personnes qui font de la politique pour la gestion gouvernementale et non pour la conduite partisane ; cela est sans doute le cas de T. Baccouche qui, tout calcul fait, et la conjoncture aidant, préfère s'engager sur le terrain de la diplomatie, quelles qu'en soient les difficultés et peut-être même les heurts, plutôt que de s'investir pleinement dans un parti dont les turbulences peuvent s'avérer plus éprouvantes que celles des Affaires étrangères, déjà fort compromettantes du rendement ministériel jusqu'à présent. Le risque à prendre alors, et finalement pris, c'est de finir sur la modestie de la performance et les limites de la compétence dans un domaine comme dans l'autre, un peu à la façon du premier passage par le gouvernement, à la tête du ministère de l'Education nationale. Toutefois, ces expériences ne diminueront en rien la valeur incontestable de l'éminent universitaire et du sincère militant de la société civile qu'est T. Baccouche : un capital à toute épreuve. C'est donc en toute logique que Mohsen Marzouk est unanimement plébiscité secrétaire général du Nidaa, dans une formule qui colmate les brèches et donne un nouveau souffle à l'équipe pour les rendez-vous futurs. On nous dira peut-être que BCE n'y est pour rien et nous ferons semblant d'y croire. Il s'agit, pour tout le monde, de « sauver l'eau du visage », comme on dit chez nous, et c'est chose faite. Maintenant, au travail, diraient les militants de ce parti dont dépend, qu'on le veuille ou non, une bonne part au moins de l'avenir du pays. Il faut reconnaître à Mohsen Marzouk, n'en déplaise à ses francs ennemis et à ses détracteurs en biais, un engagement à toute épreuve comme on en voit chez les partisans les plus convaincus, une compétence de communication séduisante et mobilisatrice même quand elle semble frôler l'arrogance. Eh oui, la politique politicienne, c'est cela d'abord, du cran et la langue du peuple, et non la mise en ligne des mots anachroniques d'Ibn Mandhour ! L'image de Bourguiba reste encore à l'horizon, celle de BCE n'est pas en reste. Pour tout dire, Mohsen Marzouk présente un profil crédible pour une relance de l'action et le recouvrement de l'image de marque du Nidaa, mais le nouveau secrétaire général devra compter avec tous les feux qui couvent, à l'intérieur du parti et dans l'environnement politique national. Encore du pain sur la planche et, pour le cuire, « l'art est long et le temps est court ».