Un dicton de chez nous dit à peu près ceci : « Devenir partisan est un acte de trahison ». Une de ces formules qui, dans son aspect lapidaire, laisse ouvert le champ libre à la pluralité interprétative qui irait jusqu'à la trahison de cette même formule. C'est qu'à la fin, la logique partisane a toujours assez d'arguments pour présenter toute trahison suspectée comme la plus saine des fidélités aux principes d'un parti et à la logique de la politique politicienne. Rassurez-vous ! Il ne s'agit nullement ici, de se positionner en donneur de leçon et de se mettre au-dessus du lot en termes de sagesse. Chacun se dirait, à soi avant les autres : « Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre ! ». N'empêche qu'aujourd'hui, un minimum de bon sens devrait corriger certaines visions étriquées et tempérer certaines passions étroitement politiciennes pour une conscience responsable de la situation du pays, des attentes de son peuple et des exigences des défis présents. Pourtant, là où l'on attendrait ce brin de lumière, c'est plus de cafouillage qu'on rencontre et plus de manigances. Ainsi, Nidaa Tounès, cette formation politique, où une assez bonne majorité a cru lire les indices d'une issue heureuse à la crise sévissant en Tunisie depuis 2011, s'est avérée, elle aussi une sorte de secte politico-politicienne, sans doute aussi malencontreuse pour le pays que les sectes cultuelles, car de tous les côtés, c'est l'idéologie comme instrument de manipulation qui paraît fonctionner au service des ambitions et des intérêts personnels. En effet, on aura tout vu dans ce Nidaa, depuis quelques mois, sauf ce qu'on attendait pour la cause commune et le redressement national. Tous les coups, hauts et bas, souvent plus bas que hauts, dans une course au pouvoir, aux postes, à l'influence, sans égard pour la sensibilité et le moral des citoyens, surtout les électeurs du parti qui, rappelons-le, ne sont pas ses partisans. Le spectacle de la rivalité, réelle ou montée, entre Mohsen Marzouk et Hafedh Caïd Essebsi, sur fond de filiation sanguine ou adoptive, a donné lieu à deux frères ennemis et à un héritage partagé, de façon anticipée. Au résultat, on ne sait pas trop s'il y a vraiment un gagnant. Ce dimanche, c'est un autre spectacle offert par la réunion du « bureau politique » (sic !) du Nidaa, celui de « la conservation des postes », précise un fin commentateur. Puis il ajoute : « Vous avez vu l'enthousiasme excessif de Néji Jelloul, pourtant pratiquement maintenu dans son poste ; il a apposé ses empreintes digitales en bas de la "patente de BCE", en pointant du doigt, sans les nommer, Mohsen Marzouk et ses deux acolytes attitrés ! Même Taïeb Baccouche s'est mis de la partie en se livrant à une déclaration irresponsable qu'il a essayé inutilement de modérer après. Pour un spécialiste de la langue, il aurait pu cette fois retenir sa langue, non ! C'est vrai que le portefeuille des affaires étrangères est très alléchant et que d'être aussi fragilisé à ce poste que l'est T.B. peut pousser à la méprise. Imaginez qu'il soit remercié malgré cela et qu'il se retrouve en procès à propos de cette affaire ? La belle affaire ! Il pense sans doute que le jeu en vaut la chandelle et c'est dommage ! ». La grande farce politique de ces derniers mois laissera sûrement des séquelles et des effets pervers : d'abord une consolidation du bloc d'Ennahdha, pour le malheur du projet initial de Nidaa Tounès ; ensuite, et ce serait peut-être heureux, l'évolution d'autres mouvances politiques vers un renouveau à même de les propulser au premier rang du leadership politique, pourvu que celles-ci sachent tirer les leçons qu'il faut des déboires du parti qui était prédestiné à un grand rôle dans l'Histoire du pays et qui, malheureusement, risque de s'arrêter à mi-chemin pour incapacité à gérer les crises avec l'esprit de la primauté de la patrie sur les partis.